Nous sommes actuellement le 03 Mai 2025, 21:07

Le fuseau horaire est réglé sur UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 13 messages ]  Atteindre la page 1, 2  Suivant
Auteur Message
 Sujet du message: Droit et censure littéraire
MessagePublié: 01 Mars 2010, 10:37 
Lueur dans la nuit
Lueur dans la nuit
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 13 Août 2008, 12:14
Messages: 5954
Citer:
Brûlez Sagan et Baudelaire, ce sont des criminels
Le droit français pousse à la censure.
Dimanche 1 Novembre 2009

Ne récitez plus ni Molière ni Baudelaire, ils devraient à peine avoir droit de cité dans vos bibliothèques. Comme l'expliquait France Inter ce mois-ci, c'est une censure rampante et juridique qui s'abat sur la littérature française depuis que la loi se focalise sur certains produits néfastes pour la santé et s'insinue dans dans les fantasmes littéraires. A tel point que certains auteurs classiques ne pourraient peut-être pas publier leurs livres s'ils les écrivaient aujourd'hui. Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste de l'édition et lui-même éditeur, m'a aidée à nettoyer mes étagères.

Adieu Sagan
Le charmant petit monstre de la littérature, dont le journal Toxique est republié ces jours-ci, ainsi que son roman Des bleus à l’âme, était un dangereux personnage, une apôtre de la vitesse. Dans Avec mon meilleur souvenir, recueil de textes, un chapitre s'intitule «La Vitesse». Elle y écrit ceci:

«Qui n'a pas cru sa vie inutile sans celle de 'l'autre' et qui, en même temps, n'a pas amarré son pied à un accélérateur à la fois trop sensible et trop poussif, qui n'a pas senti son corps tout entier se mettre en garde, la main droite allant flatter le changement de vitesse, la main gauche refermée sur le volant et les jambes allongées, faussement décontractées mais prêtes à la brutalité, vers le débrayage et les freins, qui n'a pas resenti, tout en se livrant à ces tentatives toutes de survie, le silence prestigieux et fascinant d'une mort prochaine, ce mélange de refus et de provocation, n'a jamais aimé la vitesse, n'a jamais aimé la vie—ou alors, peut-être, n'a jamais aimé personne.»

Vibrant éloge de la vitesse. Répréhensible surtout. «Sagan était une dangereuse délinquante par l'écriture puisqu'elle fait l'apologie de l'excès de vitesse, explique Emmanuel Pierrat. Toute présentation sous un jour favorable d'un délit ou d'un crime est susceptible d'être une apologie, et donc réprimé comme tel par une loi de 1881». Une loi antérieure donc, au texte en question. Mais depuis sa publication, la vitesse, elle, n'est plus perçue de la même façon. L'excès de vitesse était réprimé mais il y avait une sorte de tolérance. Depuis la fin des années 80 jusqu'à la fin des années 2000, une série de lois en ont fait un délit beaucoup plus grave, et ont notamment créé le délit de grande vitesse. Dans les années 60, à 160 sur l'autoroute, vous aviez une amende. Désormais, on vous menotte, on peut vous conduire en prison. Et vous faire un procès pour apologie de la vitesse (C'est la Ligue contre la violence routière qui s'en chargera).

Il faudrait aussi déchirer Sagan pour Bonjour Tristesse, et son héroïne qui fume scandaleusement («Je fumais beaucoup, je me trouvais décadente, et cela me plaisait»). Mais on trouve à cet égard des auteurs plus éhontés: Molière par exemple, dans la première scène du Dom Juan de Molière.

«Quoique puisse dire Aristote et toute la philosophie; il n'est rien d'égal au tabac: c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme.»

Avance rapide: 1869, Baudelaire (qui écrivait tant, et en le revendiquant, sous l'emprise de la drogue) publie Les Petits Poèmes en prose, parmi lesquels «Enivrez-vous». Si le lecteur a le choix entre s'enivrer «de vin, de poésie, ou de vertu», l'apologie de l'ivresse demeure.

La loi Evin empêche toute publicité liée au tabac et à l'alcool. Mais l'Etat, sans doute, ne serait pas prêt à poursuivre tous les artistes contrevenants, ou à empêcher la publication de photos de Sartre ou Malraux sans leurs cigarettes ou de Tati sans sa pipe. Cette loi est appliquée avec précision parce qu'il existe des gens pour y veiller. En l'occurrence le CNCT, Comité National de lutte Contre le Tabagisme. Ce comité, au nombre des «ligues de vertu» comme les appelle Pierrat, est connu pour sa puissance et sa stratégie procédurière. Entre 1978 et 1999, il a engagé 275 procédures, et en a gagné les trois quarts.

Le sexe
«Comment se peut-il que sa façon de marcher - une enfant, ne l'oubliez pas, une simple gamine - m'excite si abominablement? (...) Légère tendance à traîner la jambe. C'est très enfantin et à la fois infiniment impudique. (...) L'ai entendue, peu après, décocher une volée de sottises éhontées à son amie Rose par-dessus la clôture. Mon corps tout entier vibrait de cette résonance aigrelette qui allait crescendo.»

Dans ce passage de Lolita, il ne se passe rien. Tout est dans ce désir interdit d'un homme, «spécimen vigoureux et superbe du mâle de cinéma», pour une enfant. Ce désir même est plus coupable qu'un acte qui se repentirait. «Nabokov fait l'éloge de la nymphette, dit qu'il n'y a rien de plus beau, de plus envoûtant, de plus sexy, souligne Pierrat. Il fait l'éloge de la nymphette et c'est une apologie complète de ce que l'on considère comme de la pédophilie.»

Des passages de Proust pourraient entrer dans la même catégorie. Ainsi dans Albertine Disparue le narrateur se retrouve seul après le départ de celle qu'il aime. Pour se consoler de son absence, il propose à une petite fille, dans la rue, de venir chez lui. S'il la compare à «un chien au regard fidèle», l'ambiguïté demeure; elle se renforce même à ces lignes: «à la maison je la berçai quelque temps sur mes genoux, mais bientôt sa présence, en me faisant trop sentir l'absence d'Albertine, me fut insupportable. Et je la priai de s'en aller, après lui avoir remis un billet de cinq francs». Il serait facile de défaire La Recherche de passages entiers. Notamment ceux évoquant les bordels, qui ont pourtant nourri tant d'écrivains. «La prostitution est libre mais le proxénétisme, donc sous forme de maisons de passe par exemple, est l'une des infractions les plus sévèrement réprimées en France.» Des associations luttant contre la violence faite aux femmes, comme le Nid, ou des ligues chrétiennes (mélange incongru mais réaliste) pourraient lancer des procédures.

L'ouvrage de Frédéric Mitterrand qui a tant fait polémique récemment, La Mauvaise vie, est passé au travers du crible des lois parce que quels que soient les sujets abordés, prostitution, tourisme sexuel, il n'en fait jamais l'apologie.

«Suicide, mode d'emploi»
Les livres sur le suicide n'étaient pas interdits il y a 30 ans. L'ouvrage de Claude Guillon et Yves le Bonniec, titré Suicide, mode d'emploi: histoire, technique, actualité, publié en 1982, fait scandale. On ne sait pas très bien en vertu de quoi l'interdire, il n'existe pas de loi pour ça. Qu'à cela ne tienne, on en créé une: en 1987, l'Assemblée adopte un texte prohibant non seulement la provocation au suicide, mais aussi la propagande ou la publicité pour tout produit, objet ou méthode présentée comme permettant de se donner la mort. «Suicide mode d'emploi» est mentionné dans les débats à l'Assemblée comme exemple de ce que la loi vise à interdire.

Aujourd'hui l'éloge du suicide fait par Nerval dans Aurélia, suicide libérateur et rassurant, pourrait déranger. De même que pourraient déranger, sur le suicide, des textes de Balzac, de Hugo ou de Chateaubriand. Et cette scène finale du Roi sans divertissement, dans laquelle le héros se suicide en fumant un bâton de dynamite? C'est sans doute l'association de défense contre l'incitation au suicide (ADIS) qui prendrait les choses en main, comme elle l'avait fait pour Suicide mode d'emploi. Surtout considérée l'actualité brûlante du suicide.

Ne pas écrire
Bien sûr, il y a aussi les textes qui ne seraient pas même écrits. Pas besoin alors pour l'éditeur de faire appel à un avocat, de s'interroger sur tel ou tel passage. Il est des histoires qu'un auteur ne doit pas raconter: les siennes, si elles ont été condamnées. La Loi Perben II interdit tout individu, depuis 2004, de publier ou de mettre en scène dans une expression artistique ce pour quoi il a été condamné (texte passé inaperçu parmi toute une série). Le Journal du voleur de Jean Genet, récit autobiographique racontant les délits de l'écrivain, ne pourrait plus être publié. Autre exemple, davantage d'actualité: le chanteur Bertrand Cantat, en liberté conditionnelle après le meurtre de sa compagne Marie Trintignant, écrit un nouvel album. Il a pour interdiction d'y évoquer même l'événement ou toute chose ayant rapport avec, même pour exprimer ses regrets, même pour s'excuser. Ce qui explique en partie les retards pris par l'album, selon Maître Pierrat. «Interdire d'écrire, c'est la négation complète de la liberté d'expression, principe au nom duquel n'importe qui, et quoi qu'il ait fait, a le droit de s'exprimer».

Revisiter le passé
Non seulement nombre d'œuvres pourraient ne plus être publiées aujourd'hui — ou bien trop amputées – mais il n'est même pas dit qu'on continue de publier celles écrites en d'autres temps. L'écrivain Tony Duvert, prix Médicis en 1973, était publié aux Editions de Minuit. Ses oeuvres, désormais décrétées «à caractère pédophile» ne sont pas rééditées, elles ne ressortent plus depuis les années 80. Et si l'on est prêt à retoucher des photographies de Sartre ou de Malraux, pour gommer leur cigarette, pourquoi ne pas gommer de même certains passages de la littérature?

Charlotte Pudlowski


http://www.slate.fr/story/11855/brulez-sagan-et-baudelaire-ce-sont-des-criminels

Pensez-vous que le politiquement correct, l'inflation législative ( qui est devenu en France un sport national, visiblement... :crazy: ) pousse à une forme de censure littéraire, mais aussi artistique en général ( les exemples sont nombreux ces dernières années, des caricatures de Mahomet au sketchs de Timsit ) ?

Est-ce que vous pensez que c'est une "bonne" chose, finalement, et qu'on ne peut pas tout dire sous couvert de création artistique ?...
Ou que, comme disait Desproges, on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui ?

Et que, finalement, chemin faisant... on nous prendrait pas un peu pour des billes ?... Ce que je pense, personnellement... en tant que lectrice, ça m'agace pronfondément qu'on insinue que je ne sois pas "capable" de lire des choses un peu borderline sans duègne pour penser à ma place... :eh:

_________________
Même si on ne nous laisse qu'une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d'elle il y aura toujours le ciel tout entier.
Etty Hillesum, Une vie bouleversée


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 01 Mars 2010, 11:14 
Übertypografer
Übertypografer
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 26 Novembre 2008, 18:29
Messages: 5299
Localisation: Großostn
Le danger c'est qu'y a toujours des gens pour prendre les choses directement, et pour ne pas se poser de questions sur ce qui est mis. Autant pour des sujets comme la pédophile, le viol ou le meurtre, je comprends limite, autant pour des autres sujets comme le tabac ou l'alcool... :roll:

Je veux dire, c'est pas le fait de lire du Molière qui va me mettre à fumer.

J'aime bien lire des choses un peu "borderline" comme dit Chimère. Si ça devait être supprimé, je serais assez fortement contrarié. :?

_________________
Ungl unl . . . rrlh . . . chchch . . .
[H.P. Lovecraft, The Rats in the Wall, 1923]


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 01 Mars 2010, 11:54 
Lueur dans la nuit
Lueur dans la nuit
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 13 Août 2008, 12:14
Messages: 5954
Voici l'affaire du moment dans le petit monde de l'édition française...

Si je comprends la logique de Daeninckx... je ne peux m'empêcher de me poser une question : à ce moment-là, ne doit-on pas aussi cesser de publier des gens comme Céline, également connu pour ses positions d'extrème-droite ?


http://www.slate.fr/story/17661/revolte-des-ecrivains-contre-les-editions-baleine-accusees-de-publier-des-ecrits-fascisa

Citer:
Révolte des écrivains contre la Baleine accusée de publier des écrits fascisants
Fronde des écrivains contre les éditions Baleine qui publient François Brigneau, un des fondateurs du Front national.

| Mardi 23 Février 2010

Les éditions Baleine ont annoncé leur intention de publier un roman de François Brigneau, l'un des fondateurs du Front national, condamné à maintes reprises pour antisémitisme. Didier Daeninckx, figure du roman noir français, cofondateur du Poulpe, qui a toujours combattu l'antisémitisme et le racisme avec détermination, explique pourquoi il n'accepte pas ce «coup de force».

Pourquoi vous opposez-vous avec vigueur à la publication d'un roman de François Brigneau aux éditions Baleine?

Didier Daeninckx: Les éditions Baleine constituent une exception dans le paysage littéraire. Elles ont été créées en 1995 par Antoine de Kerverseau et Jean-Bernard Pouy sur une base résolument antifasciste. L'activité principale du «Poulpe», le héros que se sont partagés plus de cent auteurs, consistait à traquer tout ce qui, dans ce pays, permettait aux idées brunes de s'installer, d'être dans l'air du temps. Le Poulpe a même réussi à devenir un acteur du combat contre le fascisme rampant. Il signait des pétitions, appelait à manifester en 2002 contre la présence de Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle. Toute la réputation des éditions Baleine s'est construite sur cette figure emblématique. L'actuelle direction de Baleine dilapide le «capital de sympathie» en faisant entrer le loup dans la bergerie. Le fait de promouvoir un ex-milicien, fondateur du Front national, qui collectionne les condamnations pour antisémitisme, enlève toute crédibilité aux romans qui s'attaquent par exemple, sous le même label, aux menées du ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale.

Quel est l'objectif de la pétition que vous avez signée avec des dizaines d'autres auteurs des éditions Baleine?

Nous avons bien conscience que tous les livres de la collection «Le Poulpe» ne peuvent exister ailleurs. Cette pétition est un signal fort qui montre la détermination des auteurs, qui exprime la violence qui leur a été infligée. Les signataires ont conscience que le retrait de leurs livres du catalogue n'est pas une chance offerte à leurs œuvres. Ils agissent contraints et forcés. Le plus simple serait que «le boss de la Baleine» reconsidère sa position et comprenne que la viabilité de son entreprise repose essentiellement sur la réputation que les auteurs ont su lui donner. Le temps presse. Le livre de l'ex-milicien Brigneau, dont chaque page stigmatise les «crouïas», les «bicots», les «arbis», les «macaques» doit être mis en rayonnages à la fin du mois.

N'est-ce pas le droit d'un éditeur de choisir ses auteurs?

Un éditeur n'a pas à se comporter en «patron de droit divin». Une maison d'édition est une entreprise particulière qui repose essentiellement sur la valeur intellectuelle apportée par les auteurs. Il existe une sorte de contrat moral qui tient en ces mots: «maison d'édition». «Maison» y est aussi important qu'«Edition». Et dans ce genre de maison, on est accueilli tout autant qu'on accueille. C'est même à cela qu'on reconnaît la qualité d'un éditeur, à ce respect de la personnalité des auteurs. Le patron de Baleine a fait part à dix personnes de son projet de publier le fondateur du Front national et tous l'en ont dissuadé. Fort de la maîtrise du capital de l'entreprise, il a satisfait à son caprice, sans égard pour nous tous.

Vous faites référence à un droit de retrait de vos œuvres, un tel droit existe-t-il dans le monde de l'édition?

Hélas non. En cas de changement de propriétaire, les auteurs sont vendus avec les meubles sans avoir voix au chapitre! Les journalistes, dont l'activité principale est également l'écriture, disposent de la «clause de conscience» qui leur permet de quitter une direction qui rompt de manière dommageable avec une politique éditoriale. Ce qui survient aux éditions Baleine a au moins le mérite de mettre en évidence cette précarité méconnue du statut d'auteur.

N'avez-vous pas peur d'être accusé de mener un «procès stalinien»?

Il faudrait pour cela qu'on me montre en exemple d'un quelconque «droit de retrait» exigé par Staline! J'ai le souvenir qu'il était plutôt «envahissant». Qui peut dénier à une personne le droit de ne pas vouloir figurer sur la photo avec quelqu'un qui écrit «Si Mussolini m'était conté», qui fait l'apologie de son ami Robert Faurisson? Nous avons demandé à Jean-François Platet de ne pas publier ce livre, dans l'intérêt des auteurs et de la maison d'édition. Il a préféré le coup de force. Il ne nous reste que deux possibilités: nous accommoder de l'indignité ou partir.

François Brigneau n'est-il pas présent au catalogue des éditions Gallimard?

Le livre qu'elles ont publié en 1960, il y a un demi-siècle, est un ouvrage collectif, une série de portraits. Tombé dans l'oubli et jamais remis en circulation. Le problème se pose de manière très différente. Les éditions Gallimard ne se sont pas construites sur une revendication politique antifasciste comme Baleine. Leur histoire est celle de toutes les contradictions de la scène intellectuelle française. Il est clair qu'aujourd'hui elles ne publieraient pas le livre répugnant que les éditions Baleine viennent de mettre en vitrine. C'est ce qui importe.

François Brigneau ne sera-t-il pas au final le seul vainqueur de cette bataille? Son œuvre de 1949 jouissant brusquement d'une notoriété inespérée?

C'est bien là le paradoxe meurtrier de cette affaire dont seul le patron de Baleine porte la responsabilité. Jean-François Platet prétend aujourd'hui avoir voulu attirer l'attention des médias sur sa petite entreprise, oubliant qu'en faisant du «buzz», du bruit, il a provoqué la fureur de ses auteurs et de son lectorat.

Propos recueillis par Pierre Malet

_________________
Même si on ne nous laisse qu'une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d'elle il y aura toujours le ciel tout entier.
Etty Hillesum, Une vie bouleversée


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 01 Mars 2010, 14:26 
Sonne toujours deux fois
Sonne toujours deux fois
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 05 Août 2008, 17:27
Messages: 7436
Localisation: Massif central. Par là.
Herr Magog a écrit:
Le danger c'est qu'y a toujours des gens pour prendre les choses directement, et pour ne pas se poser de questions sur ce qui est mis. Autant pour des sujets comme la pédophile, le viol ou le meurtre, je comprends limite, autant pour des autres sujets comme le tabac ou l'alcool... :roll:

Et même concernant des choses graves comme la pédophilie ou le meurtre, je ne crois pas qu'un livre ou un jeu vidéo puisse vraiment créer des comportements déviants... Je pense plutôt qu'ils ne font que réveiller des pulsions déjà latentes (et qui auraient probablement fini par se manifester d'une façon ou d'une autre à un moment).


J'avoue que je suis assez partagé vis à vis de la censure artistique et des lois sécuritaristes à tout va comme celles qui fleurissent depuis une dizaine d'années.
D'un côté, j'ai du mal à comprendre comment certaines chansons peuvent passer les foudres du CSA et être diffusées à la radio, même à une heure avancée (je pense notamment à Girlfriend du groupe de rap TTC, entendue à plusieurs reprises sur des radios de grande écoute et dont les paroles sont d'une finesse... ). Qu'on n'en empêche pas la production, ok ; mais qu'on en facilite la diffusion, c'est une autre histoire...
Mais de l'autre côté, je déteste quand les autorités nous prennent pour des imbéciles et prétendent décider à notre place pour savoir ce qui est bon pour nous... :think:

_________________
Close the world, open the next


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 01 Mars 2010, 15:33 
Übertypografer
Übertypografer
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 26 Novembre 2008, 18:29
Messages: 5299
Localisation: Großostn
Ar Soner a écrit:
Et même concernant des choses graves comme la pédophilie ou le meurtre, je ne crois pas qu'un livre ou un jeu vidéo puisse vraiment créer des comportements déviants... Je pense plutôt qu'ils ne font que réveiller des pulsions déjà latentes (et qui auraient probablement fini par se manifester d'une façon ou d'une autre à un moment).

Exactement. Je pense que ça peut plus ou moins servir de catalyseur... Comme disait le tueur en série Ed Kemper par exemple, à propos de la pornographie : "Ca n’est pas ça qui m’a rendu mauvais. Mais... ça a mis de l’huile sur le feu." Bien sûr c'est un extrême que je prends, mais l'idée y est.

_________________
Ungl unl . . . rrlh . . . chchch . . .
[H.P. Lovecraft, The Rats in the Wall, 1923]


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 01 Mars 2010, 19:32 
Membre
Membre
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 07 Octobre 2009, 10:30
Messages: 204
Localisation: Sur une planète bleue comme une orange.
"Si je comprends la logique de Daeninckx... je ne peux m'empêcher de me poser une question : à ce moment-là, ne doit-on pas aussi cesser de publier des gens comme Céline, également connu pour ses positions d'extrème-droite ?"

Daeninckx il est pas marrant comme mec, en plus il tient justement des propos fascisants comme justification de sa "lutte". Plutôt, il tient le discours du parfait démocrate qui dénigre les extrèmes car ils sont porteurs de destruction du système démocratique (on y verra d'ailleurs ici une des principales limites de la démocratie, car si celle-ci ne permet à chacuns de pouvoir s'exprimer, elle n'est plus, ou n'en est qu'un simulacre) tout en oubliant la distanciation nécessaire qu'il devrait pourtant avoir.

Par ailleurs, il est grave de constater que nous sommes actuellement entrés dans une ère "débilifère". C'est dingue de pouvoir voir des émissions/films de <crotte> en prime-time ou de lire des torchons pré-réfléchis et de ne pouvoir aborder un voyage au bout de la nuit car il est écrit par un antisémite, pourtant sa lecture ferait du bien au plus grand nombre... Mais heureusement (enfin je l'espère), on ne touchera jamais à Céline, qui a eu bien plus de chance que Brasillach.

Cependant, il faut également tempérer la chose, de nombreuses oeuvres longtemps réservées aux enfers, sont désormais disponibles. Malgré les "buzz" de ce style.

Mais il est vrai que certains comportements laissent présager le pire, et le pire n'arrivera certainement pas du côté où tout le monde l'attend.

_________________
Souvent imité, jamais égalé.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 02 Mars 2010, 11:27 
Chercheuse de ptite bête
Chercheuse de ptite bête
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 06 Août 2009, 09:31
Messages: 1079
Localisation: Paris et parfois plus loin.
Très bon sujet Chimère, très intéressant !

Je répondrais sur l'inflation législative... Pour moi, ce n'est plus de l'inflation, mais une véritable diarrhée!
Ce type d’inflation dénote un profond malaise au sein de l'État (avec un grand "E") qui n'a pour autre solution que de légiférer dans tous les sens, sans chercher à comprendre les problématiques, ou même, et c'est plus grave, sans s'inquiéter le moins du monde de la logique. Nous entrons dans une ère de réduction considérable des libertés individuelles, et d’un accroissement de nos obligations, avec lesquelles chacun à bien du mal à se débrouiller. Une loi est aujourd’hui un moyen de calmer les angoisses de la foule. Pas de pouvoir d’achat ? Une loi ! Une crise économique ? Des lois ! Une augmentation du nombre de cancer ? Une loi ! Une catastrophe naturelle ? Une loi ! etc… des cataplasmes sur des jambes de bois.

La censure est un moyen comme un autre de contrôler la liberté de pensé du "peuple". Pour moi, la seule censure efficace est celle que chacun s’impose à soi-même, en accord avec ses idées et la société dans laquelle l’individu s’inscrit. Les barrières de la morale et de l’éducation sont normalement là pour y pourvoir. Est-ce réellement à la loi de se mêler de cela ? La loi ce n’est pas la morale, ce n’est pas l’éducation. Ça me défrise toujours d’entendre parler du rôle « éducateur » du juge… Si on a besoin de passer devant un tribunal pour être éduqué dans ce qui est considéré comme bien ou mal ici bas, c’est qu’il y a un sérieux problème.

Je suis également affligée par cette espèce de censure "à la carte", qui permet la sanction de certains textes réputés comme faisant la promotion de certaines idéologies qu'on aimerait bien pouvoir oublier (mais qui font 21% un certain mois d’avril… ), et qui laisse passer entre les mailles du filet des chansons au texte douteux, comme le soulignait Ar soner. Cela démontre une certaine "hiérarchie" dans ce qui peut être censuré et ce qui ne peut l'être. Alors que l’oubli est pourtant la pire des choses dans ces cas là. Il est salutaire de lire Primo Lévy et Celine, ou encore même Houllebecq et son « apologie » de la prostitution enfantine dans « Plateforme ». Même si ça choque. Il faut des livres comme ça, des films comme ça, il y en a d’ailleurs toujours eu. Ils sont salutaires à la liberté d’expression et de penser. ce sont des soupapes de sécurité.
Je pense qu’on a tendance effectivement à surprotéger le citoyen d’aujourd’hui, à l'infantiliser, en l’affirmant incapable de comprendre ce qu’est une œuvre littéraire ou artistique, tout en, dans un autre sens, l’abreuvant d’une sous-culture des peoples, des bouquins écrits par des nègres pour des célébrités sans intérêts et sans aucun talent, d’émission de télé débilitantes comme le souligne Diogéne. ça, ça parait sans danger et c'est salutaire apparemment. (Je n'ai pas regardé, mais il parait que l'émission de "la ferme célébrité" est un véritable ramassis de ce qu'il se fait de pire en promotion d'idéologie colonialiste et en clichés sur l'Afrique noire).

On le croit également incapable de manger correctement, de décider de fumer ou non, de boire en quantité suffisante ou de traverser une rue !
Bien qu’il faille sanctionner les dérives comportementales, je pense qu’il faut laisser les artistes tranquilles (les vrais). Chacun fera le tri, chacun retiendra ce qui l’intéresse ou non. Mais qu’on nous laisse un peu penser par nous même.

_________________
Comme ce serait drôle de ressortir parmi ces gens qui marchent la tête en bas ! Les Antipodistes, je crois...

Lewis Carroll in "Alice in Wonderland"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 02 Mars 2010, 14:18 
Membre
Membre
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 11 Décembre 2009, 10:11
Messages: 157
Alecto a écrit:
Très bon sujet Chimère, très intéressant !





Je suis également affligée par cette espèce de censure "à la carte", qui permet la sanction de certains textes réputés comme faisant la promotion de certaines idéologies qu'on aimerait bien pouvoir oublier (mais qui font 21% un certain mois d’avril… ), et qui laisse passer entre les mailles du filet des chansons au texte douteux, comme le soulignait Ar soner. Cela démontre une certaine "hiérarchie" dans ce qui peut être censuré et ce qui ne peut l'être. Alors que l’oubli est pourtant la pire des choses dans ces cas là. Il est salutaire de lire Primo Lévy et Celine, ou encore même Houllebecq et son « apologie » de la prostitution enfantine dans « Plateforme ». Même si ça choque. Il faut des livres comme ça, des films comme ça, il y en a d’ailleurs toujours eu. Ils sont salutaires à la liberté d’expression et de penser. ce sont des soupapes de sécurité.



Si on suit votre logique dans ce cas pourquoi censurer "Mein Kampf" de Hitler? Apparemment il est impossible à prouver. Tout le monde devrait pouvoir le lire, non?
Je ne suis pas d'accord avec ce qui a été dit précédemment on ne peut pas dire tout et n'importe quoi, notamment les écrits qui attise la haine.

_________________
惚れた欲目に痘痕もえくぼ


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 02 Mars 2010, 14:39 
Lueur dans la nuit
Lueur dans la nuit
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 13 Août 2008, 12:14
Messages: 5954
Si Mein Kampf est tout à fait "trouvable"... j'avais une connaissance qui l'avait. Je précise qu'il était historien et sa thèse portait sur la seconde guerre mondiale, ceci expliquant cela.

Pour ma part, je rejoinds tout à fait Alecto : ce n'est pas le rôle du législateur de penser à notre place ce que nous sommes censés lire/voir/écouter dès lors que nous sommes majeurs.
Parce qu'au fond, je pense que c'est beaucoup plus "dangereux" à long terme de couper court toute réflexion de fond, que de permettre aux gens de s'exprimer et de débattre... quitte à ce que ça parte en vrille.
Parce que quoiqu'il arrive, même si une loi empêche d'exprimer la haine, ou la violence ou je ne sais quoi... elle ne peut en aucun cas l'empêcher de naître dans les esprits et de se développer. Il vaut donc mieux à se moment-là lui permettre de sortir et d'être débattue, que de laisser des groupuscules fleurir un peu partout et passer pour des martyrs de la liberté d'expression. :think:
Parce que si des écrits attisants la haine comme tu dis sont publiés, alors d'autres écrits contradictoires vont l'être aussi... et les logiques haineuses pourront être "démontées" de façon argumentée, au lieu d'être enterrées et de menacer de ressortir sous n'importe quel prétexte.
De plus, quitte à ce que la haine s'exprime, il vaut toujours mieux qu'elle le fasse avec des mots qu'à balles réelles... :eh:

Je comprends ceci dit que l'Etat cherche à éviter les débordements, à protéger "l'ordre public", ainsi que les plus influençables... cependant, je ne suis pas convaincue de l'efficacité de ce type de lois à long terme... ( surtout lorsqu'elles sont purement d'opportunité pour flatter l'électorat, mal rédigées et inapplicables de fait, je rejoinds Alecto là-dessus aussi... ).

Je pense vraiment que si on prends les "gens" pour des abrutis... alors ils se comporteront en abrutis. Et c'est typiquement ce que l'on est en train de faire, cela participe d'une forme de nivellement par le bas... :eh:

_________________
Même si on ne nous laisse qu'une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d'elle il y aura toujours le ciel tout entier.
Etty Hillesum, Une vie bouleversée


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
MessagePublié: 02 Mars 2010, 15:24 
Seigneur Canard
Seigneur Canard
Avatar de l’utilisateur
Hors-ligne

Inscription: 28 Août 2008, 23:18
Messages: 1945
Je n'ai pas grand chose à ajouter à ce qui a été dit ici et là. Je suis loin d'être un partisan du libéralisme intégral (d'un point de vue sociétal) : il est évidemment nécessaire d'avoir des lois.

Mais la décennie écoulée a vu s'ancrer dans les moeurs une politique législative essentiellement "réactive" (et parfois réactionnaire, mais c'est un autre problème), au sens où la majorité des lois sont décidées et votées en réaction à quelque chose - parfois un fait divers, triste pour ceux qui en sont les victimes, mais insignifiant à l'échelle de la nation. Le but sous-jacent est la satisfaction immédiate de l'opinion, dans l'optique d'échéances électorales très rapprochées. La classe politique, aujourd'hui, sait très bien que les Français ont la mémoire très courte - bien aidés en cela par les médias qui, pris au jeu de la rentabilité à court terme, abreuvent leur public d'un flux "d'information" désormais pleinement optimisé pour être vendu et non donné. Nos dirigeants savent en jouer à la perfection.

Pourquoi en est-on arrivé là ? Bien malin celui qui prétendrait connaître toutes les causes. J'entrevois toutefois quelques pistes : le fait que nombre de gens s'infantilisent eux-mêmes en refusant d'assumer les responsabilités de leurs actes, en appelant à l'État pour les protéger de tout*, y compris d'eux-mêmes et des "autres" ; l'absence de vision politique à long terme (cinq ans est désormais l'échéance la plus longue, "après les élections, le déluge !"), qui à au passage coûté cher à notre système éducatif - limitant du même coup sa capacité à former des citoyens responsables ; et aussi, j'y tiens, le poids grandissant des lobbies en tous genres, seulement préoccupés par le triomphe de leurs opinions, sans égard pour le reste de la société ou le caractère objectif de leurs assertions.



* paradoxalement, au milieu de cette soif de protection et de "sécurité" (qu'on passe 15 jours en Russie, on verra ce que c'est que l'insécurité... :? ), on stigmatise volontiers comme "assistés" ceux qui en ont le plus besoin : malades, chômeurs, handicapés... Ce petit rappel afin qu'on ne me prenne pas pour un républicain américain. XD

_________________
Je suis le grincement dans les poutres. Le battement d'ailes dans la cheminée. Les petites marques de dents dans la pêche. Je suis BATMAN FRUGIVORE. - Charles Montgomery Plantagenet Schicklgruber Burns.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis:  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 13 messages ]  Atteindre la page 1, 2  Suivant

Le fuseau horaire est réglé sur UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 1 invité


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas transférer de pièces jointes dans ce forum

Rechercher:
Atteindre:  
cron
Développé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction française officielle © Maël Soucaze