A la recherche du yéti de BourganeufDes États-Unis jusqu'à la Russie, des zoologues amateurs assurent que la ville de Bourganeuf, en Creuse, a vu passer l'abominable homme des neiges.La vidéo n'est pas de bonne qualité, elle semble presque clandestine. Elle a été publiée sur Internet depuis les Etats-Unis en 2004 et regardée plus de 100.000 fois. On y voit un cadavre massif et velu, la bouche encore ouverte comme s'il venait d'agoniser. Ce n'est pas vraiment un homme. Ni vraiment un singe. Le titre du document ? « Yéti de Bourganeuf ».
« Il est réel mais personne ne sait d'où il vient » écrit celui qui a récupéré les images.
Découvert au TibetL'histoire commencerait en 1967, au Tibet. Des sherpas découvrent alors cette étrange dépouille dans un glacier, à 4.927 mètres d'altitude. Ils parviennent à la dégager et la transportent jusquà la région voisine du Khumbu où des moines bouddhistes la cachent au fond d'un puits de glace, dans leur monastère. Mais des soldats de la République Mongole la repèrent et s'en emparent.
Ramené en Chine, le yéti devient l'attraction d'un parc de Shangaï avant de passer entre les mains d'une compagnie allemande. En 1987, celle-ci met la clé sous la porte et revend sa « chose » à un corrézien nommé Alain Nault.
C'est lui qui raconte cette version tandis qu'il présente la dépouille à Bourganeuf lors de la foire de mars 1997. Il n'en est pas à son coup d'essai : des années plus tôt, il organisait des combats de boxe entre kangourous...
Un colosse de 210 kilos
Son exposition marche fort. Trois jours durant, la foule se masse sous un petit chapiteau, à deux pas de la gare. A l'intérieur, le yéti, repose dans un bac congelé: 2,63 m de hauteur, 210 kilos. Impressionnant. A la sortie, les débats s'engagent parfois entre les visiteurs : « Tu crois que c'est un vrai ? ».
Le bouche-à-oreille est tel qu'il finit par alerter les cryptozoologues, ces spécialistes d'animaux inconnus qui traquent depuis un siècle l'homme-singe.
Un anthropologue lorrain cherche à racheter la bête. Un chirurgien demande à effectuer un prélèvement biologique. En vain. La revue belge « cryptozoologia », une référence dans le domaine, publie un reportage sur l'attraction en avril. Et les choses se gâtent...
" On le connaît ce yéti "
L'article atterrit dans les mains d'Emmanuel Janssens Casteels, un sculpteur animalier qui oeuvre dans le Lot-et-Garonne. Depuis longtemps, l'artisan croit à l'existence de cette espèce inconnue. Une conviction qui l'amène à modeler des répliques de yéti pour gagner sa vie. En 1997 il doit justement en réaliser un pour un musée italien. L'homme congelé de Bourganeuf sera son modèle.
Il débarque à Paris pour se procurer du matériel, avec la photo du spécimen sous le bras. Mais ses fournisseurs, qui travaillent dans un grand musée parisien, le regardent alors avec de grands yeux: « On le connait ce yéti... Il a été fabriqué ici » expliquent-ils.
Des mois plus tôt, un de leurs stagiaires avait profité d'un atelier de taxidermie pour le concevoir et l'avait ensuite revendu au forain. Le mannequin était en fait constitué de mousse souple, recouverte de poils de queue de cheval.
Un simple canular, donc. Et pourtant... Treize ans après les faits, la vidéo américaine marche fort. Et le sculpteur Jansens Casteels reçoit toujours des emails de chercheurs russes en quête du yéti: « J'ai beau leur dire que tout est faux, ils y croient encore ! Au fond, ils préfèrent continuer à rêver... »
Thibaut SOLANO
thibaut.solano@centrefrance.com