Arf, en grande émotive, il se peut que je sois complètement aveuglée par le coup de poing émotionnel qu'a été ce film mais vraiment, j'ai le sentiment qu'il a une portée tellement universelle que j'ai du mal à concevoir qu'il ennuiera la plupart des gens. Il en ennuiera forcément certains au passage, c'est incontournable. Mais de ce que j'en observe et en lis à droite à gauche, pour l'instant, il semble plutôt faire un énorme carton.
Après, l'expérience dans la salle a aussi probablement joué. Je ne sais pas comment c'était pour toi?
De mon côté, l'amie avec qui j'étais est ressortie aussi subjuguée que moi. Il y avait également un monsieur d'une cinquantaine d'années qui soliloquait tout seul dehors, encore sous le choc, et qui répétait : "C'était extraordinaire... extraordinaire!". Et puis ça fait partie de ces films où j'ai l'impression que pas mal de gens restent assis dans la salle de longues minutes après la fin. Ca a été mon cas. J'ai dû rester un long moment pour me ressaisir. Et il restait encore pas mal de gens au moment où je suis sortie, alors que le générique était fini depuis un bail. La réaction d'Almodovar sur le film au moment du festival de Cannes est aussi pas mal représentative de ça, je trouve: j'ai l'impression que beaucoup de gens ont du mal à en parler sans être débordés par l'émotion.
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... Mais j'avoue ne pas avoir été être transcendé non plus, probablement parce que le format est à mi-chemin entre le documentaire et la fiction (ce qui fait qu'on ne sait jamais vraiment qu'est-ce qui doit être pris pour argent comptant ou pas), et qu'il n'y a pas vraiment d'histoire (la seule trame, c'est l'histoire d'amour entre Sean et Nathan).
Comme quoi, décidémment, les goûts et les couleurs, les ressentis, c'est incommunicable!
J'ai au contraire trouvé l'histoire très dense: on parle de gens qui n'auraient jamais dû se rencontrer et qui se sont retrouvés à devoir se battre ensemble pour survivre et sauver tous ceux qui pouvaient encore l'être. Rien que là-dessus, on pourrait faire 3 heures de film, je trouve... Il y a tant à dire. La maladie les a obligés à devenir en quelque sorte des experts : on voit qu'ils ont dû acquérir un savoir médical, par la force des choses. On voit aussi comment ils ont du apprendre sur le tas à lutter contre le cynisme des politiques. Les discussions houleuses sur les stratégies à adopter en termes de communication sont passionnantes (être violent? ne pas l'être? être morbide dans les messages envoyés? ou au contraire être positif? être super "queer"? ou plus hétéro-normé? etc.).
Aussi, on voit comment cette maladie les a liés éternellement, malgré les divergences et les tensions. On part de l'histoire du collectif pour arriver tout doucement, avec une grande douceur et une grande délicatesse, à l'histoire individuelle, intime et particulière. On réalise que la ferveur du combat mené est à la hauteur des enjeux du quotidien: la survie, l'amour, l'amitié. Ils voulaient tellement vivre, b****l! On mesure l'ampleur du drame qui se joue au quotidien pour eux, jusque dans les derniers instants. Ce film rappelle que derrière la lutte acharnée et la maladie, il y avait des individus, des histoires particulières.
Quant à ce qui doit être pris pour argent comptant ou pas, je me suis aussi posée la question pas mal de fois pendant le film. Après avoir lu pas mal de trucs à droite à gauche depuis hier soir, il en ressort que tout ce qui relève du collectif et du politique est strictement exact (les méthodes d'Act-Up pendant les RH, la façon de distribuer la parole et de mener les débats, le fait de claquer des doigts pour acquiescer, les slogans, et aussi, bien sûr, les actions avec les poches de sang, le préservatif sur l'obélisque, etc. - Bon, ça je le savais parce que même si je n'étais pas bien grande, je m'en souviens. Il existe pas mal d'archives de l'INA sur ces derniers points d'ailleurs).
Tout ce qui relève des personnages est en revanche plutôt fictif, à une exception prêt: le personnage de Sean, qui se trouve en fait être Cleews Vellay. Beaucoup de ce qui est raconté dans le film à son sujet est vrai, pas tant pour ce qui touche au personnel, mais plutôt pour tout ce qui concerne le politique.
Cf. entre autres, cette archive de l'Huma le lendemain de ses obsèques:
https://www.humanite.fr/node/89983Campillo et Philippe Mangeot (qui a co-écrit le film) étaient militants d'Act-Up à l'époque. Ils ne pouvaient pas être mieux placés pour relater l'histoire de l'association. Sachant que le film a été par ailleurs complètement adoubé par Didier Lestrade (le cofondateur d'Act-Up): il dit que le casting ressemble à tel point au Act-Up de l'époque que c'en est troublant. D'ailleurs, certaines scènes sentent franchement le vécu et ne trompent pas.
Je le disais justement à mon amie en sortant du ciné: certains détails faisaient tellement réels, étaient filmés avec tellement de justesse, que c'en était dérangeant. Je n'ai pas été etonnée d'apprendre par la suite, au hasard d'une vidéo, que Campillo s'était retrouvé dans cette situation avec un ami proche.