Psychopompos a écrit:
Ca dépend des gens. Le futur vu par la fiction, ça peut aussi être Fallout et Mad Max.
Tu apportes de l'eau à mon moulin : ou des mégalopoles robotisées (
Ghost in the Shell), ou un désert post-apocalyptique dans lequel les humains se font la guerre (
Fallout). Une alternative très réjouissante, donc.
Tu m'étonnes que la grande majorité de la population ait des sueurs froides lorsqu'on commence à évoquer l'idée de décroissance...
Chimère a écrit:
Maintenant, perso dans l'idée de "vie en communauté", j'ai toujours un peu peur qu'il y ait un effacement du libre arbitre individuel et de la liberté de penser et de s'exprimer au nom de la sacro-sainte défense de la communauté...
Où était-il question de "vie en communauté" ? Je parlais de récréer des réseaux d'entraide et de solidarité, pas de devenir des cénobites. On peut très bien avoir l'un, sans l'autre (et heureusement pour ma part, parce que je ne suis pas plus fan que toi de la vie en communauté).
Pour le reste (à propos de la part d'ombre qui se cache en chacun derrière notre vernis de civilisation), j'avais bien compris que c'était le fond de ton propos... et ça ne change pas vraiment ma réponse. Dans des conditions "normales", c'est une affirmation qui mérite d'être démontrée.
Je veux dire que je conçois que si on se retrouve plongé dans un monde post-apocalyptique et désespéré (comme celui décrit dans
La Route), les humains en soient réduits à se comporter comme des animaux et à engraisser des esclaves dans des cages pour ensuite les dévorer... mais je doute que la situation puisse jamais en devenir dramatique à ce point, ça serait complètement inédit dans toute l'histoire de l'humanité.
L'histoire donne de nombreux exemples de situations d' « effondrements » à des degrés divers, documentées par des gens qui les ont vécues (depuis l'épidémie de peste de 1347 jusqu'au Vénézuela de ces 2 dernières années 2017 et 2016). Et on constate ce que je relevais dans mon précédent message : seule une minorité profite vraiment de la situation pour se lâcher et laisser libre court à ses mauvais penchants.
Chimère a écrit:
Des civilisations ont régné bien avant nous sur cette Terre, dont pour certaines nous n'avons plus comme trace que quelques pans de murs et des vestiges de poteries, et sans nul doute qu'elles prenaient leurs Lois, leurs cultures, leurs croyances... pour des acquis...
[...]
à l'échelle d'une civilisation, comme à l'échelle d'un pays, un basculement est toujours possible, les exemples sont nombreux tout au long de l'histoire d'un passage d'une monarchie ou d'une dictature à une démocratie... tout comme l'inverse.
Je n'ai pas dû être très clair, je reformule mes propos.
Oui, bien sûr, rien n'est éternel ni acquis : notre démocratie pourrait laisser la place à une dictature, les droits des femmes ou des minorités si durement acquis pourraient disparaître sous un retour des valeurs conservatrices, etc. Peut-être bien que oui, peut-être bien que non.
Ce qui est certain en revanche, c'est que même dans un scénario de décroissance, la France du XXIIème siècle ne sera pas une copie de la France du XIXème siècle. Les siècles passées laissent toujours une empreinte, que ce soit dans la culture, dans les moeurs, dans les acquis technologiques... Et c'est pour cette raison qu'un véritable « effondrement avec retour en arrière » me semble si peu plausible.
Je ne suis même pas sûr qu'il y en ait jamais eu dans l'histoire humaine.
On dit par exemple souvent que la civilisation maya a disparu au Xème siècle sans laisser de trace avec l'abandon des grandes cités classiques comme Tikal ou Copan, mais c'est faux : d'autres villes, moins flamboyantes et plus modestes, sont apparues et se sont développées jusqu'à l'arrivée des conquistadors.
Idem pour l'Empire romain : on parle de « chute », mais en fait il a plutôt été question d'une pente douce vers la sortie, tandis que les royaumes germaniques prenaient de plus en plus de pouvoir politique et militaire. Lesdits royaumes étaient d'ailleurs très fortement imprégnés de culture latine, à un tel point que certains historiens considèrent qu'il n'y a pas eu de rupture de continuité.
Chimère a écrit:
Je pense, pour ma part, que le cœur du sujet est plus profond que ça : c'est l'homme qu'il faut changer.
Oh, certains essayent : ils expérimentant de nouvelles méthodes d'enseignement (Montessori et compagnie, même s'il y en aurait certainement beaucoup à dire). Ou ils font de la permaculture pour reconnecter l'humain à la nature (là encore, il y aurait 10 000 choses à objecter). D'autres andouilles que je ne nommerais pas essayent de faire de l'éducation à l'esprit critique et à la méthode scientifique
(de nouvelles dates à venir prochainement, mais chuuuut !).
Mais « changer l'humain » relève de l'utopie pure. Surtout que tu sembles considérer le problème essentiellement sous son angle spirituel/psychologique, mais derrière cette simple notion, il y a toute une flopée de questions à prendre en compte : réduire les inégalités sociales et géographiques, faire disparaître les idéologies basées sur les discriminations, donner des perspectives d'épanouissement à chacun... Puisque bien entendu, il est vain d'inculquer des valeurs de tolérance et de bonté dans la tête des enfants, si à côté de cela la seule perspective qu'on leur offre est de finir chômeurs dans une banlieue sordide.
Bref, changer l'humain, c'est un très vaste chantier. C'est bien d'essayer, au moins pour le principe, mais il ne faut probablement pas en attendre grand chose (a fortiori à court ou moyen terme). Parce que s'il y a bien quelque chose qui a peu changé en 5000 ans, c'est la nature humaine profonde — les épopées sumériennes sont là pour en attester...
En revanche, sauf à aller chercher ailleurs dans le système solaire l'énergie et les ressources nécessaires à maintenir notre train de vie actuel, la décroissance va devenir assez rapidement une réalité. Il ne s'agit pas d'une utopie, mais de se préparer du mieux possible au futur qui nous pend au nez... et pour cela, il faut du pragmatisme (même si j'ai bien compris que ce mot te déplaît profondément).
Chimère a écrit:
... parce que tu es dans une démarche militante, déjà, alors que je me contente de dire ce que je pense, en toute sincérité, sans chercher ni à convaincre, ni à rassurer, ou à encourager, ni à amener quoique se soit comme réaction chez mes interlocuteurs (d'ailleurs, je m'en fiche de la dite réaction).
Ben, pas vraiment (pour la démarche militante).
J'ai une règle simple : je ne parle pas de décroissance ou d'effondrement avec autrui, à moins que le sujet ne soit mis sur le tapis (il serait alors dommage de me priver) ou que je ne sois amené à exposer mes projets personnels (dans ce cas, il est difficile de ne pas glisser quelques mots à ce sujet). En l'occurrence, dans le cas du présent topic, il s'agit du 1er.
Je n'aime pas parler de décroissance. J'ai systématiquement l'impression que c'est pénible pour tout le monde : pour mon interlocuteur dont la perception du monde se voit remis en question et qui a l'impression de se retrouver face à Philippulus le prophète ; et pour moi, parce que je sens que le message ne passe pas et qu'on m'oppose le plus souvent des arguments subjectifs ou hors de propos.
Conséquence : à moins de me retrouver dans un des deux cas de figure ci-dessus, je préfère m'abstenir.
Metronomia a écrit:
Je trouve que l'article que j'ai posté parle très bien des limites dudit modèle et que ça permet de relativiser au moins un peu le discours tenu.
J'avoue ne pas trouver l'article si pertinent que cela : il se contente d'énoncer les limites propres par essence aux modèles, mais il réfute finalement très peu World3. C'est un travers qu'on retrouve d'ailleurs chez beaucoup de critiques anciennes à World3 (celles des années 70 ; les critiques actuelles, elles, sont de l'ordre du
« vous avez raison mais quand même, vous êtes bien trop catastrophiste »).
Oui, tout modèle est une simplification de la réalité ; non, un modèle n'est pas parfait et il possède les biais et limites de ses concepteurs ; non, même le meilleur des modèles ne peut prédire l'avenir avec une certitude absolue...
Maintenant, qu'avons nous avec World3 ?
-> un modèle qui a réussi à simuler avec une précision très honorable l'évolution des divers paramètres qu'il prenait en compte, sur une période de 40 ans (1970 - 2010, cf. le graphique ci-dessus).
-> un modèle dont le message général est tout à fait en accord avec ce que nous pouvons déjà constater aujourd'hui :
la biodiversité s'est effondrée tandis que le niveau de dégradation des milieux a atteint des records jamais égalés, les ressources (
notamment en métaux) se font de plus en plus rares...
Ce modèle montre donc que lorsque les limites physiques de notre planète seront atteintes, la situation va — si vous me permettez l'euphémisme du siècle –
assez mal se passer (puisque la croissance économique ne sera plus possible, ce qui aura un impact sur la production de biens industriels et de nourriture, et donc
in fine sur la population). Cela, un minimum de bon sens devrait permettre d'intuiter cette réalité, selon moi... Mais quels sont les contre-arguments qu'on entend alors ?
« Boarf, c'est un modèle, il n'est pas parfait. »
« Ça ne peut pas être vrai, c'est trop pessimiste ».Aucun contre-argument sérieux (que je serais tout à fait prêt à entendre) mais de la réaction d'autruche.
A titre personnel, je ne vois aucune bonne raison de douter rationnellement des conclusions de World3, même si effectivement la date de 2030 est principalement indicative et s'il est difficile de savoir quelle forme l'effondrement prendra : crise économique brutale suivie d'une crise sociopolitique, ou lente et progressive descente vers le monde de demain.