Un correspondant m'a fait parvenir en avant-première un article du prochain bulletin de l'Association des Archéologues Amateurs de la Région Gard-Hérault, consacré à une intéressante trouvaille archéologique : le Codex Obscurus Normandicus, un ensemble de tablettes retrouvées en Normandie et parlant d'un dieu antique mal connu jusqu'alors, a enfin été traduit :
Citer:
« Hnëcralg'øl, fléau pancosmique, dévoreur multiversel de tout être et toute chose, champion local du concours de la plus belle pelouse 1993 » (Paul Binocle, in L'Encyclopédie du Paranormal).
Longtemps considérée comme une divinité mineure dans le panthéon des populations néolithiques de Normandie, la figure de Hnëcralg'øl est récemment revenue en force dans le champs des études paléontologiques suite à la découverte et, surtout, la traduction du Codex Obscurus Normandicus, des tablettes de polonium retrouvées sur le site de Montlégion-les-Deux-Chèvres (dans la région d'Etretat). En fait, le statut mineur de ce dieu n'était dû qu'à la faible récurrence de son nom dans les rares documents écrits de la culture celtique, ainsi qu'à son absence de représentation tant dans la statuaire que dans les dessins. Certains pensent que les Normands de la préhistoire ont pu le représenter dans leur art pariétal, mais cette hypothèse est très discutée.
Les tablettes de polonium de Montlégion-les-Deux-Chèvres ne sont pas les seuls documents permettant la réévaluation de la place de Hnëcralg'øl : papyrus, gravures, codex... ont été découverts au cours de la décennie précédente. Les recueils de légendes armoricaines du Cotentin, dus à des compilateurs tardifs et jugés, à ce titre, apocryphes, se révèlent ainsi bien plus proches de leurs sources que les chercheurs ne le pensaient jusqu'alors. L'approfondissement de nos connaissances de ces mythes nous amène à voir ce dieu oublié comme comme ni plus, ni moins que l'incarnation pure du principe maléfique dans la religion des Pictaviens antiques.
Le professeur Saïd Picador, de l'université de Provence Aix-Marseille VII, nous a fait parvenir des extraits de deux de ces tablettes. Les styles très différents des deux textes laisse penser qu'ils ont été rédigés par deux auteurs différents, à des époques éloignées : l'un évoque la naissance de Hnëcralg'øl dans un style poétique et a pu être un chant sacré, l'autre décrit cette hideuse créature et semble de nature didactique.
Actuellement, l'équipe du professeur Picador travaille sur la traduction d'une troisième tablette, mais la tâche est ardue : des fragments manquent sur cette tablette, le texte est écrit dans un style très décousu, et certains signes sont illisibles, soit du fait d'un manque de soin dans la gravure, soit parce qu'ils sont encore inconnus. Toujours est-il qu'il y est question de l'engloutissement du monde dans la « toile profonde » de ce dieu terrible...
La Première année du monde, Chant V :
L'apparition de Hnëcralg'øl au premier mois de la première année du monde.
"Le roi cramoisi, il est né du magma pourpre foncé. Du magma pourpre foncé, il est né, le roi cramoisi. Il a surgi de l'univers zéro, il est né de la Pestilence, le roi cramoisi.
Il a a combattu les Jeunes Dieux et il a été vaincu. Il a été vaincu par les Jeunes Dieux et il est devenu la Carcasse dans la Sépulture, il est l'Enterré. Il a été habillé de chair de dieu par les Mères de l'Acide, résurrection macabre, et il est devenu le Grand Ennemi, il est devenu le Grand Ennemi du Créateur, le Terroriseur.
Il s'est uni à la Vierge de Fer et a engendré l'Ange de la Maladie, il a engendré l'Ange de la Maladie en s'unissant à la Vierge de Fer. […] Il a enfanté les Huîtres Bleues, il a volé le Phallus des Dieux […]
Il est la Peur, le Vide, le Désespoir, la Limite de la Santé mentale […]"
[La suite du texte est encore en traduction, mais l'équipe du professeur Picador soupçonne les paragraphes suivants d'être une description très appuyée de l'union de Hnëcralg'øl avec la Vierge de Fer, qui serait tout sauf métaphorique, et ils préfèrent passer les détails sur les Huîtres Bleues et le Phallus des Dieux...]
De la nature des dieux, livre II, chapître 14 :
De la nature du démon Hnëcralg'øl
« […] Or, tu apprendras, Clepsydron, fils de Téléphile le Clitoridien, que Hnëcralg'øl est d'une nature éternelle, mais imparfaite et contraire aux lois du Beau et du Vrai. Sa forme, il l'a héritée de son origine : les poètes rapportent qu'il a été forgé à partir du feu de l'univers dans son enfance, quand le Tout était encore mélangé au Tout sans que les choses ne soient séparées les unes des autres et se trouvaient donc mêlées.
Ce démon n'a donc pas été créé par les Dieux, qui sont justes, bons et parfaits jusque dans le Grand Bien. Il est né seul et s'est procréé de lui-même sans ancêtre. Sa forme est primitive car nul ne l'a sculpté avec la connaissance du Beau et du Vrai. Il est donc affublé d'organes surnuméraires, son visage est vil et hideux, son caractère est détestable et ses mœurs alimentaires sont haïssables.
Apprends donc, Clepsydron, fils de Téléphile le Clitoridien, à quoi ressemble Hnëcralg'øl : Hnëcralg'øl est d'un corps matériel, bien qu'il soit né du feu primordial. Il s'est incarné en un corps animal, mais nullement pareil à aucun animal.
Je te disais que son caractère est détestable, parce que Hnëcralg'øl est toujours de mauvaise humeur le matin, car il se lève toujours du pied gauche. Mais c'est normal, puisqu'il n'a que des pieds gauches.
Hnëcralg'øl a un œil qui dit <crotte> à l'autre, car ses yeux sont pourvus de bouches, appendice qui lui permet de parler avec ses yeux. Ses yeux ne disent qu'insultes, mensonges et paroles viles, et ils postillonnent, ce qui fait croire que ce démon pleure sans cesse. Or, ses pleurs ne sont que crachats, postillons, salive et autres humeurs malignes et impures […]
Ce dieu ignoble pousse l'ignominie à avoir des cheveux roux, sujet d'abomination pour les habitants d'Egypte. Or, je t'ai déjà enseigné, Clepsydron, fils de Téléphile le Clitoridien, qu'il faut tenir les roux en abomination, surtout ce fils de pute de Méridion l'Ithyphallique, avec qui ma femme et mon page sont partis en Thessalie en siphonnant ma cave remplie d'un excellent vin du Péloponnèse et de quelques amphores de Corcyre cuvée -437 ! »
Clepsydron interrompit alors son camarade savant :
« Sigismalion, permets que je t'interrompe, car la douleur de cette trahison t'accable et te fait perdre tout bon sens dans ton jugement : si ton enseignement m'a bien appris à me méfier des roux et, surtout, des rousses car l'amour pour les femmes éloigne de la sagesse, comme tu me le répètes chaque soir passé dans notre couche commune, il m'est impossible, ô Sigismalion, il m'est impossible d'imaginer que Hnëcralg'øl put être roux. Tout ma raison s'y refuse !
- Ô Clepsydron, quelle est donc l'idée qui te fait refuser cette proposition d'un Hnëcralg'øl roux ? Apprends-moi donc cette idée !
- Ô Sigismalion, ton enseignement m'a fait découvrir la logique, philosophie qui façonne toute entière la raison : je me dois donc de raisonner de façon logique. Voici mon raisonnement : si Hnëcralg'øl est roux, il doit être semblable à Méridion l'ithyphallique. Or, Méridion a un pied gauche et un pied droit. Donc, les autres roux, par principe de similarité comme tu me l'appris, ne peuvent donc qu'avoir des pieds pareils aux siens. Cependant, tu m'apprends que ce dieu n'a que des pieds gauches. Comment ce dieu uniquement pourvu de pieds gauches pourrait-il être roux, puisqu'il est donc dissemblable de Méridion et des autres roux ? »
[Ce dialogue philosophique n'a pas encore complètement traduit, mais l'équipe du professeur Picador soupçonne les paragraphes suivants d'être un vaste foutage de gueule de la part de l'auteur, apparemment très critique contre certaines écoles philosophiques pré-socratiques, et même les post-socratiques...]
Pour ma part, j'ai hâte de lire le reste de cette traduction et de voir la suite de cette fabuleuse aventure archéologique !