Chapitre 1 : les Anciens Astronautes.Après une introduction d'une page et demie sans grand intérêt dans laquelle Jacques Sadoul, grand chef de la section paranormale des éditions "J'ai lu", rappelle à quel point il est un grand homme, nous entrons directement dans le vif du sujet : la théorie des anciens astronautes, dont on nous annonce de but en blanc qu'il s'agit d'une mythopoièse paradoxale (autant vous le dire tout de suite, j'ai appris pas mal de mots nouveaux durant ma lecture).
On commence par rappeler que si la collection "l'Aventure Mystérieuse" (la branche "paranormale" de
J'ai lu) s'est intéressée de prime abord aux anciens astronautes, c'est parce que les articles de Jean Sendy à leur sujet dans la revue "Planète" avaient rencontré un important succès. On commence donc assez logiquement par présenter la théorie de ce fameux Jean Sendy, qui, je cite, "fait la transition entre l'ésotérisme le plus classique et la fascination interplanétaire". Sendy interprète en effet la bible hébraïque dans une optique paléo-astronautique, dans laquelle, notamment, les Elohim ne sont nuls autres que les avatars des "Théosites", habitants de la planète Théos et transmetteurs des sciences et techniques à l'humanité. La transmission aurait néanmoins été incomplète, à cause de la bêtise des humains (je résume, mais l'idée y est). Toujours selon Senly, la civilisation avance de cycle en cycle, ayant connu ceux du Taureau, du Bélier et du Poisson, et s'avançant maintenant à grand pas dans celui du Verseau. Entre chaque cycle, un cataclysme terrible nécessiterait l'intervention des fameux Théosites pour remettre les choses en route. En conclusion, l'ordre des choses est tel qu'un jour, ce sera à l'humanité de se trouver une planète à protéger, à développer et à influencer, comme les Théosites l'ont fait pour nous.
Une parenthèse apparaît alors pour rappeler que la thèse des anciens astronautes a été fortement popularisée en URSS, car représentant un ersatz intéressant à la religion.
On rappelle ensuite brièvement qui étaient Georges Adamski et George Hunt Williamson. Ces derniers font en effet la liaison entre le spiritisme du début du siècle et l'ufomanie des décennies à venir, puisqu'ils prétendent avoir eu des contacts télépathiques avec les entités extra-terrestres. Un nommé William Dudley Pelley intervient également dans ce chapitre, et est évoqué en parallèle avec Williamson : les deux, ufomanes et plus ou moins spiritistes, se sont en effet notamment fait connaître pour leur antisémitisme et leur participation active à des ligues fascistes dans les États-Unis des années 30. On note d'ailleurs que la ligue fondée par Pelley doit en partie son succès à sa forte composante ésotérique.
Les théories de Williamson sont confuses à souhait, aussi je vais m'efforcer de les résumer au mieux. En gros, des extra-terrestres sont arrivés sur Terre il y a 18 millions d'années sous la forme de dieux antiques. Ils ont ensuite constitué la classe dirigeante de l'humanité, transférant leur âme d'un souverain à l'autre, immortels et omnipotents. Ils ont créé la civilisation à leur goût, et la dirigent toujours par le biais de la Société du Bien, sorte de confrérie des puissants basée en Amérique Latine et dont le but n'apparaît pas des plus évidents. Leurs enseignements sont cachés dans des endroits "magiques" que ne renierait pas un Dan Brown en petite forme (basilique Saint-Pierre, cathédrale Saint-Marc, etc).
Survient alors Brinsley Le Poer Trench, dont le nom fleure bon l'Irlande profonde et qui se trouvait être (entre autres) le président de la British UFO Research Organisation (dont le sigle est, pour des raisons qui m'échappent, "BUFORA"). Paléo-astronautomane, ouijaïste et terre-creusiste, BLPT nous pond une théorie un peu confuse que je vais tenter de résumer au mieux : l'homme, (dont le premier exemplaire fut Adam-01, envoyé ici-bas par des Théosites honoraires), se décompose en deux entités, une physique et l'autre psychique. Il est porteur d'une machine créative. La femme, porteuse d'une machine analytique et synthétique, accumule l'énergie de l'univers, et la transmet à l'homme, qui en fera quelque chose. (On ne sait pas quoi). La théorie du Poer Trench s'égare ensuite définitivement dans le n'importe quoi, et j'en retire principalement deux points essentiels : premièrement, l'homme est incapable de science, et toutes les avancées scientifiques nous ont été données par les Elohim ; et deuxièmement, depuis la disparition de l'Atlantide (...), l'Angleterre est le nouveau pôle de spiritualité et de puissance magique du monde. En d'autres termes, le monde survit grâce à la protection bienveillante des Britanniques, le peuple élu des aliens.
Apparaît alors un certain Desmond Leslie, auteur d'un livre sur les observations d'OVNIs de 1619 à nos jours, et théoricien de l'idée selon laquelle les OVNI se déplacent grâce à des particularités méconnues des ondes sonores, idée qu'il tire du Mahabharata et des récits concernant les inénarrables vimanas. George Adamski se radine alors pour la deuxième fois, et on rappelle rapidement sa vie mouvementée, son abduction par de prétendus Vénusiens, ainsi que le fait que plus personne ne le prenne au sérieux de nos jours.
Arrive alors celui que nous attendions tous sens oser nous l'avouer : le légendaire Erich von Däniken. L'auteur est bien obligé d'admettre que comparativement aux bizarres des chapitres précédents, le père Erich appuyait toutes ses théories sur des recherches archéologiques poussées, qu'il avait lui-même menées. On rappelle notamment l'histoire de mystérieux trous dans le sol, quelque part dans les Andes, que les archéologues avaient analysés comme étant des silos à grains. Däniken en aurait rempli un de sable, puis aurait entrepris de le vider. Impossible ! Ce n'était donc pas un silo (ou alors, un qui était particulièrement stupidement conçu). Dädä l'identifia alors comme une tombe extraterrestre (et les archéologues ayant fait leur méa culpa comme une tombe terrestre). Voilà pour Däniken ; une partie importante du chapitre est ensuite consacrée à corriger les erreurs d'interprétations que ce dernier avait fait concernant des œuvres d'art antiques (en interprétant une coiffe de plumes comme un casque de cosmonaute, par exemple).
On se tourne alors vers Marcel Homet, universitaire, qui avait constaté des ressemblances notamment cultuelles entre de nombreuses cultures de divers endroits du monde, ainsi que des connaissances astronomiques qu'il jugeait, au nom d'on ne sait trop quoi, anachroniques. Il supposait l'existence d'une divinité solaire primitive et commune à tous les peuples, qu'une nation antique et très avancée aurait répandue de par le monde. Si Homet demeure ambigu quant à la possibilité que des anciens astronautes aient visité la Terre, ce n'est jamais sa thèse centrale.
Un micro-chapitre en demi-teinte évoque alors Jacques Bergier (celui du
Matin des magiciens), qui avait écrit un livre globalement en faveur de l'exobiologie, et interprétant toute l'iconographie antique un peu mystérieuse comme étant la représentation d'un outillage moderne. L'auteur du chapitre maintient le doute sur le but précis du livre de Bergier : thèse ou farce ?
Le chapitre se conclut enfin sur une subtile référence à Levi-Strauss : de la même manière que, selon Claude, les mythes ne meurent jamais, mais se contentent d'évoluer du bon au mauvais, et que les héros des légendes d'antan deviennent les méchants des légendes d'aujourd'hui, la théorie des anciens astronautes a évolué, entre les années cinquante et maintenant, les bienveillants grands frères nous apportant science et civilisation se transformant en extra-terrestre vengeurs nous balançant Nibiru dans la tronche. Ceci fait office de mot de la fin, et de subtile transition avec le chapitre 2, qui traite des OVNI.
Voilà pour le premier chapitre ! Rendez-vous demain pour la suite