Je ne sais pas si l'on peut résumer la "dépression" (en tant que maladie individuelle ou mal social) à ce que l'on possède ou pas, à ce l'on gagne financièrement parlant ou à nos conditions matérielles de vie. Je ne dis pas que cela ne joue pas (il est clair qu'il vaut mieux vivre dans une maison au chaud avec de quoi s'acheter à manger que sur un bout de trottoir, on est d'accord). En même temps, il est visible que cela ne fait pas tout...
Souvent, on entend la phrase que tu emploies, justement : "Je ne suis pas malheureux", "Il y a de pires situations que la mienne". Or, dire "Je ne suis pas malheureux", cela ne signifie pas pour autant "Je suis heureux". On peut avoir tout ce que l'on peut espérer (du travail, un toit sur la tête, de quoi manger, des relations sociales etc...), et pour autant ne pas pouvoir dire "Je suis heureux"...
Je pense qu'en grande partie, c'est le fonctionnement même de notre société qui est profondément anxiogène : on est, finalement, dans une sorte de "zone grise", où l'on sait que l'on ne sera pas forcément confronté à de grandes catastrophes (disons qu'aucune guerre ne nous menace encore, nous ne risquons pas de nous faire croquer par un fauve etc...), et en même temps, nous nous faisons une montagne de ce qui peut-être n'en vaut pas la peine, parce que nous sommes "entraînés" à cela. Tout petits déjà, l'école nous impose la compétition malsaine des notes. On doit se projeter dans l'avenir, pour savoir ce que l'on veut faire plus tard, tandis que les infos nous martellent les chiffres du chômage... Adulte, on est confronté au reporting d'objectifs, aux petits chefs, avec la crise en bruit de fond...
Donc, je ne trouve ni stupide, ni choquant l'une des idées forces de l'article, à savoir que la vie dans des sociétés moins opulentes que la notre, voire primitive, est moins source de dépression et d'anxiété. Certes, il y a moins de "biens" en tout genre, la santé est moins bien suivie(quoique... ), certains tabous sont encore écrasants etc... mais finalement, on vit plus dans l'instant présent, on ne se projette pas. Là, on est dans une société dont l'ombre portée, dont l'avenir nous est présenté comme nécessairement pire que le présent... donc forcément, on craint de perdre ce que l'on a, on a peur de manquer etc...
Au final, la question fondamentale de l'article est : ce monde est-il humain ?
_________________ Même si on ne nous laisse qu'une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d'elle il y aura toujours le ciel tout entier. Etty Hillesum, Une vie bouleversée
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