Metronomia a écrit:
C'est vrai que tout ça est complexe et délicat. Moi-même, je ne suis pas parfaitement au clair avec ce que je pense de tout ça. D'après toi, quel serait ce fameux "problème profond"? Comment le définirais-tu?
C'est ce que j'expliquais dans mon précédent message : pour beaucoup de militants féministes/anti-racistes/LGBTQ+, le point de vue de la victime d'oppression ne doit en aucun cas être questionné, ni pris avec du recul malgré sa subjectivité intrinsèque (si on le fait, on devient soi-même un oppresseur ou un allié du système oppressif).
Il va de soi qu'un tel mode de pensée n'est pas rationnel et ne peut être qu'une source de biais cognitifs. C'est là que ça finira forcément par coincer avec des zététiciens, qui ne manqueront pas de signaler le problème et de le critiquer.
Metronomia a écrit:
De mon côté, je le résumerais (très grossièrement) ainsi: on a parfois l'impression qu'aux yeux de certains rationalistes/sceptiques, tout ce qui est politique est - par nature - biaisé et donc à proscrire. Alors qu'une idée peut très bien se baser sur des observations concrètes et réelles d'une part, et que d'autre part, les solutions, quelles qu'elles soient, constitueront toujours de toute façon un choix politique in fine.
Je te plussoie entièrement. J'ai l'impression que cet argument (
« l'auteur de l'étude est politiquement engagé, donc ses conclusions sont forcément fausses et son étude ne vaut rien ») est souvent, pour les gens qui l'utilisent, une façon bien commode de jeter le bébé avec l'eau du bain et d'écarter des publications dont les conclusions ne vont pas dans leur sens.
Puisque l'objectivité absolue n'existant pas en Sciences, la rigueur intellectuelle voudrait qu'on s'intéresse à une étude et à ce qu'elle a à dire, indépendamment des opinions de son ou ses auteur(s). Si on veut la réfuter, il y a des façons précises de le faire (en mettant en évidence des irrégularités dans le protocole, par exemple).
Un grand nombre de sociologues français sont franchement orientés à gauche, voire à l'extrême-gauche, et ça ne remet pas pour autant en question la qualité de leur travail.
Metronomia a écrit:
Ici, je te dirais, oui et non. Une oppression, si elle est ressentie comme telle, reste une oppression de toute façon pour celui/celle qui la vit.
[...]
Ce que je veux dire, c'est qu'on ne devrait ôter à personne un ressenti/une expérience.
Bien sûr. D'ailleurs, je crois qu'aucun zététicien un peu honnête n'irait nier un ressenti, puisque les sentiments sont par essence subjectif : le zététicien n'est pas dans la tête de la personne pour savoir mieux qu'elle ce qu'elle peut éprouver.
En revanche, un ressenti n'aura qu'une faible valeur pour valider l'existence d'un phénomène ou le décrire, de même qu'un unique témoignage d'observation d'OVNI ne constitue pas une preuve bien solide.
Metronomia a écrit:
Sans quoi, par exemple, on ne condamnerait pas beaucoup de viols* parce qu'ils sont très durs à prouver le plus souvent... (*
Oh wait! Ne me dis pas que c'est justement le cas??

- et justement, on voit bien avec cet exemple en quoi ça peut aussi être un problème de ne jurer
que par les preuves - qui restent évidemment fondamentales, cela va de soi).
Tu me compliques les choses en prenant un exemple douloureux comme le viol... mais pourtant le parallèle est pertinent, puisque la justice repose sur une démarche logique et hypothético-déductive plus ou moins similaire à celle employée par les sciences. Si l'enquête ne permet pas de rassembler des preuves solides démontrant la réalité d'une crime ou d'un délit, on part du principe que celui-ci n'a pas existé et le tribunal conclut à un non-lieu. Ce qui peut se comprendre, si on se place dans le paradigme du « il vaut mieux un criminel en liberté qu'un innocent en prison ».
Metronomia a écrit:
Mais oui, je vois ce que tu veux dire: c'est lorsqu'une oppression/une violence font système que cela devient objectivable aux yeux de tous (de la société, de la science) et que l'on peut, si on le souhaite, se donner les moyens de légiférer et/ou de trouver des solutions adaptées à l'échelle de la société.
Une oppression ou discrimination peut être objectivable aux yeux de la Science même si elle n'est pas systémique, du moment qu'elle laisse une trace (mail, enregistrement vidéo ou que sais-je).
Mais effectivement, dans la paradigme des anti-racistes politiques, les termes 'oppression', 'discrimination' ou 'racisme' renvoient forcément à une notion de système (ce qui me semble personnellement très discutable, mais c'est leur mode de pensée). C'est ce qui leur permet par exemple de dire qu'il n'y a pas en France de racisme anti-blanc*, ni d'oppression anti-blanc*, mais seulement des préjugés ou actions violentes ponctuelles contre les blancs.
* S'il vous plaît : c'est juste un exemple pour illustrer mes propos, ne partez pas en sucette parce que j'ai employé ce terme...
Psychopompos a écrit:
Pour être honnête, avant de vérifier je me suis demandé si ce n'était pas une variante des formules du genre "homme blanc hétéro cisgenre".
Non, c'est bien un sigle tout ce qu'il y a de plus officiel, utilisé par l'INSEE, les sociologues et les économistes.
Mais tu pensais peut-être à HSBC (Homme Straight (hétéro) Blanc Cis-genre), qui est effectivement un acronyme courant les milieux militants, utilisé pour décrire ceux qui sont au sommet de la pyramide des privilèges.