Soit dit sans vous vexer, je crois que vous êtes tous en train de faire dire à la cryptozoologie plus qu'elle n'essaye elle-même d'en dire.
Si je peux donner mon point de vue de biologiste...
Lilti a écrit:
Donc ouais, en fait c'est une branche de la zoologie qui s'en fout pas mal d'être reconnue ou pas comme une science car elle se trouve une "couche" au dessus puisqu'elle ne se base pas sur les gênes, branches, espèces, races ou je ne sais quoi mais simplement sur le fait que certains animaux sont répertoriés ou non. Après tout, ce n'est pas une question de "science" au sens du terme "étude".
Herr Magog a donné une bonne définition de la cryptozoologie : l'étude des animaux inconnus de la zoologie. Ni plus, ni moins. Ce qui signifie que sitôt que l'existence d'un animal est démontrée, celui-ci quitte le champ de la cryptozoologie pour rejoindre celui de la zoologie.
C'est par exemple le cas de la
saola (Pseudoryx nghetinhensis), une sorte d'antilope qui fut découverte au début des années 90 dans une réserve du Viet-Nam. Son existence, connue des autochtones H'mong, était jusque là tenue pour un mythe. Sitôt qu'un spécimen en fut capturé et son existence attestée, la saola commença à être étudiée par la mammalogistes (zoologistes spécialistes des mammifères).
Le côté très spéculatif de la cryptozoologie (on disserte sur des témoignages ou des vagues indices) peut faire douter de son caractère "scientifique", mais c'est sans oublier que :
- on peut appliquer en cryptozoologie bon nombre des méthodes utilisées en biologie conventionnelle ;
- la cryptozoologie reste avant tout une affaire de chercheurs et de scientifiques.
J'y reviens ci-dessous.
Lilti a écrit:
On a donc deux parties distinctes pour la cryptozoologies, dont une qui n'a pas grand chose à voir avec le paranormal puisqu'il s'agit simplement de nouvelles espèces animales. Alors que l'autre partie concerne les légendes urbaines de la même manière que sont concernés les lieux hantés ou autres apparitions célèbres. Mais comme je l'ai dit, ceux qui s'intéressent au paranormal sont surtout intéressés par l'étrange, l'inconnu et c'est leur curiosité à ce sujet qui les amène ici. Et toute la cryptozoologie est du domaine de l'étrange et de l'inconnu (ou très peu connu).
Non, là, c'est toi qui donne ton propre point de vue sur la cryptozoologie -la réalité est un peu différente.
La cryptozoologie possède une particularité essentielle : elle est essentiellement étudiée par des vrais scientifiques (souvent des biologistes : Bernard Heuvelmans et Ivan Sanderson étaient zoologues, Michel Raynal est un biochimiste...), ou alors par des amateurs éclairés. C'est à mes yeux un énorme atout... surtout si on la compare à d'autres branches du paranormal comme l'ufologie, qui est complètement pourrie de l'intérieur par des "chercheurs" auto-proclamés qui n'ont de scientifiques que le nom.
De fait, la cryptozoologie reste une discipline nettement plus sérieuse que cette dernière ; les cryptozoologues savent
la plupart du temps garder les pieds sur Terre (encore que quand on lit parfois les rapports de Sanderson...

) et ils n'hésitent pas à utiliser la méthode scientifique pour trier la rumeur du vraisemblable, et pondre des hypothèses qui soient correctes d'un point de vue biologique.
C'est pour cette raison que les cryptozoologues ne s'intéressent pas (ou rarement) aux légendes urbaines : parce qu'il est difficile d'y accorder beaucoup de crédit.
Si on prend l'exemple du chupacabra, un biologiste aura vite fait son opinion.
Les quelques cadavres retrouvés et présentés comme ceux d'un chupacabra sont ceux de petits canidés atteints de la gale sarcoptique, ou de carnivores quelconques (chats, blaireaux, opossums) dans un état de décomposition trop avancé pour être reconnus par le quidam moyen.
Ajoutons à cela, l'extraordinaire hétérogénéité des témoignages disponibles (c'est simple, presque aucun ne se recoupe : on a affaire à des chupacabras qui ressemblent à des chiens, ou à des panthères, ou à des reptiles, ou à des petits gris, ou à des insectes géants, ou à des mini-yétis) et leur caractère complètement invraisemblable...
Non, un cryptozoologue sérieux aura vraiment beaucoup de mal à prendre le chupacabra au sérieux.*
A l'inverse, rien ne s'oppose
techniquement à l'existence d'un animal géant comme le mokele-mbembe dans la jungle du Congo. La seule chose qui nous manque, ce sont des preuves... Le mokele-mbembe rentre donc dans le champ d'étude de la cryptozoologie.
*Après on trouvera toujours des gens comme Michel Ballot pour me donner tort, en affirmant le plus sérieusement du monde que le chupacabra est un carnivore inconnu que la déforestation a poussé à quitter son milieu naturel... mais j'aurais envie d'ajouter que justement, M. Ballot appartient à la catégorie des amateurs éclairés et qu'en dehors de sa motivation, il ne possède aucune formation scientifique en biologie (et ça se sent quand il commence à proposer des hypothèses explicatives).
Paul Binocle a écrit:
La cryptozoologie a plutôt tendance à s'intéresser aux « grosses bêtes », comme je l'ai dit hier lors du débat, aux « animaux légendaires » et aux « animaux supposés disparus » - bref, à des créatures plutôt spectaculaires dont l'existence n'est suspectée qu'à cause de légendes locales ou de quelques témoignages
En même temps, c'est assez normal : les légendes locales et les témoignages concernent essentiellement des grosses bêtes, ou en tout cas, des animaux suffisamment impressionnant ou remarquables pour qu'on les garde en mémoire.
Qui irait raconter sur tous les toits qu'il a observé un insecte qu'il n'avait jamais vu ? (à supposer que l'indigène s'intéresse aux insectes et qu'il sache faire la distinction entre les différentes espèces d'insectes de la famille pour pouvoir affirmer que l'individu qu'il a sous les yeux est original... ce qui est loin d'être sûr...)
Un cryptozoologue aurait donc bien du mal à étudier une espèce d'arthropode inconnue, si il n'y a absolument aucun indice (ni légende ni témoignage) qui puisse laisser penser qu'une telle espèce existe...
Paul Binocle a écrit:
En définitive, a-t-on des exemples d'animaux qui relevaient initialement de la cryptozoologie avant d'être réellement découverts ?
C'est le cas de la saola dont je parle ci-dessus, et qu'on présente parfois comme un "succès" de la cryptozoologie...
... Sauf qu'aucun cryptozoologue ne s'est jamais intéressé à cette antilope asiatique, et que si elle a été découverte, ce fut de façon tout à fait fortuite (parce qu'un gardien du parc a réussi un jour à en capturer une).
Certains zoologistes avaient cependant des soupçons, dans la mesure où quelques années auparavant des cornes de saola avaient été analysées en laboratoire et avaient révélées n'appartenir à aucune espèce de bovidé connue... Mais le récent canular autour du
Pseudonovibos spiralis, le "boeuf mangeur de serpent" du Viet-Nam avait quelque peu refroidi les ardeurs cryptozoologiques des chercheurs.