A la lecture de l'article, je crains un ouvrage qui soit très "orienté" par le point de vue de militante de l'auteure.
Le problème ne serait donc pas qu'elle ne soit pas
neutre (comme elle l'avoue honnêtement) dans le traitement de son sujet, mais bien qu'elle soit pas
objective. Pour faire une comparaison : le couple Pinçon-Charlot n'est clairement pas neutre lorsqu'il va enquêter sur le mode de vie des ultra-riches (puisque ce sont deux marxistes), mais il reste suffisamment objectif dans son analyse pour produire du savoir fiable et de qualité.
Or, ce que raconte Heide Goettner-Abendroth ne correspond absolument pas à ce que j'ai pu lire à propos des Mosuo/Naxi ou des Touaregs (parce que contrairement à ce qu'elle affirme, il y a eu pas mal de choses qui ont été écrites à leur sujet

).
J'ai l'impression qu'elle utilise la matrilinéarité de ces sociétés (qui ne signifie absolument pas que le pouvoir politique ou religieux revienne aux femmes, ni que celles-ci soient égales des hommes au quotidien et devant la loi coutumière !) comme prétexte pour leur plaquer dessus la vision très idéalisée d'un système matriarcal pacifique, égalitaire, démocratique, sexuellement libéré... qui n'a vraisemblablement jamais existé (dixit les ethnologues).
Ce ne serait pas la première fois qu'un ouvrage militant essaye de se faire passer pour une étude scientifique : je pense notamment à
Caliban et la Sorcière, un livre considéré comme une Bible incontournable par beaucoup de féministes actuelles bien que son contenu soit à la frontière de la pseudoscience.*
Il faudrait bien sûr que je lise l'ouvrage de Goettner-Abendroth pour me faire un avis définitif, mais j'avoue craindre de me retrouver devant un travail du même acabit (et
la fiche Wikipédia de l'auteure ne faire rien pour me rassurer...).
* La thèse de
Caliban est que la grande vague de chasse aux sorcières du début de la Renaissance en Europe s'expliquerait par la naissance du capitalisme (patriarcal
of course) qui a nécessité l'asservissement des femmes pour pouvoir prendre son essor ; les femmes rétives à cet asservissement ou menaçant la structure du pouvoir auraient fini sur le bûcher.
La thèse n'est pas complètement absurde (la Renaissance voit effectivement un recul des droits et de l'autonomie des femmes par rapport au Moyen-Age)... mais l'auteure a fortement tendance à s'asseoir sur les faits, à tordre les preuves historiques et à ne considérer que les éléments allant dans son sens.
Chimère a écrit:
Bon, ce qui me gêne à titre personnel, c'est cet accent mis sur la maternité... comme si le "plus beau rôle" de la femme était de pondre des mioches...
C'est assez courant chez les militantes de la « 3ème vague du féminisme » et les éco-féministes : là où les vagues féministes antérieures ont essayé de libérer les femmes des contraintes de l'enfantement et de la maternité (vus comme des freins à leur émancipation), ces mouvements plus récents essayent de se les réapproprier et de les célébrer en tant qu'éléments propres au féminin.
Je suis également un poil dubitatif — notamment parce que chez les écoféministes cela vire souvent au truc New-Age et à l'essentialisation (
« la femme est l'incarnation de la Terre-mère nourricière avec laquelle elle est en contact via son cycle mensuel basé sur les mouvements lunaires »)... Mais bon, étant un homme, je ne suis sûrement pas bien placé pour les juger.
