Sans faire un cours magistral, je connais un peu le sujet puisque je bosse sur une consultation concernant l'application du droit à l'oubli sur internet.
Par principe général, tout le monde a droit au respect de sa vie privée (Article 9 du Code civil). Néanmoins, les tribunaux considèrent que le droit à la vie privée doit s'équilibrer avec le droit à la liberté d'expression. Les magistrats estiment que dès qu'une information à caractère privée a été licitement divulguée en leur temps, par exemple par des comptes rendus judiciaires, l'intéressé ne peut invoquer un droit à l'oubli pour empêcher qu'il en soit à nouveau fait état (Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 20/11/1990).
La divulgation qui « porte sur des faits qui relèvent de l'actualité judiciaire » est admise (TGI de Paris, 27/02/1970) ainsi que celle portant « sur des faits qui appartiennent à l'histoire » (Cour d'appel de Paris, 30/06/1961).
Toutefois les magistrats considèrent que, dans certains cas, un droit spécial à l'oubli existe.
Par exemple, en cas de grâce ou de réhabilitation d'auteurs d'infractions pénales graves. Dans le même sens, l'auteur d'une information révélée portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne intéressée, ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant des faits relatifs à la vie privée qui remontent à plus de dix années, lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision (article 35 alinéa 3 de la loi de 1881).
Pour ce qui est du droit à l'oubli appliqué à internet, la loi « informatique et liberté » de 1978 prévoit que toute personne dont les données personnelles sont traitées peut exiger du responsable du traitement que soient, selon les cas, mises à jour, ou effacées les données à caractère personnel qui sont obsolètes ou fausses ou périmées (Article 40 de la loi de 1978).
Donc, on peut déduire de ces dispositions qu'au bout d'un certain laps de temps (qui n'est pas définis et c'est là le problème majeur, par exemple, la directive européenne du 24 octobre 1995 sur la protection de la vie privée stipule que les responsables de fichiers ne doivent pas conserver des données personnelles "au-delà de la période nécessaire à leur traitement"... plus sibyllin, c'est difficile. ) les données concernant une personne peuvent être considérées comme périmées, et doivent par conséquent être mises à jour ou effacées.
Il existe néanmoins deux exceptions à ce droit: pour les auteurs, dans le cadre de l'exercice de leur expression littéraire et artistique, et pour les journalistes. Mais pour autant, ces personnes ne sont pas soustraites au droit puisqu'elles doivent respecter le droit à la vie privé et que la CNIL ( Commission Nationale Informatique et Liberté) veille au grain et a déjà publié plusieurs avis sur le sujet, notamment l'obligation "anonymiser" les décisions de justice qui sont publiées sur les sites internet comme Lexinternet ou autre sites de jurisprudence. Ce ne sont hélas pour le moment qu'une succession de droits spécifiques qui gravitent autour de l'idée du droit au respect de la vie privé, au respect de la personne, aucun texte n'établis réellement ce droit.
C'est pourquoi il est aujourd'hui lancé au niveau national et européen une grande réflexion sur la nécessite de la construction d'un droit à l'oubli, tant certains cas ont émaillés la jurisprudence. Une proposition de loi avait d'ailleurs été déposée au Sénat en ce sens.
Une charte a également été signée récemment sous l'égide de Nathalie Kosciusko-Morizet:
http://www.fevad.com/index.php?option=c ... Itemid=991Bien entendu, ce droit se heurte a de nombreux problèmes, dont le plus important est l'internationalisation du réseau, puisque rien n'empêchera les autres états de ne pas se doter d'un droit à l'oubli, et, par la reprise des informations sur des sites étrangers, celles ci resteront accessibles "pour toujours".
J'espére avoir répondu à la question sans assommer le monde.