Metronomia a écrit:
A titre personnel, je redis juste ici que pour moi (mais peut-être que je me plante tout-à-fait), le fait qu'un souvenir aurait pu revenir ou non si une personne présente ce jour-là nous en avait parlé ne nous renseigne pas sur la véracité dudit souvenir.
Je suis d'accord. Ça ouvre la possibilité que le souvenir ait pu être potentiellement altéré par la tierce personne (selon l'implication que cette dernière a eu dans l'émergence du souvenir), mais ça ne renseigne en aucun cas sur son authenticité ou non.
Metronomia a écrit:
Car si je comprends bien (tu me diras si c'est le cas ou si je me méprends sur ton propos), tu as l'air de penser que les faux souvenirs dans le cadre d'une séance d'hypnose: 1/seraient légion (= dans le sens où ça arriverait très couramment) ; 2/ qu'ils seraient la norme dès lors que l'on parle de thérapie sous états modifiés de conscience.
Je n'en sais rien, je serais bien incapable de dire si les faux souvenirs seraient la "norme" ou "légion" lors des thérapies avec état modifié de conscience.
J'aurais empiriquement tendance à penser que ces faux souvenirs sont
au minimum assez courants, vu les indices dont on dispose : il y a pléthore de témoignages de mémoires manifestement erronées (récits peu crédibles d'abductions, de vie antérieures ou d'expériences surnaturelles diverses) ayant été mis à jour
comme par hasard suite à une thérapie ; et à l'inverse, je n'ai jamais lu ou entendu parler de souvenirs authentifiés qui auraient été récupérés par hypnose (même si je réalise bien que l'absence de documentation ne signifie pas leur inexistence). En outre, comme je le disais ci-dessus, l'hypnose est une méthode qui structurellement se prête bien à la déformation de la mémoire.
Bref, il me semble assez clair que l'hypnose n'est pas une méthode fiable pour exhumer des souvenirs anciens. Et cette raison seule suffit à mon sens qu'on se montre prudent lorsqu'il est question d'agressions sexuelles
reposant uniquement sur des mémoires obtenues lors d'une thérapie de ce type (j'insiste fortement sur ce dernier point, j'ai même utilisé un stabilo pour le surligner sur mon écran

).
Ce qui ne veut pas dire qu'il faille considérer pour autant que la victime présumée soit en train de mentir ou qu'il faille lui cracher à la figure, mais je reviens ce sur point ci-dessous.
Metronomia a écrit:
Eh bien, pour moi, ce n'est pas si évident: si on adopte une posture dans laquelle on n'est pas pleinement en empathie avec ce que nous raconte la victime, alors il y a fort à parier que l'on peut rapidement tomber dans une forme de condescendance (ce qui serait, du coup et d'après moi, difficile à marier avec de la considération).
Je sais que ce n'est évident pour personne par les temps qui courent (ni pour les hypercritiques de la zététique, ni pour les sceptiques eux-mêmes) mais la prudence intellectuelle et la condescendance sont deux choses complètement différentes. La première ne mène pas à la seconde. Ne serait-ce que parce qu'un bon sceptique devrait idéalement réaliser qu'il n'est pas lui-même à l'abri de se retrouver dans la même situation, ou d'être abusé par sa propre mémoire, ou de se tromper.
Alors, je sais que certain néozététicien utilisent le doute comme un instrument pour asseoir leur supériorité... mais je pense qu'il s'agit de personnes qui ont toujours été condescendantes, dès le départ (ce n'est pas l'utilisation abusive du doute qui les y aurait conduit

).
On peut entourer une victime présumée de toute l'attention dont elle a besoin, tout en gardant dans un coin de sa tête que les faits ne se sont peut-être pas déroulés exactement comme elle les raconte. Je ne vois vraiment pas en quoi c'est infaisable.
Si un ami débarque chez moi manifestement en état de choc et me raconte qu'il vient d'avoir une épiphanie durant laquelle il a rencontré Récuranus, le terrible dieu des toilettes à tête de canard, je prendrai soin de lui du mieux que je pourrais... même si je ne pourrai pas m'empêcher de penser que sa tête a peut-être été taper un peu trop fort la cuvette des WC. Mais ce sujet-là pourra être abordé en temps et en heure, une fois que les choses se seront calmées et lorsqu'il faudra éclaircir ce qui s'est passé.
En outre, j'avoue me méfier du
« il faut être à 100% dans l'empathie avec les victimes et ne pas douter un seul moment de ce qu'elles racontent, sinon on ne vaut pas mieux que l'agresseur ». Je sais que ce n'est pas ton avis personnel, mais je l'ai régulièrement entendu dans les milieux militants et j'ai pu constater à quel point c'est la porte ouverte aux dénonciations calomnieuses. Certains en profitent pour régler leurs comptes personnels en toute tranquillité en accusant untel ou unetelle de faits graves, qui ne seront jamais questionnés ni contextualisés, avec des conséquences assez lourdes pour la personne injustement accusée.
Parfois également, la victime est de bonne foi mais derrière les accusations d'agressions sexuelles peuvent se cacher des choses heureusement plus bénignes (un comportement sexiste par exemple) qui, si elles n'en sont pas moins embêtantes et méritent d'être traitées, ne justifient pas pour autant qu'on mette l'accusé au banc de la communauté et qu'on lui colle une étiquette 'violeur' sur le front. Or, c'est le genre de choses qu'on ne peut mettre à jour qu'en questionnant et contextualisant le récit de la victime.
Metronomia a écrit:
Pourtant, "on" (= les médias) leur donne une importance qu'ils n'ont pas et qui vient biaiser complètement la perception que l'on peut avoir de la situation. Et tout cela a des conséquences politiques fortes sur la manière dont "la société" (oui, je sais, c'est un peu vague, mais bon...) appréhende les choses. Eh bien, là, avec notre conversation sur les faux souvenirs, ça me fait un peu le même effet.
Je crois qu'il n'existe aucun choix politique qui ne porte pas en lui les germes de potentielles dérives.
Si je te rejoins sur l'impact social négatif que peut avoir le choix de mettre en avant l'importance des faux souvenirs, il y a d'autres choix (ériger la primauté du témoignage sur toute forme de relecture critique, ou présenter l'hypnose comme une méthode convenable pour aller fouiller dans sa mémoire profonde) qui me semblent eux aussi pouvoir entraîner des conséquences sociales défavorables.
Metronomia a écrit:
Ar So a écrit:
En revanche, de là à considérer ces souvenirs comme une description factuelle d'évènements s'étant réellement produits, et à utiliser ces souvenirs dans le cadre d'une procédure judiciaire, je trouve qu'il y a un gouffre.
Alors, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
Je n'ai pas dit que c'était ce que tu avais écrit (je n'ai pas grand chose à redire sur le point de vue que tu exposes), j'essayais de relier maladroitement notre échange au terme général de ce topic.
Metronomia a écrit:
Je suis ici, pour le coup, en profond désaccord. Non, tu ne sais certainement pas mieux que la personne qui te fait face ce qu'elle a vécu et c'est le fait de le penser qui m'apparaît quant à moi dangereux.
A la rigueur, je consens à plussoyer le fait que tu sais ce qui ne lui est pas arrivé (en ça, je te rejoins sur le fait qu'un témoignage d'enlèvement extra-terrestre me semble peu crédible, par exemple).
OK, tu m'as eu : c'est bien ce que j'avais en tête en écrivant ma phrase (« je m'accorderai quand même le droit d'estimer que pour le coup, je sais probablement mieux qu'elle-même ce qu'elle a vécu »), que tu reformules comme il faut. J'estime mieux savoir que cette personne ce qui ne s'est pas produit : même si elle est convaincue du contraire, je suis à peu près certain qu'elle n'est pas une réincarnation de Cléopatre, ni n'a été enlevée par les extraterrestres. Cependant je me garderais bien d'affirmer qu'il n'y a rien du tout derrière son histoire, en grattant bien sous l'épaisse couche de vernis surnaturel : p'têt que oui, p'têt que non, je n'ai pas les moyens de le déterminer.
Je ne serais pas en revanche catégorique sur le fait qu'il y a toujours quelque chose à l'origine de ce type de témoignage fantastique obtenus par hypnose ou état modifié de conscience. En fait, en dehors du film
Mysterious Skin dont tu parles, je n'ai jamais eu l'écho d'un récit d'abduction qui aurait été la couverture inconsciente d'un traumatisme lié à une agression sexuelle.
Entendons nous bien : c'est très possible. Mais je pense quand même que les témoignages de ce genre ont souvent des origines moins dramatiques : observation d'un OVNI, paralysie du sommeil... ou plus trivialement, imagination galopante ou intérêt personnel du témoin pour ce sujet.
Metronomia a écrit:
Car je le redis, l'inceste et les viols/agressions sexuels sont tellement légion que l'on a peu de chance de se tromper en croyant les témoignages. Alors qu'à l'inverse, les fausses dénonciations (qui existent bel et bien) me semblent bien plus marginales.
Dans le cas des agressions sexuelles en générale, oui, je suis d'accord.
Dans le cas des agressions sexuelles reposant sur des souvenirs obtenus par hypnose et autres méthodes du genre, j'avoue rester très, très prudent et je n'oserais pas affirmer que la part des fausses dénonciations est "marginale". Mais c'est juste un sentiment personnel... et dans tous les cas, même si 90% des dénonciations étaient fausses, le simple fait qu'il en reste 10% d'authentiques justifierait qu'on prenne l'intégralité des dénonciations au sérieux.