Hello!
Je repasse par ici aujourd'hui pour vous parler de Mr. Sam. Non pas que le personnage me soit particulièrement antipathique, car je trouve qu'il dégage au demeurant quelque chose de plutôt sympathique, mais parce que ce dernier (dont on a déjà parlé à plusieurs reprises sur le fofo) s'est une nouvelle fois illustré dernièrement.
Je ne sais pas si vous avez suivi ces derniers mois la controverse autour de la choloroquine mais si vous ne vivez pas dans un grenier, peu de chances que vous soyez passé-e-s complètement à côté.
Evidemment, loin de moi l'idée de me prononcer sur le fond de l'affaire (
i. e. la chloroquine est-elle ou non efficace? Au moment où j'écris ces lignes, des indices semblent encore et toujours montrer que non, mais il est probablement encore et toujours trop tôt pour pouvoir l'affirmer).
Non, ce qui m'amène en fait, c'est le traitement de cette affaire par Mr. Sam.
J'ai un peu la flemme de tout vous re-raconter ici, alors je me contenterai des (très) grandes lignes et vous laisserai chercher par vous-même plus avant si cela vous intéresse.
En quelques mots, on sentait bien depuis le départ que Mr. Sam considérait — comme beaucoup d'autres, du reste — que Raoult était un imposteur et que la chloroquine, c'était n'importe quoi. Soit: le personnage de Raoult peut être légitimement critiqué à bien des égards, et le fait est que l'étude originelle qui a fait de lui la "star" que l'on connaît souffrait un vrai manque de randomisation.
Alors, quand un article de
The Lancet discréditant la choloroquine est récemment paru, vous pensez bien que Mr. Sam s'est précipité la tête la première dans ce qui allait pourtant devenir un piège. Il a très vite sorti une vidéo intitulée "Raoult: End Game", dans laquelle il expliquait (pompeusement) que ce papier allait sonner le glas de l'imposture Raoult et de sa chloroquine. Mr. Sam argumentait en disant que
The Lancet était une très bonne revue à comité de lecture (ce qui est plutôt vrai, au demeurant), qu'il n'avait aucune raison de douter de la qualité de l'article en question, etc. Mr. Sam en profitait pour donner la leçon à tous les fans de Raoult et à toutes celles et ceux qui refusaient d'avoir un avis tranché sur le médicament (là où on peut légitimement, je le redis, en avoir un sur Raoult), s'érigeant ce faisant au rang de personne raisonnée et raisonnable, toujours du bon côté, et s'exprimant au nom de la "Vraie Scionce ™".
Pas de bol, si vous avez suivi un peu tout cela, même de loin, vous avez sans doute vu que
The Lancet venait de faire machine arrière puisque trois des auteurs de l'étude en question ont demandé eux-mêmes sa rétractation dans la mesure où le 4e co-auteur pourrait avoir fait l'objet de conflits d'intérêts.
Dans la foulée, on a très vite assisté à un beau rétropédalage de Mr. Sam, qui — ni vu ni connu — a supprimé sa vidéo "tendancieuse". Ici, notons d'abord que le procédé peut être déploré: une vraie attitude sceptique n'aurait-elle pas consisté en un
mea culpa et une vidéo annotée pour montrer où il avait "fauté"? Mais passons... Les choses sont ce qu'elles sont et on ne va pas refaire l'histoire.
Mais en plus, non content de ça (et là, je vous avoue que je commence à m'agacer un peu), voilà que le même Mr. Sam nous gratifie il y a quelques jours d'une nouvelle vidéo de 26 minutes dans laquelle... il recommence à donner la leçon à celles et ceux qui le regardent en expliquant ce qu'est une démarche scientifique sérieuse, etc. (
ad nauseam)! Et là, je me dis : on croit rêver... Car, je vous le demande franchement: quelle est finalement la légitimité de Mr. Sam a s'exprimer sur Youtube sur tous ces sujets au nom de la "Vraie Scionce ™"? Si on y réfléchit, on comprend que Mr. Sam n'a a aucun moment lu les études concernées (pas plus celle de Raoult que celle de
The Lancet, et probablement aucun autre papier d'ailleurs). Mr. Sam s'est donc fait une opinion au doigt mouillé à partir de ce qu'il a lu ici et là sur le Web. Ce que je ne lui reproche pas en soi, notez bien: nous sommes nombreuses et nombreux à faire de même. Par contre, nous sommes quand même tout de suite moins nombreuses et nombreux à avoir une chaine Youtube et à s'exposer de la sorte pour colporter la "bonne parole scientifique". Notez aussi que c'est déjà exactement ce qui s'était passé avec
Leaving Neverland, vidéo dans laquelle Mr. Sam se posait déjà comme le sachant raisonnable démontant les accusations de pédophilie à l'encontre de Michael Jackson là où, si j'avais été une zététicienne "influente", j'aurais pu faire une vidéo strictement contraire sur la base du même documentaire. Ce que je veux dire, c'est que, dans un cas comme dans l'autre, Mr. Sam n'avait absolument aucune connaissances en plus (mais pas en moins non plus, c'est un fait) par rapport à Pierre, Paul, Jacques, vous ou moi pour réaliser ses vidéos. Pourquoi alors s'auto-attribuer la position qui est la sienne?
Conclusion: qu'est-ce que tout cela nous apprend?
Sur la chloroquine, pas grand chose. Le vent pourrait à nouveau tourner très vite et je me garderai bien de faire ici un quelconque pronostic quant à l'issue de toute cette affaire.
En revanche, l'affaire Raoult peut nous permettre de tirer quelques leçons, pas forcément nouvelles mais qui me semblent toujours bonnes à rappeler et dont Mr. Sam devrait — je crois — prendre de la graine. Par exemple, il ne me paraît pas inintéressant de rappeler qu'en toutes circonstances, l'humilité devrait — autant que possible — primer. Comme je le disais plus haut, je me demande comment Mr. Sam gère le fait qu'il fasse finalement ce que fait n'importe quel-le citoyen-ne, et pas en mieux ni moins bien, mais en s'attribuant pourtant une place qui n'est pas celle de monsieur tout le monde et qui se veut, par la force des choses, un peu surplombante? Cette question m'amène d'ailleurs sur un terrain féministe dans la mesure où de nombreux travaux en la matière ont montré que les hommes avaient souvent nettement moins de complexes à s'affirmer spécialistes d'une question (question sur laquelle on peut pourtant le plus souvent démontrer aisément qu'ils n'ont pas plus de connaissances que la moyenne des gens), là où les femmes auront bien plus facilement tendance à questionner leur légitimité, voire même à se vivre carrément comme de vraies impostures...
Ou quand les problèmes manifestes de la zététique 2.0 illustrent les problèmes soulevés par le féminisme 2.0...
Plus largement et encore une fois, je pense que Mr Sam gagnerait à lire un peu ce qui se fait en SHS sur ces questions, et notamment sur la sociologie des controverses en santé et environnement. Du côté de la sociologie pragmatique par exemple (celle que je connais un peu puisque ja la cotoie professionnellement), on lui répéterait à l'envi que le futur n'est jamais certain, que chaque dossier peut connaître des trajectoires parfaitement imprévisibles, que rien n'est jamais déterminé par avance et que la "Vraie Scionce ™" objective et basée uniquement sur les chiffres et les données n'existe pas dans la mesure où elle est, comme tout le reste, soumise à tout un tas de contraintes, de cadrages, et de facteurs sociaux, économiques, politiques, qui orientent nécessairement à un moment ou un autre les recherches. Je crois que cette histoire de chloroquine ne saurait mieux illustrer le propos...
Sinon, et parce qu'il faut bien rire un peu aussi:
https://twitter.com/Colyoh/status/1243264730799706117Enfin, si vous en avez le temps et l'envie, je vous invite à lire ce papier écrit par des sociologues et qui rappelle à point nommé quelques-uns des éléments que je viens de soulever:
https://socioargu.hypotheses.org@++ camarades!
