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À l'écovillage de Pourgues, l'utopie collectiviste est en marche
Elie Courboulay — 7 octobre 2019 à 11h59
Dans cette petite communauté ariégeoise, la seule obligation est d'être libre.
Ces personnes ont entre 28 et 52 ans. Elles travaillaient comme prof, consultant·e, chauffagiste ou même entomologiste. Elles ont abandonné leur travail, vendu leur appartement et déménagé à l'autre bout de la France, dans une région où elles n'avaient pour la plupart jamais mis les pieds. Sur le domaine de Pourgues, dans la commune du Fossat dans les Pyrénées ariégoises, ils sont dix-sept adultes et sept enfants à avoir investi la propriété de 50 hectares, depuis maintenant plus de deux ans.
L'un des jardins potagers de la propriété. | Elie Courboulay
Le projet est né début 2016 dans l'esprit de Ramïn, Marjorie, Yohan et Benjamin. À cette époque, les quatre amis gèrent l'École dynamique, dans le XIVe arrondissement de Paris. Cette école démocratique, la première du genre en France, le petit groupe l'a créée en se fondant sur la philosophie de la Sudbury Valley School.
Devant la réussite de leur jeune entreprise, les ami·es rêvent plus grand. Et si tout un village était régi selon les principes de liberté et de démocratie théorisés par Daniel Greenberg, fondateur de la première Sudbury Valley School en 1968.
À l'école Sudbury, personne n'empêche les élèves de jouer à «Minecraft» toute la journée
Communauté démocratique
Très vite, l'idée fait son chemin parmi les membres du réseau de l'éducation démocratique. Tant et si bien que vingt-deux adultes et huit enfants se lancent dans l'aventure au printemps 2016. Xénia est de ceux-là. À 48 ans, mère de deux enfants, elle habitait à Paris. «Mes deux enfants allaient à l'École dynamique, explique-t-elle. Moi, j'avais arrêté de travailler à la suite d'un burn-out, alors quand le projet a vu le jour, je n'ai pas hésité.»
L'équipe se met à la recherche du lieu idéal pour accueillir la petite communauté. Le cahier des charges ratisse large: «Il nous fallait un terrain avec déjà une maison de construite, plutôt grand, plutôt dans le sud», détaille Xénia. La première visite sera la bonne. Le groupe jette son dévolu sur le domaine de Pourgues, sa bâtisse de 800 mètres carré, ses deux gîtes d'environ 60 mètres carré chacun et un terrain de quelque 50 hectares. Problème, acquérir ce bien suppose de pouvoir débourser environ un million d'euros.
«On a créé une coopérative d'habitants dans laquelle une personne égale une voix, quel que soit le capital investi.»
Xénia, une habitante de Pourgues
Sur les vingt-deux adultes embarqués, huit n'avaient pas les moyens de contribuer à l'apport initial. Seules quatorze personnes ont apporté 630.000 euros. L'un des instigateurs, Ramïn contribue personnellement à hauteur de 470.000 euros, une autre personne apporte 40.000 euros, deux autres participent pour un montant de 20.000 euros et les dix personnes restantes mettent entre 5.000 et 10.000 euros. Il manque toujours 400.000 euros, pour lesquels il faut emprunter. Le propriétaire du lieu leur prête 300.000 euros à rembourser sur quinze ans, et 100.000 euros proviennent de deux personnes de l'entourage, à rembourser avant 2022.
Apports différents pour des droits différents? «Non, assure Xénia. On a créé une coopérative d'habitants dans laquelle une personne égale une voix, quel que soit le capital investi. Chaque décision est renvoyée au comité de village.»
Décisions votées à la majorité
Le Conseil de village, abrégé en CoVi, c'est l'institution maîtresse du collectif de Pourgues. Première lecture, seconde lecture, motion, amendement. Le jeudi matin, de 10h à 11h30, c'est une véritable assemblée qui siège. Chaque membre du village est libre d'apporter une proposition qui est discutée en première lecture. Elle sera débattue à nouveau la semaine suivante pour un vote en seconde lecture, charge à chaque membre qui le souhaite d'y ajouter un amendement. La proposition est ensuite votée à la majorité. Le duo qui occupe les postes de secrétaire et de responsable du cadre démocratique est garant du bon déroulement de la séance. Ces deux personnes sont élues par les autres membres du collectif.
Le Conseil peut se tenir à condition que cinq membres votants soient présents. Y sont prises toutes les décisions relatives à la vie du collectif ainsi que des aménagements du règlement intérieur. Contrairement à de nombreux autres écovillages où c'est souvent le consensus qui prime, les propositions sont votées à la majorité. Rien n'est figé et les règles ont beaucoup évolué depuis l'installation, il y a deux ans et demi. Ces évolutions ont parfois été inspirées par d'autres écovillages. «Pour certains problèmes, on est allé puiser à l'extérieur, explique Marjorie. C'est le cas pour le cercle restauratif par exemple.» Ce type de justice, développée par Dominic Barter dans les années 1990, a pour objectif une meilleure résolution des conflits.
À Pourgues, le cercle prend le nom de Comité d'enquête et d'arbitrage (CEA). Il se réunit du lundi au vendredi à 14h30 et tranche les litiges liés aux transgressions du règlement intérieur de la communauté. À l'instar du Conseil de justice des écoles Sudbury, le CEA ne traite que les différends soulevés par un·e villageois·e. Là encore, les trois arbitres du comités sont élu·es par les autres membres de la collectivité.
Qu'il s'agisse du Conseil de village ou du Conseil d'enquête et d'arbitrage, le verbe est important pour faire passer ses idées. Un exemple de loi d'airain de l'oligarchie de Roberto Michels au XXIe siècle? Selon le sociologue germano-italien, toute forme de leadership annulerait la démocratie: «Aussi bien en autocratie qu'en démocratie, c'est toujours une minorité qui dirige.» Alors à Pourgues, certaines personnes meilleures dans le rôle de tribun que les autres, ont-elles une influence plus importante sur le devenir de la communauté? «C'est vrai que ceux qui ne sont pas à l'aise avec la prise de parole en public participent moins au CoVi, concède Marjorie. Mais ça ne les empêche de faire passer leurs idées de manière informelle pour qu'elles soient ensuite relayées.»
Bien entendu, à moins d'être appelé au CEA par une autre personne du village, il n'y a aucune obligation de participer à l'une ou l'autre des assemblées. C'est, comme pour le reste, en fonction de l'envie de chacun·e. «Ici, je n'ai aucune obligation», confirme David. Le quadra habitait Saint-Ouen et faisait encore du conseil en entreprise il y a moins de quatre ans. Pour lui, les choses ont basculé en 2011: «À la naissance de ma première fille, j'ai creusé le sujet de la pédagogie alternative.» Une chose en entraînant une autre, en 2016 David arrête son activité de consultant et monte un École démocratique dans le XIXe arrondissement de Paris. Deux ans plus tard, à l'été 2018, il rejoint l'écovillage. «On se pose beaucoup de questions quand on n'est pas occupé, détaille David. Que vais-je faire de mes journées? Comment vais-je gagner ma vie?»
Mutualisation des ressources
Comme beaucoup de choses à Pourgues, l'argent dépasse la thématique individuelle. Tous les frais alimentaires et les charges type électricité, chauffage ou eau, sont mutualisés. Pour remplir le pot commun, chacun met ce qu'il peut, ou veut. En tout, la communauté villageoise de Pourgues a besoin d'environ 9.000 euros par mois. En 2018, l'apport individuel était encore nécessaire à cette somme, mais plus cette année. Désormais, le collectif est viable économiquement. Grâce au potager? «Pas encore. Même si, grâce au jardin d'environ 600 mètres carré on n'a pas eu à acheter de légumes cet été», assure Ramïn. Cet ingénieur de formation, diplômé de Centrale Paris et de l'université américaine de Cornell, s'occupe de la comptabilité du collectif.
Ce qui fait la différence avec les années précédentes, ce sont les activités nouvelles d'accueil et de formation. Depuis le début de la saison touristique, en juin, quelque 250 personnes sont venues à Pourgues pour passer des vacances tout en s'immergeant dans la vie en collectivité. Il faut y ajouter les 80 personnes venues suivre l'une des formations sur l'éducation démocratique et sur le modèle d'écovillage.
«Au bout de quelques jours, on réalise ce qu'est la vie en collectivité, avec la liberté comme fondement».
Alexis, développeur, résidant à Paris
Au total, les recettes pour 2019 sont d'environ 90.000 euros, soit «la somme nécessaire pour faire vivre le lieu, confirme le comptable improvisé. Tout ce que les gens mettent en plus permet de faire des investissements». Au programme de l'année 2020, sept nouvelles tiny houses sur le domaine. Des petites maisons de bois pour abriter les personnes qui vivent au sein du village, mais également pour accueillir plus de touristes.
Cet été, la demande n'a pas faibli. Alexis et Candice en étaient. Le couple d'une vingtaine d'années travaille dans le développement informatique et l'hôtelerie de luxe, et habite à Paris. «J'aimerais bien ouvrir un écolieu un jour. Venir ici en immersion prenait tout son sens», explique Candice. Le concept de séjour en immersion est une autre particularité ici. Alexis et Candice ont payé leur semaine de vacances et sont libres de décider d'aider et de participer à la vie de la communauté. D'après Alexis, «c'est vraiment au bout de quelques jours que l'on réalise ce qu'est la vie en collectivité, avec la liberté absolue comme fondement».
Moment d'échange entre Xénia et le couple venu de Paris, Alexis et Candice. | Elie Courboulay
Cette vie en collectivité séduit de plus en plus, partout dans l'Hexagone. D'après l'association Colibris, il existe déjà plus de 600 écolieux en France.
http://www.slate.fr/story/182154/ecovillage-pourgues-liberte-communaute-collectivite-democratieEncore un petit article sur un écolieu collectif...
Franchement, je me demande sincèrement comment il est possible de vivre dans une seule maison (même super grande, je pense), à 17 adultes et 7 enfants (déjà un seul, alors
7...), ça doit être quand-même compliqué au quotidien, même avec la meilleure volonté du monde (meilleure volonté du monde que je n'aurais pas, cela va sans dire). On doit avoir l'impression d'être tout le temps les uns sur les autres...
Et puis ça :
Citer:
Comité d'enquête et d'arbitrage
C'est moi où ça sonne stalinien ?...