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Ciel, un trou
Un gouffre béant vient de s’ouvrir dans la capitale du Guatemala. Que faut-il mettre dedans?
Mardi 15 Juin 2010
Un énorme trou de 20 mètres de diamètre et de 30 mètres de profondeur a englouti une petite usine et quelques poteaux téléphoniques à Guatemala City à la fin du mois de mai. La police monte la garde devant le gouffre pour empêcher les badauds de tomber dedans, et les riverains ont emménagé ailleurs en attendant la suite. Comment fait-on pour reboucher un trou béant au milieu d'une grande zone urbaine ?
Filtre progressif ou ciment?
On y met du ciment ou des rochers. Ce genre de cavité se forme quand de l'eau fuit dans les pores du sous-sol et les agrandit progressivement. Quand ces cavités souterraines atteignent une certaine taille, le sol s'effondre et les comble. Le dernier grand cratère de Guatemala City, qui s'est ouvert en 2007, avait englouti trois maisons à 100 mètres sous le niveau des rues. Le gouvernement avait dû dépenser 2,7 millions de dollars pour dévier les canalisations d'égout du quartier et combler le trou avec du ciment. Le cratère qui vient de s'ouvrir sera sans doute rebouché de la même manière.
Pourtant, rien ne prouve que ce soit la meilleure solution. Un tampon de 184 mètres cubes de béton peut provoquer une concentration des fuites d'eau dans d'autres zones et déboucher sur d'autres affaissements. Beaucoup d'ingénieurs favorisent la technique du filtre progressif, qui consiste à combler la cavité avec une couche de grosses pierres, puis une autre de pierres plus petites, et enfin une couche de graviers. Cela remplit plus ou moins le trou, tout en permettant à l'eau de continuer à circuler dans la zone.
L'inévitable réapparition de cratères
Quelle que soit la solution adoptée pour boucher ce cratère, d'autres cratères verront le jour. La situation géographique de Guatemala City et son système de canalisations d'eaux usées qui fuient la rendent particulièrement vulnérable à ce type de phénomène. La capitale s'étend en contrebas de sept grands volcans, dont deux sont des membres actifs de la ceinture de feu du Pacifique. Pendant des centaines de milliers d'années, la gigantesque caldeira Amatitlán a craché des cendres volcaniques qui sont retombées à l'endroit où se dresse aujourd'hui la ville. Conséquence, le soubassement local est principalement composé de pierre ponce volcanique instable (la plupart des villes sont construites sur des dépôts volcaniques, mais la cendre de l'Amatitlán n'a pas eu le temps, ni les conditions de pression et de température nécessaires, de se comprimer pour former des fondations solides).
Il arrive aussi parfois que des trous béants se forment en Amérique du Nord. Si le processus est le même, les conditions géologiques sont différentes. Aux États-Unis, les sous-sols des zones les plus exposées à ce phénomène sont constitués de calcaire et de dolomite plutôt que de cendres volcaniques. Ces matériaux à l'érosion facile sont responsables de merveilles naturelles comme les grottes de Carlsbad du Nouveau-Mexique, mais peuvent aussi provoquer d'effroyables effondrements. Les États les plus exposés sont la Floride et le Kentucky. En 1994, un trou d'une hauteur de 15 étages s'est ouvert près de Mulberry, en Floride.
La formation soudaine de gouffres -ces phénomènes spectaculaires et dramatiques qui engloutissent des victimes par surprise- est relativement rare. La plupart des cavités se forment lentement et mesurent moins d'un mètre de profondeur. Au fil de l'érosion du sous-sol, le sol s'affaisse à un rythme imperceptible. Quand il finit par atteindre le niveau de la nappe phréatique, apparaît alors un petit effondrement visible à l'œil nu.
Brian Palmer
Traduit par Bérengère Viennot
http://www.slate.fr/story/22943/ciel-un-trouLa suite des événements....