Pour le Graal, j'ai une preuve.
Citer:
Les moines bénédictins sont inquiets, ce mercredi 23 octobre 1940. (...) Comme tous les jours depuis près d'un millénaire, des fidèles sont venus implorer la Vierge noire de Montserrat, abritée par une barrière montagneuse à 50 kilomètres de Barcelone.
Au début de cet après-midi, un cortège de voitures officielles s'immobilise sur l'esplanade de l'abbaye. Une vingtaine d'officiers nazis en uniforme noir, escortés par des responsables franquistes, en descendent. A leur tête, Heinrich Himmler le chef des SS. Pour accueillir cette inquiétante délégation, c'est un moine âgé de 30 ans, Andreu Ripol, qui est dépêché. Officiellement, il est le seul à parler allemand dans l'abbaye. "En réalité, l'abbé, Antoni Maria Marcet, répugnait à recevoir lui-même l'homme qui persécutait les congrégations bénédictines en Allemagne", explique Hilari Raguer, 78 ans, un moine de Montserrat, également historien, qui fut l'ami de Ripol pendant 40 ans, jusqu'à son décès, en 2002.
(...) Dans la basilique, flanquée de son escouade, Ripol avait été impressionné par "ces officiers, tous grands, blonds, avec les yeux bleus". Le Reichführer SS passe sans s'arrêter devant la statue de la Vierge noire. "Un chevalier ôte son couvre-chef devant une dame ...", glisse le moine. "Son excellence n'est pas interessée par les histoires religieuses !" rétorque Karl Wolff, chef d'état-major, futur général de la Waffen SS, qui négociera, en 1945, la reddition des troupes allemandes en Italie.
Plus loin dans le monastère, Himmlerdésigne une tombe ibère :"C'est un tombeau nordique". Puis il se lance dans une stupéfiante interprétation de la Bible, expliquant qu'Esaü était juif, alors que son frère Jacob, ancêtre de Jésus, était aryen ...
"Vous savez qu'ils étaient jumeaux ?" réplique alors Andreu Ripol.
Enfin parvenu devant la bibliothèque de l'abbaye, le dignitaire nazi interroge :
"Avez-vous des archives sur le Graal ?"
Décontenancé, le moine lui fait alors remarquer que, si de tels documents avaient existé, ils auraient été emportés par les armées napoléoniennes, qui avaient pillé l'édifice en 1811. Le périple se termine par un aller-retour en funiculaire jusqu'au sommet de Sant Joan.
Pour Heinrich Himmler, qui a alors 40 ans, cette visite à l'abbaye n'a rien d'un caprice. Chef de la SS depuis 1929, cet ancien éleveur de poulets a bâti son "Ordre noir" sur un modèle mêlant mythologie germanique, symbolique médiévale, rituels néopaïens et occultistes.
(...) Dans la garde rapprochée d'Himmler figurent d'étranges personnages, comme Karl Maria Wiligut, alias "Weisthor", colonel lors de la première guerre mondiale, auteur de pamphlet antijuifs, antichrétiens et antimaçonniques sera interné poru cause de schizophrénie et mégalomanie, puis déclaré irresponsable devant un tribunal en 1924. Ce qui ne l'empêchera pas de devenir le responsable de la "Section des recherches historiques" au sein du RSHA, le Bureau central de la sécurité du Reich, coeur de la machine SS. Surnommé le "Raspoutine de Himmler", Weisthor aurait notamment dessiné la bague décoré de têtes de mort, de svatiskas et de symboles runiques qui était décernée aux officiers méritants.
Dans cet aéropage , un autre personnage hors du commun joue un rôle central : Otto Rahn, l'homme qui a mis Himmler sur la piste du Graal. Piqué de la littérature médiévale, cet aventurier cherche à démontrer la vérité historique du poème épique Parzifal (1882), dont les premiers vers rappellent :
"Dans le ciel se trouve un château et son nom est Monstalvat."
"Otto Rahn était persuadé que Montsalvat était en réalité Montségur, la dernière forteresse cathare, où ces derniers auraient caché le Graal", explique Montserrat Rico Gongora. Dans les années 1930, il mène des recherches en Ariège, en particulier autour de Montségur, où, le 16 mars 1244, 225 cathares, hommes et femmes refusant d'abjuer leur foi, furent brûlés par les représentants de l'Inquisition.
Dans le premier de ses deux livres, Croisade contre le Graal (1933), Otto Rahn adepte des théories nazies, n'hésite pas à présenter ces dissidents chrétiens comme des aryens païens, adorateurs du Graal. En 1936, remarqué par Himmler, il est incorporé à la SS. Ses livres sont distribués aux officiers et la revue de la SS, Das Schwarze Korps, publia plusieurs articles sur le saint calice conservé depuis le haut Moyen Age à la cathédrale de Valence, en Espagne, en se demandant si c'était le Saint Graal. Mais au cours des siècles, pour la soustraire au risque de vol, le précieux objet a été déplacée et cachée à maintes reprises dans différentes régions espagnoles, au point d'alimenter les rumeurs et les fantasmes de substitutions. Pour certains hiérarques SS, si Montsalvat n'est pas Montségur, il pourrait bien être Montserrat.
Pourquoi Heinrich Himmler tenait-il à ce point à mettre la main sur le Graal, symbole d'une fois qu'il avait reniée ?
"Il y voyait probablement une source de pouvoir et de force digne d'une chef", estime le père Hilari Raguer. "Pour lui, c'était un objet magique, un talisman qui pouvait donner la victoire à l'allemagne nazie et lui conférer des pouvoirs surnaturels", avance Montserrat Rico Gongora. Elle ajoute:"Je pense que son obsession de démontrer les origines aryennes de Jésus était une façon pour lui de justifier sa haine antisémite et la mise en oeuvre de l'extermination des juifs."
Seule certitude, ce 23 octobre 1940, Himmler est parti les mains vides de Montserrat.
THIOLAY, Boris. « Quand les nazis cherchaient le Graal ».
L'Express, 10/05/2007, n°2914, p. 30-32.
J'ai trouvé l'article sur
un autre topic du forum que j'ai déjà cité.