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MessagePublié: 06 Octobre 2019, 14:26 
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Me revoici avec une interview édifiante (et politiquement tellement neutre, comme vous le constaterez vous-même) du toujours aussi exaspérant Gérald Bronner.

https://www.facebook.com/photo.php?fbid ... =3&theater

Avec cette conclusion magnifique, pleine de finesse, de nuances et de variations: "La consultation est un procédé démocratique intéressant, mais les questions relevant du vrai et du faux lorsqu'elles sont adossées à de sérieuses données scientifiques ne devraient pas y être soumises."

Je ne détaillerai pas: je crois que chacun aura anticipé mon point de vue là-dessus. No comment, donc. :roll:

Mais franchement, pour un sociologue, le moins que l'on puisse dire est que son niveau de discours et de réflexion est vraiment au ras des pâquerettes.

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MessagePublié: 08 Octobre 2019, 10:02 
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Les Français, leurs peurs et la science
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De quoi ont peur les Français ? Comment pensent-ils qu’ils sont protégés de ce qui leur fait peur par le gouvernement ou les Agences publiques ? Ces craintes et méfiances sont-elles proportionnées aux risques réels ? Les réponses qu’apporte l’édition 2019 du Baromètre de l’IRSN méritent le détour (1). Cette enquête sociologique dont l’intérêt réside notamment dans sa profondeur temporelle – près de 20 ans chaque année pour certaines questions – éclaire l’état de l’opinion publique sur de nombreux sujets facteurs de craintes populaires. Elle montre également que la prévention des risques technologiques doit composer avec des méconnaissances massives et troublantes.

S’arrêter aux premières questions de l’enquête pourrait convaincre que les Français portent un regard peu attentif aux risques technologiques. Leurs craintes principales : l’insécurité, le chômage, la pauvreté, la dégradation de l’environnement, le terrorisme. Dans l’ordre.



Dans un commentaire publié par l’IRSN, le sociologue Daniel Boy note les évolutions récentes de la popularité des différentes craintes proposées par les sondeurs. Terrorisme et chômage sont à la baisse. Dégradation de l’environnement et insécurité à la hausse. Le sociologue relie ces mouvements soit à des données factuelles (les années 2015 et 2016, avec les attentats tragiques de Charlie Hebdo, du Bataclan et de Nice avaient logiquement fait grimper la crainte du terrorisme), soit à leur présence récemment accrues dans les médias (l’insécurité et la montée de la dégradation de l’environnement).

Hiérarchie des risques

La seule considération de ce tableau peut susciter un tantinet d’énervement. Parmi toutes les propositions faites par les sondeurs, la plus mortelle, de loin, ne provoque la crainte que de 1,1% des Français. Il s’agit des drogues, et surtout du tabagisme et de l’alcoolisme, les deux tueurs les plus efficaces de la liste, avec les accidents de la route. L’item de la dégradation de l’environnement – assez peu descriptif car l’atmosphère de nos villes est nettement moins nocive que dans les années 1950 – mobilise 15,7% des sondés. Il serait réjouissant qu’il s’agisse de la perception quantifiée des décès prématurés provoqués par la pollution de l’air, mais cela n’est pas certain. L’insécurité est hissée en haut du podium… alors que notre taux de morts et blessés par la violence due aux délinquants fait rêver l’écrasante majorité de la population mondiale.

On peut également s’interroger sur ce chiffre 57% des Français estimant faire face à un « risque élevé », voire « très élevé » lié aux… OGM. On ne voit pas du tout à quel risque réel ils se sentent confrontés mais on peut y lire le résultat de campagnes très efficaces (voir ici la conclusion mal connue de l’affaire Séralini et des OGM « poisons » inventés par le Nouvel Observateur en 2012). L’alimentation, en général, suscite un niveau de crainte très élevé ou élevé pour 50% des sondés. Un résultat sans rapport avec le niveau…. très élevé de la sécurité sanitaire de l’alimentation dont les risques sont plutôt liés à l’excès de sucres et de graisse, en particulier dans les plats préparés industriels.

Bref, cette enquête confirme un résultat déjà très ancien de la sociologie : la hiérarchie des risques perçus peut s’éloigner très loin de celle des risques mesurés par un indicateur objectif, comme le nombre des décès ou des blessés.

Les Français et la « Science »

L’enquête de l’IRSN effectue un zoom sur une catégorie de risques qui viennent assez bas dans la hiérarchie générale, ceux dus à l’usage de technologies (sauf si l’on considère que la dégradation de l’environnement en est une manifestation univoque). Le risque nucléaire n’est ainsi à la première place que pour 4,7% des sondés, juste derrière le risque climatique. Mais cette place modeste n’interdit pas d’aller voir de plus près ce qu’en pensent les Français.

Tout d’abord, ce sondage permet de tordre le cou à une idée répandue par les technophiles et surtout par les représentants masqués (ou non) des intérêts économiques et des pouvoirs politiques souhaitant taxer d’irrationalisme toute mise en cause d’une technologie. Une idée selon laquelle les Français auraient un problème avec « la science ». Une Science qui devrait mieux dialoguer avec la société… pour mieux faire comprendre la mécanique quantique ? Non, pour mieux faire accepter toutes les technologies utilisées par l’industrie ou jugées nécessaires par des pouvoirs politiques. Or, si l’on est loin de la position triomphante (quoique toujours contestée ici ou là) des années 1950 ou 1960, les Français accordent toujours une place de choix à la science dans leurs sentiments favorables. Ainsi, les « autant de confiance » et les « plus de confiance » écrasent les « moins de confiance » en la science.



Même une question faisant intervenir « la technologie » dans la réflexion des sondés ne modifie pas radicalement le résultat lorsqu’on leur demande si la balance bénéfices/risques est en faveur de la science et de la technologie :



Seuls 20% des Français opinent qu’il vaudrait mieux moins de technologies que plus.

Résultat curieux

Ce niveau de confiance maintenu s’étend aux scientifiques. Un résultat assez curieux, qui se lit dans la partie de l’enquête sur la capacité à dire « la vérité sur le nucléaire ». Ainsi, les Français accordent une confiance assez élevée au CNRS et à l’Académie des sciences sur ce point. Or, ces deux institutions n’étant pas du tout en charge du sujet, et n’ayant jamais communiqué avec les citoyens sur le risque nucléaire, on se demande vraiment d’où les Français pourraient bien tirer cette opinion. Une seule explication semble possible : ils considèrent que le CNRS et l’Académie des sciences regroupent des scientifiques de la recherche publique, sans liens particuliers avec le pouvoir politique ou les industriels du secteur. Du coup, a priori et sans aucune autre raison, la confiance est là. Elle ne peut donc provenir que d’un perception favorable des scientifiques. Une interprétation qui peut s’appuyer sur un autre sondage, réalisé pour le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur et rendu public hier qui montre un très haut niveau de confiance envers les chercheurs :



mais aussi envers la capacité de la recherche scientifique à trouver des voies vers le « progrès » :



Le baromètre de l’IRSN fourmille d’informations sur les relations souvent déroutantes que les Français entretiennent avec leurs élus, la presse, les entreprises…

La proportion des Français ayant déjà lu un document de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques) ou visionné une de ses auditions sur internet ne doit pas atteindre 1% (Idem pour le HCTISN dont 99,99% des Français n’ont jamais entendu parler). Pourtant, seuls 23,9% d’entre eux n’ont pas d’avis sur sa crédibilité. Les élus locaux, le gouvernement et les femmes et hommes politiques sont très majoritairement vus comme des menteurs sur un sujet sur lequel la plupart d’entre eux n’ont jamais rien dit ou écrit.

Défiance généralisée

Mais ce qui frappe surtout, c’est la défiance généralisée à l’égard de tout ce qui est officiel, institutions techniques comprises, notamment les agences d’expertise des risques technologiques ou de leur contrôle. Pourtant, les « opposants professionnels » à l’énergie nucléaire, ces « experts » associatifs qui sont confrontés directement à l’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire ou de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, sont pour la plupart contraints de reconnaître que ces institutions et leurs responsables disent la vérité. L’expérience qu’ils en ont eu lors de l’accident de Fukushima ou le traitement très sévère infligé à EDF les en ont convaincu. Mais cette expérience n’est le fait que de quelques uns… qui se gardent bien de la diffuser dans le milieu qu’ils représentent.

Parmi les résultats très nombreux de cette enquête, ont peut noter l’étonnante chute des craintes devant les centrales nucléaires (première crainte pour 19% contre 26% l’année précédente) ou les stockages de déchets radioactifs (15% contre 20%). Mais également le maintien à très haut niveau d’opinions totalement infondées (il y aurait plus de cancers autour des centrales nucléaires, les produits agricoles y seraient contaminés et dangereux… une opinion vite oubliée dès qu’il s’agit de boire une bouteille de Chinon ou de Tricastin). Ainsi que le refus généralisé d’habiter à côté d’une centrale nucléaire, d’un stockage de déchets radioactifs… mais avec des pourcentages similaires d’un parc éolien, d’une usine chimique, d’un incinérateur ou d’un aéroport.

Toutefois, l’un des résultats montre une évolution inquiétante, soulignée par un responsable de l’ANSES : la formule «les experts doivent davantage tenir compte de l’opinion de la population avant de rendre un avis » est soutenue désormais par 76% des sondés. Une idée dangereuse qui voit l’expertise, censée se fonder sur la démarche scientifique, sommée de s’arranger avec une « opinion publique » qui peut… ignorer les bases mêmes de cette démarche et les connaissances mobilisées. Un autre résultat très curieux est l’augmentation du nombre de Français qui voient dans le secret commercial une raison de ne pas divulguer une expertise de risques. Une opinion pour le moins bizarre alors que les Monsanto papers ont montré à quel point il faut au contraire se méfier des puissances économiques et financières si l’on veut expertiser correctement les technologies.

Sylvestre Huet


https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/10/07/les-francais-leurs-peurs-et-la-science/


Je mets ça là parce que, même si lien avec le sujet n'est pas direct en apparence, je pense que les défiances de l'opinion publique ont nécessairement un impact sur l'action politique, et sur la façon qu'on les gens d'évaluer et de comprendre celle-ci... (et d'autre part, ça évite d'ouvrir un topic juste pour ce seul sujet :mrgreen: ).
(bon évidemment, si vous voulez voir les graphiques, faut cliquer sur le lien... :mrgreen: )

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MessagePublié: 08 Octobre 2019, 11:21 
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Je crois que ma position ne surprendra personne: c'est Huet, donc pas mon truc (même si je ne nie pas que le bonhomme est un bon journaliste et qu'il lui arrive même parfois d'écrire des trucs avec lesquels je suis tout à fait d'accord).

Rien que le titre me crispe un peu.

Par ailleurs, un collègue à qui j'ai envoyé l'article me fait à l'instant cette remarque pertinente:

Citer:
dans sa conclusion, il commet une profonde erreur en confondant le rapport des experts qui se base sur la science et l'avis de l'agence qui doit l'exprimer en fonction de la saisine, mais aussi des attentes de la société...

Et de toute façon, pour moi, on y retrouve les éternels mêmes points de divergence. Par exemple quant Huet écrit :
Citer:
Bref, cette enquête confirme un résultat déjà très ancien de la sociologie : la hiérarchie des risques perçus peut s’éloigner très loin de celle des risques mesurés par un indicateur objectif, comme le nombre des décès ou des blessés.

Je lui réponds d'abord que le nombre de décès ou de morts n'est pas forcément (et n'a pas à être) l'indicateur premier (voire le seul) supposé indiquer aux citoyens ce qu'ils doivent souhaiter ou non en termes de choix de société.

Ensuite, lorsqu'il parle de LA sociologie ("cette enquête confirme un résultat déjà très ancien de la sociologie"), j'ai envie de lui objecter immédiatement que non. Certaines études vont peut-être dans ce sens, mais d'autres courants pas du tout, dans la mesure où ces derniers font de tout ça une lecture et une analyse bien plus politiques que celle que propose Huet (et les gens comme Bronner).

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MessagePublié: 08 Octobre 2019, 12:21 
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Je crois que ma position ne surprendra personne: c'est Huet, donc pas mon truc (même si je ne nie pas que le bonhomme est un bon journaliste et qu'il lui arrive même parfois d'écrire des trucs avec lesquels je suis tout à fait d'accord).


Je vais vous avouer un truc : je ne lis JAMAIS les noms des journalistes sous un article... Et comme de toute façon, je ne retiens pas les noms (je veux dire tout le temps : dans la vie, dans le boulot, je ne retiens pas les noms, je confonds les prénoms, j'envoie des mails à X en pensant à Y enfin bref, et si un nom ressemble à un nom d'acteur/réalisateur, bah c'est mort la personne s'appellera toujours comme ça pour moi... XD )... bref, machin là, je ne sais pas qui c'est... :mrgreen:

Bref, j'ai surtout posté parce que le sujet semblait plus ou moins raccord avec ce dont on aurait pu parler ici.

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MessagePublié: 09 Octobre 2019, 13:17 
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Il y aurait beaucoup à dire sur l'article de Huet (je suis d'accord avec lui sur certains points, pas sur d'autres)... mais je profite du fait que j'ai un petit peu de temps pour poster ceci :

https://www.franceculture.fr/emissions/la-conclusion/lintellectuel-dominant

Comme quoi, d'un côté, on peut bien avoir les ultra-rationnalistes qui ignorent complètement (et possiblement à dessein) les sciences sociales ; de l'autre, on a ceux qui mélangent tout et vont reprocher à un énergéticien d'aborder les problèmes par l'angle énergétique mais sans parler de sociologie... :P

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MessagePublié: 09 Octobre 2019, 14:46 
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de l'autre, on a ceux qui mélangent tout et vont reprocher à un énergéticien d'aborder les problèmes par l'angle énergétique mais sans parler de sociologie... :P

J'aurais voulu être d'accord avec ça. Je te le jure. Ne serait-ce que parce que je vois tous les efforts réels et sincères que tu fais pour rester ouvert à la critique du rationalisme. Ca mériterait très certainement que j'en fasse autant de mon côté... Mais ce ne sera pas avec cet article, là, je suis désolée... :oops:

En premier lieu, et juste sur la forme, je trouve que l'auteur ne manque pas d'humour. Il a réussi à m'arracher un vrai sourire alors que je passe une journée pas franchement simple:
Code:
Qu’est-ce qui me gêne, alors, chez Jean-Marc Jancovici ? Certainement pas qu’il soit pronucléaire : je tiens l’usine de retraitement de La Hague pour l’un des plus beaux bâtiments de France, et je passe tous mes étés à côté de Paluel.

Merci à lui donc.

Mais, plus sérieusement, je n'ai rien lu par ailleurs qui me choquait.

D'abord, Bellanger reconnaît sans ambage la compétence de Janco mais lui reproche - non pas son manque de références à la sociologie (franchement, pour moi, l’unique allusion à Latour en tout début d'article n'est qu’anecdotique. En plus, quand on voit le style de l'auteur, je ne sais même pas à quel point elle est à prendre au premier degré ou pas?) - mais son manque de réflexivité politique.

(*Ou alors, il faudra me dire précisément où Bellanger - qui n'est pas lui même sociologue - parle très concrètement de sociologie et d'études auxquelles il faudrait se référer?).

Or, sur le manque de réflexivité politique, je suis désolée, mais c'est un fait. Il ne faut pas oublier que Janco a choisi d'être ultra-présent médiatiquement sur tous ces sujets. Et comme il se dit partout et très ouvertement pronucléaire, il est bien normal qu'on lui demande de réfléchir un tant soi peu aux conséquences de ses propos en terme de société. Je veux dire, ce n'est pas exactement comme s'il parlait de ça dans son salon avec des potes : ça n'a pas tout à fait les mêmes incidences.

Surtout, en parcourant d'autres articles dudit Bellanger, je suis tombé sur cet autre papier dans lequel une phrase pourrait - je crois - très bien résumer ce qu'il a à mon avis derrière la tête quand il écrit ce qu'il écrit:
Citer:
Le travail a été bien fait : je suis mentalement incapable d’envisager rationnellement l’idée d’une sortie du nucléaire.

C'est ça qu'il critique et je le comprends très bien, pour des raisons que je ne crois pas utile de développer car il me semble que tu connais désormais mon laïus par cœur, ou presque.

Mais, de toute façon, quand bien même Bellanger aurait vraiment voulu "reprocher à un énergéticien d'aborder les problèmes par l'angle énergétique mais sans parler de sociologie" (et je redis que ce n'est pas exactement la lecture que je fais de ce papier), je crois que ça ne m'aurait pas choquée outre mesure, pour être franche. Car les sciences sociales ont en partie vocation à essayer d'objectiver un minimum la façon dont les sciences (dures comme sociales) se font ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont pratiquées. Ce qui rend, de fait, les sciences sociales plus réflexives en termes de pratiques (je dis "plus réflexives", ce qui ne veut aucunement dire que les sciences dures ne le seraient, elles, pas du tout - là aussi, j'imagine que ça dépend en partie des scientifiques en question et aussi de tout un tas d'autres paramètres).

Or, ce que disent le plus souvent les SHS c'est que, si un scientifique issu des sciences dures veut faire son travail aussi bien et rigoureusement que possible, alors il devrait prendre en compte les descriptifs et remarques issus des sciences sociales afin de poser au mieux ses problématiques (ici, je pourrai essayer d'illustrer avec des exemples concrets si tu le souhaites). Ce qui me semble tout à fait logique et souhaitable, quand j'y pense...

PS: J'ai soumis l'article de Bellanger à des collègues. Je te dirai et éditerai si j'ai des retours de leur part.

PS2: Tout ça me rappelle d'ailleurs la réponse que m'avait fait un doctorant qui travaille sur le nucléaire et à qui j'avais demandé un jour ce qu'il pensait de Jancovici, que j'avais présenté comme un crack du nucléaire. Le doctorant en question m'avait répondu du tac au tac: "Un crack de l'énergie, oui. Incontestablement. Mais pas du tout un crack du nucléaire, non."
A l’époque, j'avais trouvé sa réponse assez nébuleuse. Aujourd'hui, je crois que je comprends mieux ce qu'il voulait dire (mais il faudrait que je m'en assure auprès de lui). Le nucléaire, ce n'est pas qu'une question d'énergie. C'est également des problématiques (géo)politiques et économiques évidemment, mais aussi des tas de questions (sans réponse satisfaisante ou définitive pour la plupart) sur les modalités d'enfouissement, sur le savoir-faire autour du nucléaire dont il semblerait qu'il soit en train de se perdre, ce qui n'est pas sans inquiéter sérieusement des acteurs du secteur, et c'est encore des questions sur le démantèlement des centrales, le transport des déchets, etc. Bref, c'est à la fois complexe et compliqué.

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MessagePublié: 09 Octobre 2019, 22:23 
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Metronomia a écrit:
D'abord, Bellanger reconnaît sans ambage la compétence de Janco mais lui reproche - non pas son manque de références à la sociologie (franchement, pour moi, l’unique allusion à Latour en tout début d'article n'est qu’anecdotique. En plus, quand on voit le style de l'auteur, je ne sais même pas à quel point elle est à prendre au premier degré ou pas?) - mais son manque de réflexivité politique.

J'ai rédigé mon message rapidement avec de partir bosser ce qui explique que sa formulation soit hasardeuse. J'aurais dû écrire : « de l'autre, on a ceux qui mélangent tout et vont reprocher à un énergéticien d'aborder les problèmes par l'angle énergétique mais sans parler de société ou de politique ».

Moi, son billet me déplaît profondément. Non seulement il part dans tous les sens, mais chacun de ses propos ne débouche sur rien :

- dans un premier temps, Bellanger parle de ses expériences désagréables avec un pro-nucléaire sur Twitter. Je ne doute pas qu'il y ait des sacrés énergumènes sur les réseaux sociaux (c'est même là qu'on les remarque le plus), mais... Qu'est-ce que ça démontre ? Qu'est-ce que ça a à voir avec le schlich ?

- puis dans un second temps il nous fait part de son anecdote d'école ; il a l'air presque désolé d'avoir apporté une réponse correcte à un professeur allemand (qu'il voit comme un signe de son formatage social et de la propagande insidieuse d'EDF), alors que ce dernier racontait réellement n'importe quoi (il y a 2 centrales nucléaire — Cattenom et Fessenheim — à proximité de l'Allemagne, seule cette dernière est située dans la vallée du Rhin, et les nuages produits par les réfrigérants ne sont pas radioactifs !). Limite, on a l'impression que c'est Bellanger qui était en tort, et pas le prof !

- dans un troisième temps, il parle enfin de Jancovici, mais c'est ou bien pour faire des attaques ad hominem (« son mépris des réalités sociales ») ou pour le railler (« je le soupçonne un peu de se prendre pour le nouveau Marx »), le tout sans aucune justification, argument ou explication.
Oui, Jancovici raisonne en énergéticien et il ne prend pas ou peu en compte les autres dimensions (sociales, notamment) du problème. Il a souvent tendance à tout voir au travers du prisme de l'énergie (je suis le premier à le reconnaître). Mais ça ne veut pas pour autant dire que « chez lui, tout est méchamment plus simple et strictement monocausal » (sic). Est-ce qu'on irait reprocher à un neurologue d'expliquer le comportement humain via la neurologie, la discipline dont il est spécialiste, et de ne pas aborder la dimension sociologique ou psychologique de la question ?
Et non, Jancovici n'est pas devenu « l'intellectuel dominant » ; il intervient occasionnellement dans les médias lorsque ces derniers ont besoin d'un expert ès énergie, mais il me semble que d'autres scientifiques (Klein ou Villani) occupent bien davantage l'espace médiatique. Et dire que Jancovici est dominant supposerait qu'il est écouté, ce qui n'est pas le cas : Janco a certainement le bras long et un bon carnet d'adresses, mais il prêche dans le vide depuis 20 ans...

- et dans un quatrième temps, le paragraphe sur le pétrole... « Notre société n’a pas adopté cette forme productiviste car le pétrole était bon marché ; le pétrole est bon marché car nous avions besoin d’un absolu productiviste ». Je... heu... Je suis sûr qu'il s'est senti très malin en trouvant cette formule, mais au mieux ça n'a aucun sens, au pire c'est complètement faux.

Bref. J'ai l'impression de voir un anti-nucléaire lambda qui a eu envie se payer une personnalité pro-nucléaire à peu de frais, et qui a réussi à le faire à la radio pendant un heure de grande écoute... :yawn:

Metronomia a écrit:
Or, ce que disent le plus souvent les SHS c'est que, si un scientifique issu des sciences dures veut faire son travail aussi bien et rigoureusement que possible, alors il devrait prendre en compte les descriptifs et remarques issus des sciences sociales afin de poser au mieux ses problématiques (ici, je pourrai essayer d'illustrer avec des exemples concrets si tu le souhaites). Ce qui me semble tout à fait logique et souhaitable, quand j'y pense...

Et si j'ai bien compris ce à quoi tu penses, je ne suis pas vraiment d'accord avec ça.

Le génie énergétique est avant tout une affaire d'énergéticien : si je calcule le bilan carbone d'une source d'énergie donnée, que je rassemble des infos éparpillées pour estimer les stocks de pétrole, etc... et qu'en retour je fais des prescriptions (attention, les ENR produisent plus de TeqCO2/MWh que le nucléaire, il ne sera physiquement pas possible de respecter nos engagements de réduction de GES d'ici 2050 si on dénucléarise notre production d'électricité), je suis face à un travail de science dure et je ne vois pas trop ce que les sociologues peuvent apporter (voire même, il me semble potentiellement dangereux qu'ils se mêlent d'un domaine dans lequel ils ne sont pas compétents).

L'interdisciplinarité devrait à mon sens intervenir en aval ; c'est en croisant les avis de différents experts (énergéticiens et sociologues), de façon à avoir un maximum d'angles de vue sur un sujet complexe, qu'un homme politique peut se forger un avis technique sur ledit sujet. Et cet avis technique serait ensuite idéalement à croiser avec l'opinion populaire, sans quoi qu'on serait face à un régime technocratique plutôt que démocratique...

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MessagePublié: 09 Octobre 2019, 22:39 
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Je ne suis pas d'accord avec beaucoup de choses qui viennent d'être dites, et pas assez compétente par ailleurs pour argumenter sur certains point précis. Mais je suis de toute façon un peu fatiguée et pas de la meilleure humeur qui soit pour débattre (je suis désolée, ça n'a évidemment rien à voir avec toi).

Pour mieux comprendre ce qui est reproché au nucléaire par certains (et donc à Janco d'une certaine manière - ce mec a d'ailleurs l'air vraiment intouchable pour beaucoup au point que c'en est presque troublant et que ça m'inciterait presque à m'en méfier doublement, pour être franche), je crois que tu devrais jeter un oeil à la vidéo de La Parisienne libérée, qui a un point de vue très "sciences sociales"*, je trouve. C'est moi qui le dit, pas elle (*elle cite par exemple à un moment les travaux de Sezin Topçu). Si tu n'adhères pas du tout à ce qui y est dit, alors je crois qu'on pourra dire qu'on ne tombera jamais d'accord sur ces sujets, qu'il s'agisse du nucléaire ou des SHS. Et ce n'est pas grave. J'ai essayé de promouvoir les sciences sociales parce que ça me semblait important, et j'ai fait ce que je pensais être mon "devoir" en transmettant le peu que je crois savoir et que je crois avoir compris. Mais arrive un moment où insister n'aurait plus vraiment de sens. Je crois qu'on est dans un dialogue de sourds et qu'on a tout simplement deux manières d'être au monde différentes/qu'on n'est pas stimulé par les mêmes choses. Ou plutôt si, on est parfois stimulé par les mêmes choses, mais pas de la même manière. Tant mieux, il faut de tout pour faire un monde.

Pour l'anecdote un peu marrante tout de même et pour finir sur une note un peu plus légère, je viens de voir complètement par hasard que quelqu'un que je connais bien a justement posté ton article de Bellanger sur le groupe FB Transition 2030... Les commentaires en réponse ne sont pas piqués des hannetons, il a bien du courage (mais ça va, il a de l'humour et les reins solides)! :mrgreen:

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MessagePublié: 10 Octobre 2019, 10:40 
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Bon, suite à un élan soudain d'optimisme et de motivation, j'ai enfin lu tout ce sujet, toutes les 29 pages, car je commençais à trouver dommage de ne pas du tout participer à ce qui semble être le topic le plus actif du forum. J'ai même découvert (surprise !) que j'avais commenté quelques fois au fil de la conversation.

Conversation passionnante, en tous cas. Et si, ponctuellement, je trouvais parfois certains endroits où j'aurais pu exprimer une opinion, il n'en demeure pas moins que les débats sont très pointus et très référencés, et que je n'ai pas forcément les clefs pour vraiment pouvoir participer... Mais je vous lis avec grand intérêt :)

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« C'est une paralysie du sommeil. Ou bien un orbe. » (vieille sagesse zététique).


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MessagePublié: 18 Octobre 2019, 11:14 
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Je fais un nouveau up sur ce topic afin de poster la dernière vidéo du Youtubeur Tzitzimitl, de la chaîne Esprit Critique, et qui traite d'un sujet que nous abordons souvent ici, à savoir l'inné, l'acquis et l'essentialisme, et pourquoi ces polarisations sont en réalités dépassées. Il me reste encore 6 minutes de la vidéo à regarder, mais je me suis pas mal régalée pour l'instant:

https://tube.aquilenet.fr/videos/watch/ ... 08403acfd7

Edit: j'ai tout vu et persiste à vous recommander vivement ce contenu.

_________________
Titulaire d'un doctorat en fantomologie à Paranormal Sup


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