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Pas facile de dompter la lumière comme on domestiquerait un cours d’eau. Posez un rocher au milieu, et le liquide est dévié avant de reprendre sa direction initiale, un peu comme s’il l’avait traversé. En regardant cette eau en aval, pas moyen de savoir qu’il y avait un obstacle sur son passage. La lumière, elle, voyage – dans un milieu homogène – en ligne droite. Sur un objet, elle rebondit en partie ! Mais imaginez qu’on parvienne à la contraindre de tourner autour avant de reprendre sa route à l’identique derrière, l’objet serait alors parfaitement invisible !
Les meilleures équipes de la planète se sont lancées dans cette quête de l’invisibilité. Parmi elles, le groupe Dome, dirigé par Didier Lippens, à l’Institut d’électronique de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN) 1 de Lille. Avec deux de ses étudiants, Davy Gaillot et Charles Croënne, il a cosigné un article paru début 2008 dans Optics Express, sur la fabrication d’une « cape d’invisibilité », capable de rendre transparent tout ce qui se trouve à l’intérieur.
Car sur le papier et dans leurs simulations informatiques, rien n’est impossible. Il suffit de faire varier graduellement « l’indice de réfraction » dans la cape. De quoi s’agit-il ? Du paramètre qui conditionne la vitesse de la lumière dans un matériau : quand il change, par exemple quand de la lumière passe de l’air à l’eau, la direction de propagation est déviée. En jouant sur cet indice à l’intérieur du matériau, on peut donc espérer forcer la lumière à « tourner » par petites touches jusqu’à suivre la courbe voulue.
Pour leur cape d’invisibilité, les chercheurs ont pensé aux « métamatériaux », des matériaux artificiels qui ont la fabuleuse propriété, bien qu’ils ne soient pas magnétiques, d’avoir une réponse magnétique. Plus précisément, ils ont imaginé placer dans ces matériaux de minuscules bâtonnets de céramique. Ce sont eux qui, par la grâce des lois physiques à cette échelle, disposent des propriétés magnétiques aptes à dévier au fur et à mesure les rayons lumineux.
Fort de ses simulations, le groupe de Didier Lippens travaille désormais avec des chercheurs de l’université de Tsinghua, à Pékin, pour une démonstration expérimentale. Soyons francs : le système ne permettra pas encore de soustraire des objets au regard humain, mais il permet de s’approcher de cet objectif. En effet, alors que cela n’avait été réalisé expérimentalement que pour des ondes radio, nos chercheurs pourraient bien parvenir à obtenir ce résultat avec des ondes térahertz, dont la longueur d’onde est bien plus proche de celle des rayons visibles. Bref, on se rapproche de la vraie cape d’invisibilité.
Denis Delbecq
http://www2.cnrs.fr/journal/3819.htmApparamment si.
