Ar Soner a écrit:
※ Je vais résumer ci-dessous les propos d'Abrassart, mais je pense qu'il serait mieux que les personnes qui veuillent participer à la discussion écoutent le podcast ; ça permettrait que tout le monde parte sur les mêmes bases et de ne pas avoir à répéter ou expliquer des choses qu'Abrassart aurait déjà dit. ※
Sans moi. Sa diction m'insupporte.
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Selon Jean-Michel Abrassart, il y a 3 façons différentes de pratiquer la zététique, qui ne sont pas mutuellement exclusives les unes des autres :
Les trois façons décrites ensuite ne sont pas fondamentalement fausses, mais effectivement, je pense que la plupart des zététiciens relèvent d'au moins deux approches simultanément, voire même des trois. Par exemple, l'activité de l'Observatoire zététique à l'époque où j'en étais un membre actif combinait étroitement 1 et 2. L'étude du paranormal servait de support pédagogique à la diffusion de l'esprit critique.
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Or selon Abrassart, on assiste depuis quelques années à une montée en puissance de la deuxième approche, aussi bien dans les associations zététiques, que dans la littérature sceptique ou sur Internet.
Rien de grave en soit, si ce n'est que :
-> cette approche tend à prendre une portée très politique : il faut éduquer les foules à l'esprit critique pour leur apprendre à mieux voter, à avoir du recul vis-à-vis des affirmations médias et des hommes politiques, pour in fine changer le système et conduire l'humanité vers une nouvelle ère de rationalité prospère (j'exagère un peu, mais vous avez compris l'idée).
À mon humble avis, Abrassart vise très juste ici.
En tant qu'outil d'enseignement et d'emploi de l'esprit critique, la zététique a déjà une portée politique considérable. Apprendre aux gens à penser par eux-mêmes n'a rien d'anodin.
Mais beaucoup, au sein de la nouvelle génération de "webzététiciens", vont plus loin. Ils ajoutent à leur action des prises de positions tranchées sur des sujets politiques ou sociétaux. "Lazarus Mirages" avait inauguré cette tendance il y a cinq ou six ans.
En gros, ces gens disent au public "voici les outils qui vous permettront de penser par vous-mêmes", mais enchaînent directement sur "et maintenant, voici ce que vous devez pensez, à l'aune de ce que nous venons de vous apprendre, sur le sujet X ou Y". Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer en quoi il y a ici une arnaque subtile, mais réelle.
Cette façon de faire a joué un rôle de premier plan dans ma décision de m'éloigner du milieu sceptique. Je ne tenais pas à être associé à ce genre de dérive.
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-> enfin et c'est le plus gênant, cette approche tend à exclure toutes les autres, qui ne sont plus considérées comme de la « vraie » zététique. J-M Abrassart en aurait fait les frais, dans la mesure il s'intéresse essentiellement à l'étude scientifique du paranormal. Il se serait vu reproché à plusieurs reprises son manque d'engagement dans l'éducation à l'esprit critique, et certains sceptiques lui dénieraient même le qualificatif de zététicien (Abrassart ne donne malheureusement pas de noms).
C'est une charge frontale contre le Cortecs, et le billet déjà mentionné plus haut. Et un peu plus indirectement, un règlement de compte portant sur de vieux arriérés, à une époque où Abrassart (qui déteste Henri Broch) ne comprenait pas pourquoi les sceptiques français ne limitaient pas leur activité à la simple traduction de ce qui se faisait aux États-Unis. J'ai ma petite idée sur les raisons de ces vieilles rancoeurs, mais je ne les développerai pas en public.
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Il n'est peut-être pas anodin de préciser que j'ai toujours évolué en dehors du milieu zététique (même si j'ai un intérêt certain pour la démarche sceptique et que je revendique le fait d'être un zététicien auprès de mes proches ou des gens que je croise). Je ne suis pas fan des associations ; je préfère faire les choses à mon rythme, via la rédaction d'articles sur un site Internet ou la modération d'un forum (enfin, ça c'était avant), plutôt que dans un groupe d'humains où il faut souvent jouer des coudes pour s'imposer et s'exprimer.
Je me suis rendu compte tardivement que c'était sans doute la meilleure position possible.
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Cette prédominance actuelle de l'aspect « éducation des foules », est-ce un mal, ou un bien ? Ni l'un ni l'autre, je crois. C'est bien (c'est même nécessaire, ma dernière intervention devant un public m'a convaincu qu'il y avait un gros travail à faire en la matière), mais tant que cela n'occulte pas tout le reste.
L'enseignement de l'esprit critique est, pour moi, le coeur de la zététique, puisque celle-ci repose sur la création d'outils pédagogiques. Est-ce une action politique ? Oui.
Mais elle se suffit à elle-même. Dire en même temps aux gens ce qu'ils doivent penser, faire passer un "programme" comme le revendique ouvertement le Cortecs (et surtout le véritable maître à penser de ce collectif, Richard Monvoisin), tout cela annule complètement l'utilité de la zététique. C'est, comme le disait feu mon voisin de bureau, une grosse enculetterie. En cela, je rejoins l'avis d'Abrassart (oui, vous lisez bien). En revanche, son intitulé est maladroit, car la zététique ne pourra jamais être apolitique - et pour cause, elle est déjà politique par essence.
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J'ai tendance à penser comme Abrassart que les différentes pratiques de la zététique ne s'excluent pas mutuellement, voire qu'elles se complètent bien les unes et les autres.
Partant de la définition même de la zététique comme étant l'art du doute, il est normal que celle-ci ait un un volet personnel (apprendre à bien raisonner et à débusquer les biais cognitifs dont on est soi-même victime -> cf. la 3ème approche) et un volet collectif (enseigner l'esprit critique aux autres -> cf. la 2ème approche).
Signalons ici que beaucoup des webzététiciens que je citais plus haut combinent l'approche 2 avec une version pervertie de l'approche 3. Pour eux, les outils de la zététique ne servent qu'à leur donner un semblant d'ascendant rhétorique sur les réseaux sociaux. Ils assènent des listes d'effets zététiques comme autant d'accusations, le plus souvent sans fondement ni démonstration, qu'ils opposent à leurs contradicteurs. Peu importe l'objectivité ou la vérité : seul compte le triomphe de LA CAUSE. Au même titre que les ufologues les plus détestables, ils sont là pour imposer LEUR vérité.
Ce qui me fait dire que la zététique est comme une caisse remplie de bons outils, dans laquelle se servent beaucoup de mauvais artisans.
Il est donc illusoire de prétendre qu'il existe une "vraie zététique". Tout le monde peut se dire zététicien. La seule chose qui compte réellement, c'est ce que vous en faites. La manière dont vous utilisez le contenu de cette caisse à outils. Personnellement, je ne ressens plus le besoin de m'appliquer cette étiquette, et je regarde avec une suspicion grandissante celles et ceux qui se mettent ostensiblement en avant en tant que tels : quel est l'avantage qu'ils en retirent ? Quelle instrumentalisation de la zététique leur action sous-tend-elle ?
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L'autre problème est que la critique des médias/politiques est rarement neutre en terme d'orientation politique (je veux dire, sur l'échiquier classique gauche/droite qu'on connaît en France). Ce qui ne veut pas dire que le travail effectué est mauvais, très loin de là : l'association
ACRIMED fait ainsi un super boulot de décryptage des médias, mais il est évident que l'association est franchement à gauche (euphémisme) — et ils ne s'en cachent absolument pas d'ailleurs.
Petite parenthèse car ce n'est pas vraiment le sujet : dans la mesure où la majorité des médias grand public appartiennent en France à des personnalités ou des intérêts de droite, ça n'est guère étonnant.
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Or je suis convaincu que l'étude scientifique du paranormal et des pseudo-sciences devrait rester hors du clivage gauche/droite : ça ne peut que lui causer du tort.
L'étude scientifique du paranormal, ou la zététique ? Parce que dans ce dernier cas, c'est impossible. Disons-le tout net : apprendre aux gens à penser par eux-mêmes n'est pas franchement un truc de droite.
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Donc, peut-être qu'au final je me retrouve plus dans l'approche de Jean-Michel Abrassart que dans celle de la Tronche en Biais...
L'exemple est un peu malheureux, je trouve. La TeB (j'adore cette abréviation) est plutôt modérée si on la compare à Lazarus ou à d'autres webzététiciens. Ses membres sont par exemple assez critiques vis-à-vis du féminisme de troisième génération (et surtout de sa dérive la plus visible, le
social justice warrior). Ils n'en ont pas moins leur faiblesse, en l'occurrence pour la promotion de l'athéisme - une constante des mouvements sceptiques qui m'a souvent laissé une sensation d'inconfort.