Salut Pochon, ça fait drôlement plaisir de te lire et c'est très sympa d'avoir pris le temps de répondre!
Au risque de spoiler, autant te le dire tout de suite: je crois être d'accord avec quasiment tout (si ce n'est tout) ce que tu as écrit ci-dessus, donc le présent message sera surtout l'occasion de préciser/affiner ou développer certains points. Mais peut-être auras-tu, toi, des désaccords fondamentaux avec ce qui suit, après tout. Nous verrons bien.
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En fait, ce que tu racontes me rappelle une planche de Gotlib, dans laquelle différents scientifiques sont mis en scène : il s'agit de figure légitimement révolutionnaires (Galilée, Pasteur, etc...) qui, chaque fois, présentent leurs théories ; et, chaque fois, un bon bourgeois bien comme il faut arrive et balaie tout d'un revers de main, en répondant "vous êtes en pleine science-fiction mon cher". Car c'est bien de cela qu'il s'agit, non ? Du fait de rejeter une croyance par principe parce qu'on est sûr qu'elle ne peut pas exister ?
C'est très exactement de cela dont il s'agit, tu as parfaitement résumé le fond du propos. Non pas que je crois avoir inventé la poudre en abordant ce point (l'appel à Galilée illustre très bien le fait que c'est un débat de longue date) mais j'ai en fait surtout essayé d'être aussi concrète que possible dans le discours et de montrer ce que peuvent donner
en pratique les postures trop sceptiques et les écueils auxquelles elles peuvent conduire.
Citer:
Il me semble personnellement tout à fait pertinent de questionner la moralité du témoin et la véracité de son témoignage lorsque cela part d'un bon sentiment. Par exemple, tenter de voir s'il n'y avait pas des comètes ou des entrées de satellites le soir où plusieurs témoins de bonne foi affirment avoir aperçu des ovnis, c'est de bonne guerre, c'est l'esprit scientifique et c'est bien. Mais là où je te rejoins, c'est qu'il faut faire cette enquête, et il faut savoir dire, lorsque c'est le cas, qu'aucune explication n'a pu être trouvée. Ceux qui refusent de le faire sont des faux sceptiques, et mettre leur obtusité sur le dos de toute la communauté sceptique serait un bel homme de paille.
C'est très exactement ça: il faut faire cette enquête. Cela dit, j'irais quant à moi encore un peu plus loin que toi ou, en tout cas, je dirais les choses un peu autrement. Tu dis:
Citer:
Par exemple, tenter de voir s'il n'y avait pas des comètes ou des entrées de satellites le soir où plusieurs témoins de bonne foi affirment avoir aperçu des ovnis, c'est de bonne guerre, c'est l'esprit scientifique et c'est bien.
A cela, je te réponds: "Oui, mais... Tout dépend comment c'est fait".
Je m'explique.
Imaginons que tu sois un scientifique qualifié pour aborder la question des ovnis et qu'un témoin vienne te rendre visite et te décrive un PAN (phénomène aérospatial non identifié) qu'il ne comprend pas. Je crois personnellement que ce serait une très mauvaise idée et une mauvaise posture que de commencer par des questions du type: "Mais, êtes-vous bien sûr que c'était bien à telle distance?", ou encore "Etes-vous certain que vous n'avez pas confondu ce PAN avec un avion?", ou bien "Etiez-vous alcoolisé au moment des faits?", etc.
Alors attention, précisons tout de suite: je ne prétends pas que ces informations n'ont aucune espèce d'importance (spoiler, elles en ont).
Ce que je pense en revanche, c'est que la posture/la manière dont on va se positionner
d'emblée face au témoin va conditionner énormément de choses qui seront déterminantes par la suite (pour ne pas dire "va conditionner tout le reste"). La principale chose étant, d'après moi et pour commencer, le lien de confiance. Un scientifique n'est pas un flic. Il a donc d'après moi tout intérêt à "épouser" le récit du témoin et à essayer d'y coller
au plus près pour que l'échange soit vertueux.
Ce qui veut dire ne pas donner son avis (probable/improbable) mais agir dans tous les cas comme si c'était probable, et respecter scrupuleusement les propos qui sont tenus en essayant de trouver des explications
qui collent autant que possible avec les indications qui sont données. Ca c'est fondamental, d'après moi.
Si je reprends ton exemple, concrètement ça voudrait d'abord dire, grosso modo, abandonner très vite l'hypothèse "comète" ou "satellite" si ça ne colle pas avec la description du témoin. Plus concrètement encore, ça veut dire surtout rester
humble et sans cesse se rappeler que
ce n'est pas parce que ce que décrit le témoin ne ressemble à rien de probable ou de connu qu'il a forcément fait une erreur d'appréciation et d'interprétation. Parce que si on part de ce principe, alors on trouvera
forcément toujours des explications qui sont sans lien avec ce qui a été vu. Pour illustrer, et afin d'être certaine que mon propos sera bien saisi par ceux qui me lisent, je remets ici un passage d'une vidéo que j'avais déjà postée sur le forum et qui me semble illustrer parfaitement la position que je défends:
https://youtu.be/cf5XT4rXB8I?t=5053Ici, on voit bien que ce qui était décrit à Patrick Seray par le témoin semblait incompréhensible (et même un peu fou). On serait donc tenter de dire: "Le témoin s'est trompé, n'a pas bien évalué ce qu'il a vu, s'est planté sur les distances, etc." et de ranger l'affaire au placard (ce qui a été fait d'ailleurs). Or, quand quelques années plus tard Patrick Seray a enfin compris ce que c'était, il a pu constater que la description du témoin
collait parfaitement à la réalité. Alors, forcément, ici ça n'a pas de conséquence et on s'en fiche un peu, au fond, puisque ce que le témoin a vu n'était pas un ovni mais une grue, et donc un truc parfaitement terre à terre. Mais on voit bien que si ça avait été
autre chose, on serait passé complètement à côté si on avait pas accepté la description du témoin
telle quelle.
Pour le dire autrement et de manière résumée:
la seule façon d'espérer trouver une trace de phénomène étrange, c'est de lui donner dans nos esprit la possibilité qu'il existe. Sinon on aura des oeillères qui biaiseront tout. Parce qu'à écouter certains sceptiques, les biais, ce serait quand même surtout (et même seulement, pour certains) chez les autres. Mais ils semblent ne pas tou-te-s se rendre compte qu'adopter une posture
d'emblée sceptique va forcément fermer plein de pistes et orienter/biaiser tout autant leur propre regard. Du coup, d'après moi, seule l'ouverture d'esprit et le fait de coller au plus près des récits permet d'éviter cet écueil.
Et je vais même plus loi en disant que cette attitude n'est pas à réserver aux scientifiques et enquêteurs mais
devrait globalement être celle de tout citoyen curieux et soucieux de faire émerger la connaissance et la vérité.
Rien que ça, oui...
Mais au fond, je ne crois pas que tu dises autre chose?
Citer:
À partir de là, il faut se méfier. Parce que justement, si le phénomène est inexplicable, alors on ne peut par définition pas l'expliquer. Et il serait selon moi de nouveau peu scientifique de déclarer que si tel cas de vision d'ovni ne peut-être éclairci de façon satisfaisante, alors c'est qu'il s'agit forcément d'un extra-terrestre. Pour ce qu'on en sait il pourrait aussi bien s'agir d'une créature inconnue, de voyageurs temporels, d'expérimentations secrètes de l'armée belge ou bien de phénomènes aériens non étudiés. Et ça, c'est l'esprit scientifique.
Je suis parfaitement d'accord avec tout ça. Il est urgent de ne pas conclure quand n'a pas de certitude. Et ça va dans les deux sens (ne pas conclure aux extraterrestres, par exemple, certes, mais ne pas conclure non plus que le témoin s'est fourvoyé et qu'il s'agissait par exemple d'une entrée atmosphérique juste parce que "c'est le plus probable". En raisonnant comme ça, on ne découvrira jamais rien puisqu'on cessera de chercher (on en revient à la "fermeture" dont je parlais).
Citer:
En revanche, je suis intimement convaincu que tant qu'on ne sait pas ce dont il s'agit, on ne peut pas donner une direction à la recherche et se dire "tous ces témoignages de fantômes sont la preuve que les fantômes existent". S'il existe tant de témoignages concordants et inexplicables que cela, c'est très certainement qu'il existe quelque chose, mais encore une fois, jusqu'à preuve du contraire, rien n'indique qu'il s'agisse forcément de fantômes.
Je suis 100% en phase avec ça.
Citer:
J'en viens au troisième point de ta réflexion : Dieu. Là encore, c'est une question de définition : pour toi, le fait que toute la vie existe impliquerait possiblement quelque chose qu'on pourrait appeler Dieu (si j'ai bien compris). Pour d'autres personnes, qui auraient une autre définition de Dieu, cet argument ne tiendrait pas la route. Pour moi, c'en est presque un problème sémantique, de type Sapir-Whorf : comme on a un mot pour "Dieu" qui admet un nombre quasiment infini de définitions, quasiment tout ou presque peut être une preuve de son existence, pour peu qu'on le justifie correctement.
C'est parfaitement expliqué. Je suis totalement d'accord avec ce que tu expliques-là et c'est rigolo parce que ça résonne directement avec l'autre topic où l'on débat avec Drago. Je pense que c'est exactement ce qui est en jeu dans la discussion là-bas. On ne met peut-être pas tou-te-s les mêmes choses sous des termes comme "égo", "dieu", "spirituel" mais au fond, j'ai quand même l'impression qu'on se rejoint tou-te-s sur l'essentiel. Donc oui, pour moi, tu as clairement raison: ce serait plutôt un problème sémantique et/ou une histoire de regard qu'on décide de poser sur les choses et qui diffère, alors même que les ressentis et constats de départ peuvent être les mêmes.
Citer:
En d'autres termes, même si on parvenait à prouver indéniablement l'existence des fantômes, il faudrait selon moi se garder d'en conclure à une existence de la vie après la mort, puisque rien ne prouve que le lien logique qui unit ces deux idées dans la culture populaire existe réellement. Jusqu'à ce qu'on le découvre, du moins. Ou qu'on prouve son inexistence.
Pas mieux, je n'ai rien à ajouter, c'est parfaitement dit.
Et je voudrais ajouter une dernière chose, que je voulais évoquer dans mon premier message, puis que j'ai oublié de mentionner.
On parle tout le temps de ces fameux témoignages qui arrivent par centaines, par milliers, et qui seraient donc possiblement, pour certain-e-s personnes, des illusions, des méprises, des hallucinations, des mensonges, etc., selon les cas. Mais, juste pour voir, vous êtes vous concrètement déjà imaginé un monde où il n'y aurait aucun témoignage de ce type (disons aucun ou très peu, le chiffre zéro n'étant pas une condition absolument nécessaire pour ce qui suit)? Parce qu'on est tellement habitué-e-s à ce monde où l'on entend plétore de récits et légendes de ce type que c'est évidemment ce qui s'impose à nous mentalement et qu'on ne pense même pas forcément au fait qu'il pourrait en être autrement. Mais après tout, on aurait très bien pu imaginer un monde où ces récits n'auraient pas existé, ou alors de manière très marginale. Or, si tel avait été le cas, ne croyez-vous pas que ça aurait été clairement ça, l'indice le plus
logique, sérieux (et même décisif) de la preuve de la non-existence des phénomènes étranges (catégorie beaucoup trop fourre-tout, j'en conviens, mais c'est parce qu'il n'est pas utile de développer ce point pour étayer mon propos ici), phénomènes qui n'auraient donc même pas été un sujet? Et donc, si je déroule ma logique jusqu'au bout, ne pensez-vous pas que le fait que ces témoignages existent est bel et bien la preuve décisive que
quelque chose existe (je sais que ça rejoint la position que j'avais déjà dans mon précédent message mais je trouve qu'illustrer en parlant du monde "inverse" qu'on aurait pu connaître renforce le propos)?
THE END.
