On entend souvent ici et là que quand on est touché ou que l'on combat les maltraitances animales des remarques du genre "oui mais c'est pas si grave, y'a pas mort d'homme" ou que l'on ferait mieux de s'intéresser aux violences faites aux enfants... sauf que l'on se rend de plus en plus compte que bien souvent, au sein d'un foyer, les violences faites aux enfants, les violences conjugales et les violences commises à l'encontre des animaux sont étroitement corrélées...
Comme le rappelle justement une vétérinaire dans le second article : dans un foyer où le chien est maltraité, il y a probablement aussi un enfant en danger...
C'est intéressant, parce que finalement, on se rend compte qu'il n'y a pas "des violences"... mais bien une seule violence, qui va s'exercer prioritairement sur les plus "faibles", quels qu'ils soient.
Citer:
"J'ai tué le chien, je vais te tuer" : les sévices sur les animaux, signaux d'alerte des violences conjugales
Écrit par Nathalie Deumier
Publié le 02/05/2024 à 12h33
À Marseille, une petite chienne chihuahua a succombé fin avril aux coups d'un homme, sur fond de vengeance après une séparation. Selon deux spécialistes, les sévices sur un animal sont révélateurs d'une volonté de destruction et annonciateurs d'autres formes de violences.
Le 25 avril, dans le 9e arrondissement de Marseille, un homme a tué la chienne de son ex-compagne. Il lui a envoyé une vidéo des violences et de la chienne morte. L'homme lui a dit "j'ai tué le chien, je vais te tuer." Un cas qui n'est ni nouveau ni isolé. En Seine-et-Marne, un homme a été condamné en novembre 2022 à 12 mois de prison pour avoir tué la chienne de sa compagne, alors que leur couple battait de l'aile. En 2014, un Américain a tué le Loulou de Poméranie de sa partenaire avant de lui servir à manger. La femme avait signalé avoir subi de nombreuses violences de la part de son homme. Des cas emblématiques et qui doivent alerter selon deux spécialistes.
Une "logique de terreur"
Spécialisée dans les violences faites aux femmes, Maître Isabelle Steyer prend ces violences animales très au sérieux. "C'est une logique de grande terreur", poursuit l'avocate,"je te fais vivre la terreur, tu culpabilises, tu n'es pas efficace, tu te sens complice". "Un homme qui s'attaque à un animal s'attaque à quelqu'un qui ne peut pas le nommer, le désigner, alors qu'un enfant en est capable, poursuit-elle. C'est la fragilité dans la fragilité."
Pour l'avocate, il s'agit dans ces dossiers de maltraiter un être cher à une femme. Encore plus maltraité que la femme.
Il faut détruire, l'homme n'en est pas encore au stade de la détruire, elle.
Isabelle Steyer, avocate spécialiste des violences conjugales
à France 3 Provence-Alpes
Isabelle Steyer explique que dans tous les dossiers de maltraitance d'enfant, si un animal est dans le foyer, il est maltraité systématiquement.
Trois critères indiquent selon elle qu'un homme est sur le point de tuer sa compagne ou ex-compagne. "L'homme dit "je veux te tuer", il utilise le feu [en déclenchant un incendie par exemple] et il maltraite un animal". Quand ces trois critères sont réunis, la folie va jusqu'au meurtre, c'est ce qu'Isabelle Steyer a constaté dans ces dossiers et sa carrière en général.
Une violence qui en engendre d'autres
Dans l'affaire marseillaise, la propriétaire du chien tué n'a pas porté plainte. Son ancien compagnon n'avait pas le droit de s'approcher d'elle, par ordonnance d'éloignement. Le 25 avril, il a tué la chienne de cette jeune femme à coups de savates. L'association SPAME (Société Protectrice des Animaux Maltraités et Errants) a déposé une plainte et se porte partie civile. Elle sera représentée par Isabelle Terrin, avocate spécialisée dans la défense des animaux.
Selon elle une personne capable d'une telle violence sur un animal peut aussi bien s'en prendre à une femme, un enfant ou une personne âgée.
Il existe une seule violence, c'est un côté sadique.
Isabelle Terrin, avocate de la SPAME
à France 3 Provence-Alpes
"Dans un État américain, un fichier recense les personnes ayant commis des sévices ou actes de cruauté sur les animaux. Lorsque les enquêteurs cherchent un tueur en série, ils regardent ce fichier. Celui qui crève un œil à un animal n'est forcément pas tranquille", selon l'avocate.
L'espoir d'une justice plus sévère
"Avant, on ne me prenait pas au sérieux" raconte Maitre Terrin "Aujourd'hui, je sens que les parquets sont très sensibles à ces actes. La loi a changé en 2021. Aujourd'hui, pour sévices et cruauté ayant entraîné la mort, la peine peut s'élever à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende".
"Un animal est un être sensible", un référent animal est désormais en place au sein des gendarmeries et commissariats. "On prend conscience de la gravité des faits, de l'importance de les juguler, d'arrêter la violence dès les prémices."
On devrait poser cette question dans les gendarmeries et les commissariats. On évoque les maltraitances économiques, psychologiques et sexuelles, on devrait ajouter les sévices sur les animaux, ça en dit long sur le foyer.
Isabelle Steyer, avocate
à France 3 Provence-Alpes
Isabelle Terrin plaidera le 6 juin dans le procès des violences infligées au chihuahua. Dans toutes ses affaires de défense des animaux, elle a un souhait : "Tu touches à un animal, tu vas en prison."
https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/j-ai-tue-le-chien-je-vais-te-tuer-les-sevices-sur-les-animaux-signaux-d-alertes-des-violences-conjugales-2963624.html (un trigger warning sur la photo, même si elle est floutée, on devine bien quand-même le corps du chien et le sang)
Et là :
https://www.bfmtv.com/police-justice/les-veterinaires-peuvent-ils-aider-a-detecter-les-violences-intrafamiliales_AN-202308270021.htmlCiter:
LES VÉTÉRINAIRES PEUVENT-ILS AIDER À DÉTECTER LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES?
Manon Aublanc
Le 27/08/2023 à 6:00
L’activité des cliniques vétérinaires est en constante augmentation. 8 % en 2020, 12% en 2021, générant un besoin croissant de professionnels qualifiés.
L’activité des cliniques vétérinaires est en constante augmentation. 8 % en 2020, 12% en 2021, générant un besoin croissant de professionnels qualifiés. - APFORM / Adobe Stock
Des professionnels du monde animal s'interrogent sur les liens entre la cruauté envers les animaux et les violences conjugales et les cas de maltraitance. Ils appellent à former les vétérinaires à détecter ce genre de situations.
Des histoires qui glacent le sang, la vétérinaire Anne-Claire Gagnon en a des dizaines. Comme celle de ce chien, recouvert d'ecchymoses, qu'elle soupçonne d'être maltraité par son maître. "Papa, il frappe soit le chien, soit maman", lâche le petit garçon du couple en plein milieu de la consultation.
Ou celle de ce chien, qui mord régulièrement son propriétaire, père de famille. "C'est toujours quand il pose la main sur la porte de la chambre de la petite”, raconte sa femme lors du rendez-vous.
Si aucune étude officielle n'existe en France sur la corrélation entre maltraitance animale et violences intrafamiliales, policiers, gendarmes, juges et professionnels du monde animal assurent l'observer sur le terrain.
D'autres pays se penchent déjà depuis plusieurs années sur le sujet. "Ça fait 25 ans que le Canada, l'Angleterre, les Etats-Unis, ou les Pays-Bas sont très sensibilisés sur cette question du lien entre les maltraitances et du fait qu'il y ait une seule violence", explique à BFMTV.com la vétérinaire Anne-Claire Gagnon.
Des violences concomitantes
Présidente de l'Association contre la maltraitance animale et humaine (AMAH), elle entend former ses confrères et consœurs à détecter les violences intrafamiliales. Dans certains cas, la violence contre les animaux peut même être considérée comme "un des symptômes de la violence conjugale ou de la maltraitance des enfants", plaide-t-elle.
"Quand un animal est maltraité, un enfant est en danger", met-elle en garde.
Anne-Claire Gagnon appelle ainsi l'ensemble des acteurs concernés, en cas de suspicion de maltraitance animale, à dépister des violences intrafamiliales: "Le repérage de la violence contre les animaux doit aller de pair avec le repérage de la violence intrafamiliale, la violence conjugale ou la maltraitance, notamment contre les enfants."
"Si on dénonce de la maltraitance animale, ça doit systématiquement donner lieu à un état des lieux sur toutes les formes de violences qui pourrait être commises dans un foyer", appuie le juge Clément Bergère-Mestrinaro, président du tribunal judiciaire de Sens.
"Un voisin qui voit quelqu’un taper un chien, il n’appelle pas forcément la police. Pourtant, ça peut être un signe révélateur de ce qui se passe à l’intérieur d’un foyer, de violences moins visibles", prévient Clément Bergère-Mestrinaro.
L'importance de la prévention
Dans certains foyers, la violence est parfois considérée comme "un moyen éducatif", autant pour les animaux que les enfants, analyse Anne-Claire Gagnon. "Quand on punit le chien, on lui met une claque, et quand on punit l'enfant, on lui met aussi une claque."
Les enfants, eux, "reproduisent ce qu'ils voient ou ce qu'ils subissent": "Quand un enfant frappe l'animal du foyer, ça peut être révélateur de violences ou d'abus sexuel à la maison", ajoute-t-elle.
Et c'est finalement pas si loin... le dernier livre d'Ovidie traite de l'identité de traitement entre les femmes et les chiens dans la société patriarcales, et des liens entre les femmes et les chiens (je n'ai trouvé que l'article sur Madmoizelle).
Je suis notamment d'accord avec elle sur le manque du reconnaissance du deuil d'un animal de compagnie, même si les lignes bougent. Un peu.
https://www.madmoizelle.com/les-chiens-sont-ils-les-meilleurs-amis-des-femmes-ovidie-livre-une-captivante-relecture-feministe-de-notre-rapport-aux-chiens-1752723Citer:
Et si les chiens étaient les meilleurs amis des femmes ?
Marion Olité
Publié le 11 mai 2024 à 16h05
Dans son dernier essai, « Assise, debout, couchée », paru le 24 avril aux éditions J.C. Lattès, Ovidie explore les liens qui existent entre les femmes et les chiens. Elle convoque pour cela sa propre histoire et effectue des parallèles passionnants entre luttes féministes et cause animale.
Je ne suis pas une grande amoureuse de chiens. J’en ai même eu peur une bonne partie de ma vie. Ma perception des canidés a évolué quand je me suis retrouvée, par accident, à faire du dog sitting un week-end. Pour la première fois de ma vie, je me suis baladée dans l’espace public avec une chienne, Ribella. J’ai ressenti une joie insoupçonnée. Comme 81% des femmes en France, j’ai été victime de harcèlement sexuel dans la rue. En conséquence, je traverse l’espace public avec une hyper-vigilance de chaque instant. Mais avec Ribella à mes côtés, aucun homme n’osait s’approcher ou me regarder de façon déplacée. Je me suis sentie libre de vagabonder dans les rues de Paris.
“Cette présence dissuasive agit dans plein de situations différentes, peu importe la catégorie sociale. Les chiens sont des défenseurs de la rue pour celles qu’on appelle ‘les punkettes à chiens’, celles qui sont sans-abri…C’est valable en environnement urbain, comme tu l’as vécu, mais aussi en milieu rural, quand on va se balader en forêt. […] Partir avec un chien, ça libère une partie de notre cerveau.” m’explique Ovidie.
Les chiens sont aussi victimes du patriarcat
Le chien (ou la chienne, terme aussi utilisé comme une insulte sexiste, tiens tiens !) est un rempart contre les violences masculines, mais il peut aussi en être victime. Dans son essai, Ovidie revient sur la montée des violences intrafamiliales durant la pandémie de Covid. Elle a coïncidé avec une explosion des violences à l’égard des chiens. « On s’est rendu compte qu’une femme qui subissait des violences intrafamiliales, avait cinq fois plus de risques que n’importe quelle autre femme de voir son chien battu par son compagnon », pointe-t-elle.
Dans son essai revigorant et accessible, l’autrice analyse la façon dont les femmes et les chiens ont été et sont encore exploités par le patriarcat, à des fins capitalistes. Elle fait le lien entre les expériences en laboratoire dont sont victimes les chiens (2 millions torturés chaque année) avec celles pratiquées sur les femmes au 19e et 20e siècle.
Comme les femmes, les chien·nes sont aussi réduit·es à l’état d’objet décoratif. On les habille, on les pomponne et on leur fait subir des actes de chirurgie esthétique, autrement dit des mutilations (les oreilles ou la queue coupée) pour rentrer dans les normes de beauté en vigueur. Sans parler des manipulations génétiques pour rendre les chiens « plus beaux », au mépris de leur santé.
Ovidie est perplexe face à ce traitement schizophrène : “Il y a une grosse dissonance cognitive entre les vidéos que tu postes sur Insta avec des petits chiens mignons et tout le monde qui reposte derrière, et les milliers de chiens qui sont produits chaque année en France dans des fermes à chiens, destinés à l’expérimentation animale et qui ne verront jamais un brin de gazon.“
Canicides, féminicides, même combat ?
Un chapitre glaçant de son essai est consacré aux canicides – des meurtres de masse de chiens considérés comme « errants » – perpétrés dans des grandes villes comme Paris, New-York ou Istanbul, à des moments où il s’agissait de chasser les populations indésirables des rues avant un événement mondial, pour coller à une image de carte postale.
En 1878, la SPA propose une nouvelle invention lors de l’exposition universelle pour éradiquer les chiens errants dans les villes : les chambres à gaz. Elles sont utilisées à Paris en 1880, par le préfet Louis Andrieux. Vous connaissez la suite terrifiante de l’histoire des chambres à gaz. En 1910, à Istanbul, la ville décide de déporter 35000 chiens sur une île, où la plupart meurent de déshydratation. Cet épisode a probablement inspiré Wes Anderson pour son film, « L’île aux chiens », sorti en 2018 et qui traite précisément de ce sujet.
Devinez qui va s’opposer à ces maltraitances animales ? « Dès la fin du XIXe, celles qui prennent conscience, celles qui s’opposent à ces massacres de masse, ce sont les féministes. Pourquoi ? Parce qu’elles savent qu’elles sont les suivantes sur la liste. Si elles sont opposées à la vivisection sur les chiens, c’est parce qu’elles sont victimes de vivisection , nous éclaire Ovidie. Les premiers mouvements pour la cause animale sont portés par des figures comme Louise Michel.
Cette surreprésentation des femmes dans la cause animale (elles représentent entre 68% et 80% des militant·es !), le végétarisme ou l’écologie ne fait que prouver le lien entre exploitation des animaux et des femmes, pour le plus grand plaisir du système capitaliste. Ces luttes sont diabolisées ou ridiculisées, avec des relents de sexisme.
couv-ovidie
« Dans les mouvements militants de gauche au sens large, celles qui défendaient la cause animale passaient pour des sottes. C’était considéré comme un peu trop de sensiblerie, une lutte pas sérieuse. » Et si l’on remonte en 1893 et aux débuts de la psychiatrie, dont on connaît les biais misogynes, le Guide pratique des maladies mentales signalait que « l’affection exagérée pour un animal relève de la maladie mentale », nous apprend Ovidie.
Chiens, empathie et masculinité
Pour l’autrice, dont la vie a été jalonnée par son rapport aux chiens, la douleur de la perte d’un chien reste un sujet particulièrement inaudible. Une partie de son livre est consacrée à la perte du grand amour canin de sa vie, Raziel.
“Ça pose énormément de questions. Comment on décide, à quel moment, est-ce qu’on a vraiment fait le bon choix ? Pourquoi on a un pouvoir de vie et de mort sur l’animal ? Je pense que ce livre, je l’ai écrit avant tout pour ce passage. J’avais besoin d’écrire pour faire mon deuil.” me confie-t-elle.
Elle déplore le manque d’accompagnement psychologique spécifique lors de la mort d’un animal.Pendant longtemps, la seule personne qui s’est exprimée publiquement sur ce sujet a été Jean-Pierre Hutin, le créateur de l’émission “30 millions d’amis”, dans son livre Mabrouk, vie de chien.
« Je l’avais trouvé très courageux d’aborder ces questions-là, parce que c’est compliqué pour un homme, encore plus dans les années 80, de dire publiquement ‘je suis dépression parce que mon chien est mort’. » Ovidie note que deux autres auteurs, Eric Sapin Dufour et François Schuiten, se sont emparés du sujet du deuil canin en 2023. « Je vois un lien avec le fait qu’on soit dans une phase de déconstruction de la masculinité », souligne l’autrice. Le chien peut-il être un outil pour développer l’empathie masculine et nous sauver du patriarcat ? C’est peut-être beaucoup lui demander !
Avec Assise, debout, couchée, Ovidie parvient à trouver un bel équilibre entre analyse et vécu personnel. On en apprend beaucoup sur la façon dont l’histoire des femmes et des chiens est inextricablement liée, sans pour autant tomber dans un travail trop théorique. Avec sa plume drôle et sincère, l’autrice apporte un supplément d’âme à son texte. Preuve de sa réussite, cet essai chaleureux nous donne une furieuse envie d’avoir un·e chien·ne pour découvrir, à son tour, la puissance de ce lien. « Tant mieux, c’était mon objectif caché ! » plaisante Ovidie.