Je reviens sur le cas de cette jeune belge, victime des attentats de Bruxelles, et qui avait demandé, et obtenu, l'euthanasie pour souffrances psychiques.
Cet article met en lumière la problématique de l'accompagnement des victimes de l'attentat de Bruxelles, et de tous les attentats en général, de façon plus large, en donnant la parole à d'autres victimes/associations de victimes sur la question...
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/attentats-de-bruxelles/proces-des-attentats-de-2016-a-bruxelles-derriere-l-euthanasie-de-shanti-de-corte-a-23-ans-la-souffrance-et-l-isolement-des-victimes_5469159.htmlCiter:
Pourtant, le neurologue Paul Deltenre, qui est intervenu dans le dossier, a le sentiment que tout n'a pas été tenté. "Il y a eu une proposition de l'équipe thérapeutique qui avait pris cette jeune fille en charge, d'avoir une intervention de l'équipe française spécialisée dans le syndrome post-traumatique, pour dire là, il y a peut-être quelque chose à gagner. (...) Cette offre n'a pas été acceptée", déplore-t-il face à la caméra de la RTBF.
"Les victimes se sont senties abandonnées"
Jamila Adda, présidente de Life4Brussels, une association de victimes des attentats terroristes, contactée par franceinfo, se demande également si Shanti De Corte "a été prise en charge correctement". Mais elle ne l'a jamais rencontrée et n'en sait pas davantage sur sa situation particulière. En revanche, elle pointe une part de "responsabilité générale" de l'Etat belge dans "la santé psychique des victimes" des attentats de Bruxelles. "II n'y a aucun soutien psychologique adapté aux victimes de terrorisme mis en place", se désole-t-elle.
"S'il y avait un accompagnement de l'Etat belge, la situation de certaines victimes serait moins difficile."
Jamila Adda, présidente de Life4Brussels à franceinfo
Jamila Adda dénonce le sentiment "d'isolement" partagé par de nombreuses victimes : "Elles se sont senties abandonnées dès le premier jour. Elles sont complètement affaiblies par six années à tenter d'obtenir une reconnaissance de l'Etat belge, elles arrivent épuisées au procès, qui représente le point de départ d'un marathon. C'est le parcours du combattant, mais elles ne peuvent pas courir."
Si Shanti De Corte est la seule à être euthanasiée, trois autres victimes se sont suicidées depuis 2016, selon nos informations. Certaines ont fait des tentatives et nombre d'entre elles se trouvent en situation de détresse. "Beaucoup ont quitté ou perdu leur emploi après les attentats", complète Marion Roby, salariée de Life4Brussels et coordinatrice pour le procès.
"On est dans un état de survie"
"Shanti De Corte criait au secours de tous les côtés, mais elle était abrutie par tellement de médicaments que la seule chose qu'elle voulait, c'était passer à l'acte", s'insurge Noémie*, à l'origine d'un dispositif de prise en charge médicale et thérapeutique de victimes des attentats de Bruxelles. "Elle avait prévu de se faire euthanasier deux jours avant la commémoration du 22 mars 2016. J'ai été alertée un peu avant par des gens qui la connaissaient bien", relate-t-elle.
Noémie est elle-même victime : elle aussi se trouvait à l'aéroport de Zaventem. "Toutes les personnes qui se trouvaient dans le hall de départ ont été blastées, avec pour conséquence des lésions neurologiques. Le syndrome post-traumatique après un tel choc est particulier", expose-t-elle. Pour étayer son propos, elle cite une récente étude américaine sur les lésions cérébrales causées par une "onde de choc provenant d'une explosion", appelées "blessures invisibles".
"Dire qu'on n'est pas blessé est une vaste blague : on est juste blessé différemment. On a vu l'horreur, donc on est dans un état de survie, neurologiquement touché."
Noémie, victime des attentats de Bruxelles à franceinfo
Pourtant, selon elle, en Belgique, peu de psychiatres sont formés pour soigner ces traumatismes, voire prescriraient des médicaments qui augmenteraient les pulsions suicidaires. Elle cite d'autres cas de victimes des attentats de Bruxelles qui ont pu adapter leur traitement et regrette que Shanti De Corte n'ait pas eu cette opportunité : "Il fallait tout essayer pour la jeune Shanti, soupire-t-elle. Car à 23 ans, on mérite de vivre."
Donc, ce qui maintient totalement mes observations précédentes : si les souffrances de cette jeune femme sont parfaitement légitimes, ça ne fait pas de doute, l'accompagnement thérapeutique, lui, peut être remis en cause.
Et je pense donc que dire "tout a été tenté" ou "il n'y avait plus de solution pour elle" est faux.
Dans ce cas, comment parler de libre arbitre et de décision consciente et éclairée dès lors qu'on est pas pris en charge "correctement" ?
Quelques part, partir du principe de l'euthanasie, comme une solution viable, dans ce genre de cas (je ne parle pas des maladies "physiques" reconnues comme incurables) peut aussi être vu comme une manière de ne pas remettre en cause la médecine psychiatrique et psychologique au sens large telle que faite actuelle, voir de ne pas lui accorder plus de moyens (quand on sait que c'est sans doute la médecine qui est la plus malade, si je puis dire...).
