S'agissant de Depeche Mode, donc, ce que tu dis me fait vraiment plaisir! Je comprends bien que ce ne soit pas trop ton truc dans l'absolu.
Et justement, je trouve que c'est leur grande force: ils parviennent à fédérer un minimum malgré tout, avec une facilité que je trouve déconcertante.
Par exemple, j'ai découvert que ma maman, qui se berce exclusivement de chanson française (et qui est fan d'artistes comme Michèle Torr ou, pire, Michel Sardou - aheum - pour te situer un peu les choses...
), connaissait quelques titres de Depeche Mode et savait les apprécier (comme toi, sans plus, mais elle peut les écouter sans que ça ne la dérange).
Pareil pour une copine, musicienne professionnelle de son état, très branchée jazz expérimental et aux goûts habituellement très pointus, qui écoute volontiers du Depeche Mode à l'occasion et m'enviait la semaine dernière d'aller les voir sur scène.
Mon "amour" pour eux est basé sur plein de choses. Ce n'est pas qu'une histoire de musique. Même si, bien sûr, leur son électro a toujours été - de plus loin que je me souvienne - complètement à mon goût. J'aime le côté à la fois dansant
et très sombre/mélancolique qui se dégage de chacune de leurs compositions. C'est tout ce que j'ai toujours aimé. Et puis, tout de même, cette capacité à pondre autant de tubes au kilomètre, c'est impressionnant. Je suis d'ailleurs surprise que tu ne connaisses "que"
Personnal Jesus car sans être fan, j'aurais pensé que tu n'aurais pas pu échapper à un ou deux autres gros titres (dont
Enjoy the Silence, pour ne citer qu'elle - c'est LE grand tube (formidable) de DM - à voir
ici si ça t'intéresse). Presque 30 ans après, il me fait toujours le même effet.
Mais surtout, je trouve leur parcours admirable. 40 ans de carrière pour un petit groupe électro sur lequel personne n'aurait parié un kopeck au départ, ce n'est pas rien. Parvenir à remplir le Stade de France (et tous les autres stades à travers le monde) à chaque tournée en dit long sur leur talent (et je pourrais te dire la même chose de Johnny - dont je déteste par ailleurs la musique - mais à qui je reconnais un talent indéniable et qui ne s'est jamais essoufflé avec le temps - rien que ça, ça mérite le respect).
J'aime aussi leur côté phoenix qui renaît de ses cendres. Ils se sont toujours relevés malgré les gros coups durs. Dave a failli mourir d'une overdose en 96, tandis que Martin luttait dans le même temps contre l'alcool et la dépression. A ce moment là, Alan Wilder - adoré (à juste titre) des fans - a claqué la porte, fatigué de tout porter à bout de bras, seul... Tout le monde a cru que c'en était définitivement fini de Depeche Mode (Wilder était un compositeur essentiel - indispensable croyait-on - dans la formation). Eh bien, ils se sont encore relevés et ils ont pondu des albums très intéressants derrière (je pense entre autres à Playing the Angel). Dave a aussi choppé un cancer en 2009. Mais idem, il s'est battu comme un diable. Ca avait pourtant l'air d'être assez mal parti pour lui...
D'une manière général, je crois que ce qui est vraiment saisissant, c'est que la musique, c'est vraiment leur vie au sens propre. S'ils arrêtent, on a l'impression qu'ils en mourront. Et sur scène, ça se ressent. Ma meilleure amie qui m'a accompagnée au concert (et qui aime bien Depeche Mode, sans être une grande fan) m'a dit avoir été très touchée par leur énergie et leur générosité. Le terme de frontman pour Dave n'est pas usurpé. C'est un vrai cadeau qu'il fait à chaque concert. Toujours le sourire, toujours à courir partout, à danser et à chanter en même temps avec une grande justesse (c'est pas évident quand tu t'appelles pas Beyonce et que t'as plus 20 ans). A 56 ans, je trouve que c'est épatant. On a l'impression qu'ils jouent tous avec la même envie qu'à leurs 18 piges. Surtout, à l'unanimité, leurs lives sont chaque fois bien meilleurs que les albums enregistrés. C'est vraiment sur scène qu'ils savent donner la pleine mesure de leur talent. Ils refont des arrangements de folie et concoctent chaque fois de superbes nouvelles intro aux morceaux les plus connus. Ils les revisistent à chaque tournée, pour ne pas se répéter, ce qui demande un grand boulot. La semaine dernière encore, j'ai (re)découvert grâce à leur concert un de mes morceaux préférés. La nouvelle intro est folle. Encore bien mieux que l'originale.
Et puis, comme déjà dit, j'aime bien l'image et le discours androgyne porté par Martin Gore depuis toujours. Ce n'était pas le seul à se maquiller et à porter du vernis dans les années 80 mais je n'ai jamais vu là-dedans une posture. Quand il dit qu'il n'a jamais compris la différence entre les sexes, je le crois sincère. Il paraît qu'il était très timide et discret, pour ne pas dire invisible, à l'école. Grâce à Depeche Mode, il a pu s'affirmer et se révéler. C'est une forme de féminisme, mais non revendiqué. C'est comme ça, c'est en lui, c'est tout. Même à 56 ans, il continue d'arborer sur scène du vernis, des plumes, des paillettes, et je trouve qu'il le porte très bien, même si c'est beaucoup plus sage qu'à ses débuts.
Enfin, j'aime le fait qu'ils soient toujours capables de jouer ensemble après 4 décennies. Parce que ce n'est pas tous les jours facile, parce que la bataille des égos fait rage entre Martin Gore et Dave Gahan, et qu'ils ont l'intelligence d'en parler et de ne pas le cacher. L'intelligence aussi de savoir faire des compromis sans cesse à renégocier. Ils le disent eux-mêmes: ils ne partiraient pas en vacances ensemble mais ils s'admirent et se respectent mutuellement beaucoup et ça se voit. C'est sûrement en partie ce qui leur a garanti le succès jusqu'à aujourd'hui. L'un sans l'autre, Depeche Mode ne serait plus Depeche Mode et, même s'ils ne sont pas les meilleurs amis du monde, ils le savent.