Chimère a écrit:
- on ne fait pas le bonheur des gens, ou d'une société, malgré eux
Oui. D'autant que la notion de "bonheur d'autrui" est très relative. Je trouve que se positionner comme tu le fais est beaucoup plus politique et "proactif" que ce que semble le penser Metronomia, et que c'est un positionnement respectable. Dans une société où la liberté individuelle est de plus en plus restreinte, c'est une affirmation forte sur un problème aigu.
Metronomia a écrit:
Par contre, tu te trompes lourdement en pensant que ton discours est neutre et n'aurait aucune conséquence pour les autres et que tu n'imposes rien à personne. Ta prise de position (pas que la tienne bien sûr, je veux dire par-là "la prise de position contre l'écriture inclusive en général") a des conséquences sur les autres
Je sais que tu ne penses pas à mal en écrivant cela, mais je ne peux m'empêcher de tiquer. Cette idée véhicule quand même une certaine forme de "pression sociale", par laquelle les récalcitrants seraient, quelque part, obligés de se conformer au changement seulement parce que ça en arrange d'autres. Des sophismes connus (dont je ne t'accuse pas, soyons clairs), comme l'appel à la pitié ou "celui qui n'est pas avec nous est contre nous", sont basés sur le même principe.
Plus généralement, cette discussion est très intéressante, moins pour l'écriture inclusive en elle-même, qui m'indiffère (je ne la pratique pas, mais elle ne me dérange pas chez les autres), que pour la qualité des arguments développés. Il est un peu tard pour prendre le train en marche, mais j'aimerais plus particulièrement revenir sur un des faits énoncés.
Citer:
- Par ailleurs, le document de l'INED souligne à juste titre que "tout changement nécessite un désordre préalable, et des travaux ont montré qu’après un temps d’habituation, ces marquages n’alourdissent pas la lecture". Cf. notamment l'étude de "Gygax et Gesto (2006) [qui] ont démontré que, passé un effet de surprise à la première occurrence d’une rédaction non-sexiste, des étudiant.e.s ne lisent pas plus lentement un texte féminisé et n’ont pas plus de difficulté à le comprendre. Dès la deuxième apparition de la forme épicène ils maintiennent une vitesse de lecture inchangée."
J'avoue n'avoir pas lu le document en question, mais précise-t-il comment le cerveau des sujets y parvient ? C'est particulièrement intéressant pour déterminer si la forme inclusive est ou non supérieure, sur ce plan, à la forme "neutre masculinisée" classique. Si, par exemple, les sujets zappent tout simplement le ".e." et lisent les mots comme s'ils étaient écrits dans leur forme "neutre masculinisée", on serait en droit de se demander si la forme inclusive apporte réellement un avantage. Je ne sais pas si c'est clair, alors je m'explique :
- première occurrence : le cerveau accroche sur la nouvelle forme (effet de surprise), puis en comprend le sens ;
- occurrences suivantes : ayant compris, le cerveau occulte les ajouts de la forme inclusive (devenus des stimuli inutiles), processus peut-être facilité par la préexistence de la forme "classique", déjà connue, et qui véhicule la même idée.
Si ce scénario était le bon (ce que je ne prétends en aucune façon, je me pose juste la question), on pourrait se dire que la forme neutre, en dépit de son masculinisme, n'est peut-être pas si exclusive que ça. Et donc, se demander si la forme inclusive apporte réellement les avantages sociétaux qui lui sont prêtés.
N'y voyez point une soudaine conversion au bronnerisme, braves gens.
Je reste simplement convaincu qu'en dehors de l'interdisciplinarité, il n'y a point de salut.