Ar Soner a écrit:
Je reproche "juste" à Convergences d'avoir pondu un podcast qui est essentiellement un faux procès de la collapsologie, et qui se contente d'enfiler les hommes de paille et les arguments douteux (ce qui me déçoit pas mal venant du Stagirite, dont j'apprécie au demeurant beaucoup le travail). Être pour la diversité des points de vue n'empêche pas de critiquer ceux qu'on trouve mauvais. D'ailleurs, je me demandais si j'étais le seul à être mal à l'aise à l'écoute de Convergences, du coup je l'ai soumis à la personne sous mon toit (qui est la plus gauchiste de tous les gauchistes que je connaisse) et elle a été tout à fait de mon avis (voire pire encore).
Je comprends.
Ici, je vais m'aventurer à faire une hypothèse dont je ne garantis pas du tout qu'elle soit juste, mais dont je pressens qu'elle pourrait bien l'être. Néanmoins, je préfère avertir et (re)dire immédiatement que je ne suis pas assez câlée sur ces questions (c'est peu de le dire...) pour développer en profondeur et argumenter avec force détails et de façon convaincante, mais je vais tout de même tenter de donner les grandes lignes de ce que je crois entrevoir derrière tout ça (par contre, soyons bien clair: on est ici dans le registre de l'implicite, car rien de ce qui va suivre n'est jamais vraiment verbalisé dans la vidéo de Convergences).
J'entends tout à fait que ta compagne et toi (et pas mal d'autres gens
a priori, quand on lit les commentaires sous ladite vidéo) ayez trouvé ça virulent et de très mauvaise foi. C'est vrai que ça m'a aussi donné cette impression à plusieurs reprises (Ripeur pouvait limite faire penser à Sky par moments dans le ton...). Mais, je crois en fait que le problème est plus "profond" qu'il n'y paraît. Car je pense que ce n'est pas tant la personne de Servigne qui est visée dans cette vidéo que son "inconséquence" (je ne dis pas que c'est ce que je pense ici: j'essaie simplement de me mettre dans la tête des contradicteurs) à colporter des discours qui pourraient possiblement mener à des solutions politiques franchement très peu souhaitables d'après eux.
Ici, on aurait pu plaider la naïveté de Servigne sur ces problématiques mais, d'après ce que j'en sais, ce dernier est pourtant très au fait des questions politiques, des jeux de pouvoir et des idéologies diverses puisque je crois savoir qu'il est un ancien anarchiste pleinement assumé (peut-être même se qualifie t-il toujours comme tel?). Des rumeurs disent qu'il a d'ailleurs écrit de très très bons articles politiques en son temps. Du coup, je crois que beaucoup de gens qui connaissent cet aspect de lui se demandent (légitimement à mon sens) comment il peut en arriver aujourd'hui à produire de tels discours, tranquilou bilou (oui, cette expression est périmée depuis 1983 et devrait être interdite - et alors?) sans manifestement prendre la peine de se demander ce que ça peut produire
très concrètement politiquement parlant. Ou alors il se le demande, mais il le fait quand même... et ce serait problématique aussi.
De ce fait, Ripeur, Stagirite et d'autres doivent probablement se dire qu'il n'est pas le naïf qu'on pourrait croire et que ça le rend d'autant moins excusable. D'où, peut-être, le ton si virulent dont je comprends qu'il puisse déranger. Et il est vrai qu'on est là dans le procès d'intention puisque, jusqu'à preuve du contraire, personne ne peut savoir vraiment ce que Servigne a au fond de son crâne.
Mais je pourrais dire les choses encore un peu autrement.
Je ne connais pas le parcours politique exact de Servigne. Je ne sais donc pas s'il est né dans une famille elle-même très politisée, s'il a été sensibilisé très tôt à tout ça, etc. Ce serait pourtant intéressant d'avoir ces éléments car:
-
hypothèse 1: soit on découvrirait que Servigne a baigné dans tout ça très tôt, auquel cas je comprendrais complètement la suspicion de Ripeur and co à son égard (car la question serait en fait: "Comment peut-on passer de l'anarchie au discours effondrologue en faisant croire qu'on ne mesure pas les impacts délétères que ça a très probablement sur la société et sur les choix politiques de nos concitoyens, si ce n'est pour servir des ambitions personnelles peu avouables?");
-
hypothèse 2: soit on apprendrait que Servigne s'est politisé sur le tard et est au contraire assez naïf et encore "en construction" sur ces questions (ce qui ne l'empêcherait pas d'être très sincère et qui ne le rendrait pas du tout idiot pour autant: juste un peu candide), auquel cas il ne mesurerait sincèrement pas toutes les conséquences et implications de son discours... Ce que Ripeur and co essaient précisément de remettre au centre du tableau tout au long de la vidéo (un peu virulemment encore une fois, je te l'accorde). En gros et en caricaturant TRES grossièrement (mais c'est juste pour l'image et pour que tu voies où je veux en venir), on pourrait dire que Stagirite et les autres se la jouent "adultes politiquement ultra-formés, très mécontents et très sévères à l'égard de celui qu'ils considèrent comme un "enfant" pas complètement fini politiquement et qui ferait "joujou" avec des sujets qui sont possiblement de la dynamite et qui le dépassent bien plus qu'il ne semble le penser").
Citer:
C'est pour cette raison que je pense que bien équilibré et correctement mené (chose que ne savent quasiment plus faire les médias actuels, je te l'accorde), ce format est bien souvent le meilleur pour se forger un avis.
Et je redis que je veux bien l'entendre. Mon propos était surtout de dire que Mr. Sam ne devrait pas - dans tous les cas - présenter sa façon de voir (
i. e. "il faut du contradictoire immédiatement et en présence") comme une évidence car ça n'en est pas une: c'est une opinion/un point de vue, mais ça peut se débattre. Ce que tu es, du reste, en train de faire admirablement.

Ar So a écrit:
La position militante, c'est le moment où la vision idéologique/politique prend manifestement le pas sur l'observation objective.
Alors, bien entendu (j'anticipe tes potentielles réponses

) :
- personne n'est jamais parfaitement objectif ;
- c'est un continuum, il y a toute un gradient de positions entre le "100% militant" et le "complètement objectif".
Ca aurait pu être bien vu (tu commences à bien connaître mes
marottes* 
), mais ce n'est pas forcément ce que j'allais te dire pour une fois. Non, j'allais plutôt faire référence ici au message que j'ai posté au-dessus (à 13h28) et te répondre que, comme le dit Pandov Strochnis, il existe des méthodes pour déterminer si une idéologie est en train de prendre le pas sur une observation objective. Du coup, parler de biais de confirmation chez Foucart (ce que tu n'as pas fait, je parle de Mr. Sam ici) n'est pertinent que si Mr. Sam parvient à démontrer avec lesdites méthodes que c'est le cas. Sinon, c'est du vent et juste son opinion.
(*Je suis incapable de prononcer ou écrire ce mot sans penser à cette vidéo... C'est grave, docteur?

)
Or, je cite ici les méthodes suggérées par Strochnis: "Le modèle d'analyse est-il explicité ? Sait-on comment les données ont été récoltées ? Chaque proposition analytique est-elle appuyée par des données ? Les limites de la théorie sont-elles explicitées ?".
Moyennant quoi je crois pouvoir dire sans peur de trop me tromper que si Foucart n'applique pas lui-même ces méthodes (ce qui est bien normal car ce n'est pas lui le scientifique), il rapporte en revanche en tant que journaliste les résultats d'études qui, elles, le font.
Par ailleurs, il me semble à peu près évident que Foucart ne ment pas quand il dit qu'il y a de la controverse sur les questions en santé et environnement. On peut le constater tous les jours dans à peu près tous les champs de recherche. Il s'engouffre donc dans cette brèche et, vu de ma fenêtre, il a bien raison de le faire.
Metronomia a écrit:
Est-ce vraiment le cas ? Je ne crois pas : je n'ai pas du tout l'impression que la thèse de Foucart (« l'industrie agro-chimique empoisonne l'environnement ») soit marginale, bien au contraire... c'est non seulement un sujet extrêmement à la mode, mais les médias sont grosso-modo plutôt défavorables à ces grandes firmes (et je ne parle pas de l'opinion populaire, qui elle leur est carrément hostile !).
Tu as raison. Je n'aurais pas du écrire ça. Car la thèse de Foucart n'est pas marginale du tout, en effet. Je vais donc essayer de reformuler.
Pour reprendre un principe philosophique de base - et c'était surtout là mon propos - cette thèse n'existe avec autant de force que parce que la thèse contraire existe elle aussi et qu'elle est très répandue également. En gros, "les gens" ne seraient pas si nombreux à crier aux lobbies et à décrier les méthodes des grandes firmes si ces dernières ne passaient pas leur temps à essayer de leur entrer dans le crâne que tout va bien et que toutes les études sérieuses montrent que le glyphosate (ou les OGM, ou les vaccins, ou n'importe quoi d'autre) ne sont pas dangereux. D'où le fait que je pense qu'on ne peut pas vraiment dire que les gens comme Foucart feraient du mal à la science en invisibilisant le consensus. Sans compter le fait que la controverse,
c'est la science.
Est-ce que ça te semble plus clair comme ça? Et un peu plus pertinent? Ou pas du tout?
Ar So a écrit:
Pour moi, cette question de la "juste représentation du consensus scientifique" est nulle et non-avenue quand on évolue dans le journalisme d'investigation. On n'a pas demandé à Fabrice Arfi de se référer à un quelconque consensus lorsqu'il a écrit ses livres sur l'affaire Karachi ou l'affaire Bettencourt.
Je suis pleinement d'accord avec toi. Je répondais en fait à ça:
Ar So a écrit:
Dans l'esprit du public, un journaliste scientifique se fait la « voix de la Science », ce qui me semble difficilement compatible avec une prise de position militante ou de ne présenter qu'une portion du consensus scientifique sur un sujet.
Citer:
Et j'avoue qu'entre ce tweet et les autres que tu as partagé, j'ai l'impression de débarquer sur un champ de bataille (SHS vs. zététiciens) dont j'ignorais jusqu'à l'existence...
Toi, on voit bien que tu n'as pas de compte Twitter... Je ne saurai pas te dire si c'est un mal ou un bien...

Citer:
Vas-y !

On a déjà beaucoup parlé de ça dans le présent topic, ça permettra peut-être de l'alléger.
Great, je peux le faire avec plaisir mais je crains que ça n'intéresse que toi (et peut-être même pas toi, au fond? ^ ^)