Herr Magog a écrit:
Cependant, sur des enregistrements "classiques" comme des interviews, par exemple, où on demande à Csihar de donner quelques aperçus de ses capacités vocales, il me semble qu'il avait entonné une sorte de chant de gorge tibétain
Oui, le chant de gorge tibétain des moines Gyütö et Gyüme se rapproche du
kargyraa mongol (vibration des bandes ventriculaires, qui sonnent en moyenne une octave en dessous des cordes vocales). La seule différence est que les tibétains mettent très peu de pression, pour obtenir un chant très grave et caverneux, tandis qu'un centre-asiatique mettra davantage de pression (en faisant parfois vibrer les cordes vocales en même temps que les bandes ventriculaires) de façon à davantage faire ressortir les harmoniques.
La différence s'entend très bien, par exemple ici, sur cette vidéo d'un
kargyraa d'un artiste touvain (on parle de
kargyraa des steppes, car le
kargyraa des montagnes de l'Altaï à la réputation d'être plus grave et plus rauque) :
et sur cette autre vidéo de moines tibétains du monastère Gyütö :
Je suis toujours épaté de la durée pendant laquelle les moines arrivent à tenir leur note (faire vibrer les bandes ventriculaires demande beaucoup d'air, je tiens personnellement en général entre 20 et 30 secondes, mais guère plus), et par la gravité de leur fondamentale (qui se situe grosso-modo une quinte en dessous de celle du
kargyraa des steppes et du
kargyraa que je produis).
Herr Magog a écrit:
Je pense donc qu'il a quelques connaissances de base dans le domaine.
Il doit probablement savoir faire du
kargyraa, dans la mesure où la technique se rapproche parfois de celle du
grunt ou du
death growl. Par contre, la technique du
khoomei et du
sygyt est très nettement différente.
Herr Magog a écrit:
Mais t'es parti de rien pour apprendre les chants diphoniques seul ? Pas de conseils donnés par quelqu'un qui connaissait, ni rien ?
J'ai glané quelques informations ça et là sur des sites webs, mais je ne crois pas qu'elles m'aient vraiment été utiles... Le chant diphonique est quelque chose d'assez intuitif ; bien souvent, il faut juste avoir compris le "truc" à la base de la technique recherchée, ensuite il faut juste de l'entraînement et de la pratique pour en avoir une meilleure maîtrise.
J'ai par exemple découvert le principe du
kargyraa tout bêtement, un jour où j'étais complètement enroué. J'ai toussé, et ai fait vibrer -complètement involontairement !- les bandes ventriculaires de ma gorge... L'impression est tellement particulière (c'est comme de faire entrer en résonance d'énormes cordes vocales, tous les os du crâne se mettent à vibrer en même temps
) que j'ai tout de compris que j'avais mis le doigt sur quelque chose d'intéressant.
La suite a été une affaire d'entraînement, pour arriver à les contrôler et à produire un son sans se faire mal. Un débutant a naturellement tendance à forcer pour palier son manque de technique, et c'est précisément ce qu'il faut éviter.
En revanche, l'écoute des artistes mongols et touvains est quelque chose de primordial si on veut arriver à sortir le même type de sons qu'eux.
On peut faire du chant diphonique sans faire du chant de gorge, mais en utilisant d'autres techniques (notamment, en chantant une note très aiguë et donc riche en harmoniques, et en utilisant la cavité nasale comme résonateur pour les amplifier). Le résultat est assez différent, plus doux et plus flûté, comme tu peux le voir ici :
La plupart des gens font la confusion (comme le gars de cette vidéo, et même des chanteurs diphoniques que j'avais rencontré sur Paris), mais il faut que les choses soient claires :
ce type de chant diphonique n'a rien à voir avec celui pratiqué par les mongols et les touvains. Pour faire la distinction avec ce dernier, on l'appelle d'ailleurs souvent "chant harmonique".
Les techniques de chant diphonique centre-asiatique font systématiquement intervenir la voix de gorge (ce qui permet de chanter avec une fondamentale très grave, là où un pratiquant de chant harmonique "occidental" comme le monsieur de la vidéo sera obligé de chanter une fondamentale très aiguë s'il veut avoir des harmoniques potables) ; et elles interdisent en temps normal l'utilisation de la cavité nasale pour amplifier les harmoniques (qui empêche de faire un tri précis des harmoniques que l'on veut chanter).
De nombreux pratiquants occidentaux préfèrent ce nouveau style de chant diphonique, jugé moins désagréable (moins rauque, moins nasillard) à l'oreille que le chant de gorge traditionnel asiatique. Il est aussi nettement plus facile : alors que le khoomei demande plusieurs années de pratique pour arriver à un bon résultat (on ne le réalise pas forcément, mais les mongols que l'on entend sur les vidéos sont des virtuoses !), il suffit de quelques heures d'entraînement pour faire du chant harmonique.