Metronomia a écrit:
D'abord, Bellanger reconnaît sans ambage la compétence de Janco mais lui reproche - non pas son manque de références à la sociologie (franchement, pour moi, l’unique allusion à Latour en tout début d'article n'est qu’anecdotique. En plus, quand on voit le style de l'auteur, je ne sais même pas à quel point elle est à prendre au premier degré ou pas?) - mais son manque de réflexivité politique.
J'ai rédigé mon message rapidement avec de partir bosser ce qui explique que sa formulation soit hasardeuse. J'aurais dû écrire :
« de l'autre, on a ceux qui mélangent tout et vont reprocher à un énergéticien d'aborder les problèmes par l'angle énergétique mais sans parler de société ou de politique ».
Moi, son billet me déplaît profondément. Non seulement il part dans tous les sens, mais chacun de ses propos ne débouche sur rien :
- dans un premier temps, Bellanger parle de ses expériences désagréables avec un pro-nucléaire sur Twitter. Je ne doute pas qu'il y ait des sacrés énergumènes sur les réseaux sociaux (c'est même là qu'on les remarque le plus), mais... Qu'est-ce que ça démontre ? Qu'est-ce que ça a à voir avec le schlich ?
- puis dans un second temps il nous fait part de son anecdote d'école ; il a l'air presque désolé d'avoir apporté une réponse correcte à un professeur allemand (qu'il voit comme un signe de son formatage social et de la propagande insidieuse d'EDF), alors que ce dernier racontait réellement n'importe quoi (il y a
2 centrales nucléaire — Cattenom et Fessenheim — à proximité de l'Allemagne, seule cette dernière est située dans la vallée du Rhin, et les nuages produits par les réfrigérants ne sont pas radioactifs !). Limite, on a l'impression que c'est Bellanger qui était en tort, et pas le prof !
- dans un troisième temps, il parle enfin de Jancovici, mais c'est ou bien pour faire des attaques
ad hominem (
« son mépris des réalités sociales ») ou pour le railler (
« je le soupçonne un peu de se prendre pour le nouveau Marx »), le tout sans aucune justification, argument ou explication.
Oui, Jancovici raisonne en énergéticien et il ne prend pas ou peu en compte les autres dimensions (sociales, notamment) du problème. Il a souvent tendance à tout voir au travers du prisme de l'énergie (je suis le premier à le reconnaître). Mais ça ne veut pas pour autant dire que
« chez lui, tout est méchamment plus simple et strictement monocausal » (sic). Est-ce qu'on irait reprocher à un neurologue d'expliquer le comportement humain via la neurologie, la discipline dont il est spécialiste, et de ne pas aborder la dimension sociologique ou psychologique de la question ?
Et non, Jancovici n'est pas devenu « l'intellectuel dominant » ; il intervient occasionnellement dans les médias lorsque ces derniers ont besoin d'un expert ès énergie, mais il me semble que d'autres scientifiques (Klein ou Villani) occupent bien davantage l'espace médiatique. Et dire que Jancovici est dominant supposerait qu'il est écouté, ce qui n'est pas le cas : Janco a certainement le bras long et un bon carnet d'adresses, mais il prêche dans le vide depuis 20 ans...
- et dans un quatrième temps, le paragraphe sur le pétrole...
« Notre société n’a pas adopté cette forme productiviste car le pétrole était bon marché ; le pétrole est bon marché car nous avions besoin d’un absolu productiviste ». Je... heu... Je suis sûr qu'il s'est senti très malin en trouvant cette formule, mais au mieux ça n'a aucun sens, au pire c'est complètement faux.
Bref. J'ai l'impression de voir un anti-nucléaire lambda qui a eu envie se payer une personnalité pro-nucléaire à peu de frais, et qui a réussi à le faire à la radio pendant un heure de grande écoute...
Metronomia a écrit:
Or, ce que disent le plus souvent les SHS c'est que, si un scientifique issu des sciences dures veut faire son travail aussi bien et rigoureusement que possible, alors il devrait prendre en compte les descriptifs et remarques issus des sciences sociales afin de poser au mieux ses problématiques (ici, je pourrai essayer d'illustrer avec des exemples concrets si tu le souhaites). Ce qui me semble tout à fait logique et souhaitable, quand j'y pense...
Et si j'ai bien compris ce à quoi tu penses, je ne suis pas vraiment d'accord avec ça.
Le génie énergétique est avant tout une affaire d'énergéticien : si je calcule le bilan carbone d'une source d'énergie donnée, que je rassemble des infos éparpillées pour estimer les stocks de pétrole, etc... et qu'en retour je fais des prescriptions (attention, les ENR produisent plus de TeqCO2/MWh que le nucléaire, il ne sera physiquement pas possible de respecter nos engagements de réduction de GES d'ici 2050 si on dénucléarise notre production d'électricité), je suis face à un travail de science dure et je ne vois pas trop ce que les sociologues peuvent apporter (voire même, il me semble potentiellement dangereux qu'ils se mêlent d'un domaine dans lequel ils ne sont pas compétents).
L'interdisciplinarité devrait à mon sens intervenir en aval ; c'est en croisant les avis de différents experts (énergéticiens
et sociologues), de façon à avoir un maximum d'angles de vue sur un sujet complexe, qu'un homme politique peut se forger un avis technique sur ledit sujet. Et cet avis technique serait ensuite idéalement à croiser avec l'opinion populaire, sans quoi qu'on serait face à un régime technocratique plutôt que démocratique...