Femmes-chevaliers au Moyen Âge : interview de Sophie Cassagnes-BrouquetLa reine Penthésilée « Des cleres et nobles femmes », vers1488, BNF ms. fr. 599, fol. 27 v. Des femmes guerrières au Moyen Âge ? Ce n’est pas de la fantasy, mais bel et bien de l’Histoire comme nous l’explique Sophie Cassagnes-Brouquet, professeure d’histoire médiévale à l’université Toulouse-Jean Jaurès et auteure du livre Chevaleresses, une chevalerie au féminin (Perrin, 2013), dans le cadre de la 3e édition du festival Bobines et Parchemins (24-29 mars 2015), consacrés, cette année, au femmes du Moyen Âge dans le cinéma.Histoire et Images médiévales : Représente-t-on des guerrières dans l’iconographie et les textes littéraires médiévaux.Sophie Cassagnes-Brouquet : Si les guerrières sont beaucoup moins représentées que les hommes dans l’iconographie médiévale elles n’en sont pas néanmoins absentes. Ce ne sont pas les guerrières de l’époque qui sont figurées à part quelques représentations de Jeanne d’Arc, mais beaucoup plus les figures mythiques ou historiques présentes dans les romans tirés de la Matière antique en particulier les Amazones. Celles-ci se taillent la part du lion dans cette imagerie, accompagnées de quelques autres comme la reine Sémiramis.
HIM : La légende des amazones est-elle connue dans le Moyen Âge occidental ?SCB : En évoquant l’imagerie des Amazones, j’ai déjà presque répondu à cette question. En effet, les Amazones sont très bien connues du Moyen Âge occidental pour ne pas dire omniprésentes dans la littérature, dans les ouvrages d’histoire. Elles sont présentes dans le premier roman écrit en langue française le roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure au milieu du XIIe siècle. Loin de la tradition antique, elles apparaissent au Moyen Âge sous les traits flatteurs de preuses, de reines célibataires et vertueuses, redoutant le contact des hommes.
HIM : Au-delà de l’exemple exceptionnel de Jeanne d’Arc, existe-t-il des cas de femmes combattant comme des chevaliers ? Vous montrez, dans un article passionnant, que si certains théologiens acceptent le fait que certaines femmes puissent être chez de guerre, c’est sous le coup de conditions extraordinaires.SCB : Jeanne d’Arc ne fut pas la seule chevaleresse. Du XIIe au XVe siècle, des femmes de l’aristocratie, en France, Écosse, Espagne et Italie ont pris les armes pour défendre leur château ou leur lignage. Cette participation des femmes à la guerre est effectivement liée à des circonstances extraordinaires, captivité ou mort du mari et n’est pas une règle, mais elle n’est pas toujours considérée comme un scandale, à condition bien entendu que la femme combatte pour la bonne cause.
HIM : Vous parlez de chevaleresses, mais existe-t-il des femmes de conditions plus modestes qui prennent, elles aussi, les armes. Prenons par exemple le cas de Jeanne Hachette à Beauvais ?SCB : Pour la guerre comme pour tout autre sujet, il est plus difficile à l’historien d’approcher la vie des femmes du peuple que celles de l’aristocratie. Cependant, les chroniques évoquent la participation de femmes à la défense de leurs villes comme Barbastro en Aragon défendue par ses habitantes en l’absence de leurs maris face à l’ennemi musulman, certaines femmes parties pour la croisade participent également aux combats en Terre Sainte ou dans les Pays Baltes, et bien sûr les femmes de Beauvais contre les armées de Charles le Téméraire.
HIM : Les films médiévalistes, notamment dans la fantasy, ont tendance à montrer de plus en plus de femmes guerrières. Pensons à Eowyn et à Arwen dans l’adaptation du Seigneur des Anneaux ou à Brienne of Tarth dans la série Game of Thrones. Pensez-vous que ces représentations aient une source médiévales ?SCB : Ces représentations des guerrières de l’heroic fantasy sont évidemment très exagérées. Cependant, dans les sociétés pré-chrétiennes, celtiques et vikings, il est possible que quelques femmes aient participé régulièrement à des combats. Cependant, ces personnages sont présentés par des sources littéraires, poèmes, sagas, écrits bien des siècles après les évènements qu’elles décrivent. Les femmes guerrières y sont rares et plutôt décrites comme des exceptions.
Propos recueillis par William Blanc
Malgré le titre un peu tapageur, il n'y a pas de quoi s'emballer : il y a effectivement eu des femmes combattantes au Moyen-Age, mais ça restait un phénomène assez rare.