Alors que pointer du doigt des individus et façons de faire me semble complètement stérile et contre-productif (d'un point de vue spirituel comme politique) dans la mesure où ça n'amène d'après-moi aucune prise de hauteur sur la situation et où une telle façon de voir n’entraîne par ailleurs (et d'après-moi toujours) pas du tout les bons débuts de solutions politiques (selon l'idéologie et les valeurs que je porte en tout cas).
Il ne s'agit pas, en tout cas pour moi (mais je pense que c'est vrai pour n'importe quel texte/discours spirituel un peu censé) de pointer du doigt et de dire "c'est votre faute si vous n'y arrivez pas"... mais bien de dire "c'est en vous, c'est déjà en vous"... il ne s'agit pas de mettre de couches et des couches de polish de connaissances ou autre, mais bien d'en retirer, de tout retirer. En fait, le principe de base initiatique est assez simple : prendre son cerveau, et le balancer au feu. Et voir ce qui arrive à la place. C'est assez simple en fait. Certains y arrivent morceaux par morceaux, pas complètement, certains y arrivent d'un coup d'un seul... Mais sur le principe de base, n'importe qui peut le faire en réalité. (ce qui peut sembler assez paradoxal, quand on voit le nombre de lignes et de pages écrites à ce sujet... mais au final le principe revient toujours au même. Peut-être faut-il beaucoup faire marcher son cerveau pour comprendre à quel point il ne sert à rien ? Ou arriver à s'en débarrasser pour y mettre autre chose ? Ou arriver à le faire imploser ?... Je ne sais pas. Il parait que toutes les voies sont valables).
Citer:
Pour caricaturer à grands traits (mais ça aura le mérite de rendre plus limpide le discours que je porte): si on imagine que les gens à qui on s'adresse sont des abrutis, non seulement on est pour moi complètement dans l'erreur mais, en plus, on a de sérieuses chances de ne rien faire émerger de bon politiquement comme humainement à partir de ça. Tel que je conçois les choses, c'est du nivellement par le bas et c'est un cercle bien plus vicieux que vertueux.
Je suis d'accord... sauf que tu remarqueras comme on nivelle gentiment par le bas, de peur que les gens ne comprennent pas. Ou de peur que les gens comprennent trop bien ?... C'est pour ça que déjà, toutes ses réformes de l'éducation qui consistent à "simplifier" le savoir apporté ben non, je pense que ça commence par-là. Si on veut hisser les gens par le haut, il faut en effet s'adresser à eux comme à des prix Nobel, et pas comme à des abrutis... (alors, je ne dis pas qu'on va pas en perdre 2 ou 3 en route, mais ils vont bien réussir à s'accrocher à un moment ou un autre...)
Et clairement, pour en revenir au sujet, les journalistes qui se sont contentés de relayer dans un bon paquet de journaux les commentaires outrés des associations n'ont pas fait du boulot de journalistes... Mais bon, c'est pas la première fois malheureusement...
_________________ Même si on ne nous laisse qu'une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d'elle il y aura toujours le ciel tout entier. Etty Hillesum, Une vie bouleversée
Inscription: 28 Juillet 2012, 23:41 Messages: 3529 Localisation: Au fond à gauche (et derrière Pochel, ça semble plus sûr)
Chimère a écrit:
Il ne s'agit pas, en tout cas pour moi (mais je pense que c'est vrai pour n'importe quel texte/discours spirituel un peu censé) de pointer du doigt et de dire "c'est votre faute si vous n'y arrivez pas"... mais bien de dire "c'est en vous, c'est déjà en vous"... il ne s'agit pas de mettre de couches et des couches de polish de connaissances ou autre, mais bien d'en retirer, de tout retirer.
Je ne suis pas très sûre de savoir à quoi tu réponds précisément lorsque tu écris cela et que tu exposes cet aspect spirituel des choses.
Je ne répondais personnellement qu'à l'affirmation selon laquelle "le français moyen manquerait de rationalité et serait dans l'émotion". C'est cela que je conteste depuis le départ et ce à quoi je réponds.
Du coup, il me semble que nous parlons là de deux choses différentes? Ou je n'ai rien compris?
Citer:
Je suis d'accord... sauf que tu remarqueras comme on nivelle gentiment par le bas, de peur que les gens ne comprennent pas. Ou de peur que les gens comprennent trop bien ?... C'est pour ça que déjà, toutes ses réformes de l'éducation qui consistent à "simplifier" le savoir apporté ben non, je pense que ça commence par-là. Si on veut hisser les gens par le haut, il faut en effet s'adresser à eux comme à des prix Nobel, et pas comme à des abrutis...
C'est le sens de ce que j'essaie de dire depuis le début* et c'est bien pour ça que je m'insurge contre les discours (à mon sens) caricaturaux sur "les français moyens". Du coup, bah... nous sommes tout simplement d'accord, a priori?
*(J'ai peut-être juste un petit bémol sur le constat selon lequel on simplifierait le savoir à outrance: d'abord, je ne sais pas à quel point l'affirmation est juste ou pas, ni à quel point on peut la généraliser, ni ce à quoi tu penses précisément lorsque tu écris ça? En tout cas, s'il est avéré que le savoir se délite - et c'est quelque chose qui demanderait à être vérifié - on peut supposer que le peu de moyens alloués à l'école et l'université y seraient clairement pour quelque chose?)
Note aussi qu'il resterait quand même à définir ce que veut dire "hisser vers le haut" (et rien que sur ce topic, je suis sûre que chacun-e de nous aurait des réponses différentes à cette question!).
_________________ Titulaire d'un doctorat en fantomologie à Paranormal Sup
Du coup, il me semble que nous parlons là de deux choses différentes? Ou je n'ai rien compris?
Disons que je répondais simplement au morceau que j'ai mis en citation...
Citer:
C'est le sens de ce que j'essaie de dire depuis le début* et c'est bien pour ça que je m'insurge contre les discours (à mon sens) caricaturaux sur "les français moyens". Du coup, bah... nous sommes tout simplement d'accord, a priori?
En quelques sortes. Disons que pour moi, si dire "français moyens", est effectivement une caricature (je pense qu'on a tous conscience ici qu'une caricature, par définition, n'est pas l'exacte retranscription de la réalité d'une personne, ou de tout un groupe), ça me semble pas si "grave" d'être caricatural, parce que c'est jamais qu'une façon de poser un questionnement un peu global, et d'avoir un point de départ pour le raffiner petit à petit... (pis bon, on est entre nous, on peut se lâcher... )
Citer:
J'ai peut-être juste un petit bémol sur le constat selon lequel on simplifierait le savoir à outrance: d'abord, je ne sais pas à quel point l'affirmation est juste ou pas, ni à quel point on peut la généraliser, ni ce à quoi tu penses précisément lorsque tu écris ça? En tout cas, s'il est avéré que le savoir se délite - et c'est quelque chose qui demanderait à être vérifié - on peut supposer que le peu de moyens alloués à l'école et l'université y seraient clairement pour quelque chose?
Pas que. Il y a quand-même eu des choix d'apprentissage/de matières qui vont favoriser un type de compétences plutôt qu'un autre, ou baisser le niveau "d'exigences" que l'on a vis à vis des élèves (je mets ça entre guillemets parce que je ne suis pas non plus pour l'apprentissage à l'ancienne, totalement descendant, avec le prof qui sait et les élèves qu'on gave comme des oies).
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Citer:
En quelques sortes. Disons que pour moi, si dire "français moyens", est effectivement une caricature (je pense qu'on a tous conscience ici qu'une caricature, par définition, n'est pas l'exacte retranscription de la réalité d'une personne, ou de tout un groupe), ça me semble pas si "grave" d'être caricatural, parce que c'est jamais qu'une façon de poser un questionnement un peu global, et d'avoir un point de départ pour le raffiner petit à petit... (pis bon, on est entre nous, on peut se lâcher... )
Alors, du coup, nous divergeons sur ce point. Car pour moi, c'est bel et bien un problème de parler de "français moyen" quand on le lie à l'intellect, aux capacités, et qu'on l'accole à des qualificatifs tels que "pas rationnels", "dans l'émotion", "pas cultivé"*. Comme dit, c'est une vision que je trouve fausse, caricaturale et problématique (je ne re-développe pas ici, car je crois avoir expliqué assez clairement?). Et pour moi, ce n'est pas un détail du tout car en découlent des conséquences que je trouve très fâcheuses et même dérangeantes politiquement comme humainement.
(*Ce n'est donc pas tant le terme de "français moyen" en tant que tel qui me choque ici que le contexte dans lequel il est employé et les mots qui y sont reliés, car cela relève du jugement de valeur. Pour expliquer/illustrer: je ne réagirais pas de la même façon s'il l'on disait par exemple que le "français moyen" est "plutôt athé" ou que "le français moyen" gagne environ X euros par an" car ici, ce serait basé sur des choses assez aisément quantifiables ou objectivables et ça ne porterait pas de jugement).
Citer:
Pas que. Il y a quand-même eu des choix d'apprentissage/de matières qui vont favoriser un type de compétences plutôt qu'un autre, ou baisser le niveau "d'exigences" que l'on a vis à vis des élèves (je mets ça entre guillemets parce que je ne suis pas non plus pour l'apprentissage à l'ancienne, totalement descendant, avec le prof qui sait et les élèves qu'on gave comme des oies).
Ok. Sur les choix de matières, c'est vrai, et c'est politique là encore. Ils sont précisément le reflet des valeurs portées par nos gouvernements. Et donc, ce sont des choses qui se discutent et ne font pas forcément consensus. Mais je suis d'accord avec l'idée que tu soulèves, oui. Quant à ce qui est du "niveau d'exigence qui aurait baissé", je te réponds la même chose que ce que je disais ci-dessus. Je ne dis pas du tout que tu as tort, juste que je ne sais pas à quel point l'affirmation est étayée ou pas, ni à quel point on peut la généraliser, ni ce sur quoi on se base pour évaluer ça.
_________________ Titulaire d'un doctorat en fantomologie à Paranormal Sup
Confinement : qu’est-il arrivé aux animaux de laboratoire ? 1 juillet 2020
Alerté par un chercheur, le député de l’Essonne Cédric Villani du Groupe Écologie démocratie solidarité demandait au gouvernement, le 12 mai dernier, de faire la lumière sur ce qu’il était arrivé aux animaux de laboratoire pendant le confinement, avec l’arrêt des recherches. Cette question nous a donné envie de faire un petit point d’étape, 10 ans après la directive européenne 2010/63/EU censée protéger les animaux sacrifiés à la science.
Des milliers d’animaux euthanasiés « Tous les laboratoires se sont arrêtés et dans des laboratoires expérimentaux, ça a été une catastrophe, parce qu’il a fallu sacrifier des milliers d’animaux, puisqu’on n’avait plus la possibilité pour le personnel de s’en occuper » pouvait-t-on entendre en mai dernier sur France Culture de la bouche d’Hervé Chneiweiss, enseignant chercheur au CNRS.
Branle-bas de combat dans les universités et les laboratoires dès le début du confinement. Comment s’occuper des animaux et quoi faire des cobayes utilisés dans les protocoles en cours ? Les laisser, les amener au domicile (avec le risque de s’y attacher), les relâcher dans la nature ? Chacun a dû trouver des solutions pour assurer la continuité de ses recherches et la gestion des animaleries. En pratique, bon nombre d’animaux ont simplement été euthanasiés pour être remplacés après déconfinement, même si nous n’obtiendrons aucun chiffre officiel. La question semble semble gêner.
Si la question de Cédric Villani reste à ce jour sans réponse claire, une enquête sur l’impact de l’arrêt des protocoles de recherche sur les animaux est en cours, nous informe Laurent Pinon, chef de département des pratiques et service réglementés au ministère de la Recherche et de l’Innovation.
La situation des animaux de laboratoire en France aujourd’hui 80% des Français reconnaissent ne pas savoir en quoi l’expérimentation animale consiste. Pour Audrey Jougla, présidente de l’association Animal Testing qui enquête sur les conditions de vie des animaux en laboratoire, « les gens pensent que l’expérimentation animale n’existe plus depuis l’interdiction des cosmétiques testés sur les animaux en 2013. C’est une perception erronée. » Pour cause, l’expérimentation animale est toujours pratiquée à large échelle en dépit d’une prise de conscience globale sur la question animale.
ON ENTEND PAR PROCÉDURE D’EXPÉRIMENTATION ANIMALE TOUT CE QUI VA ENTRAÎNER CHEZ L’ANIMAL UNE DOULEUR, UN STRESS OU UNE ANGOISSE SUPÉRIEURE OU ÉGALE À L’INTRODUCTION D’UNE AIGUILLE.
Les animaux sont utilisés pour :
La dissection pour lʼenseignement en facultés, Le prélèvements de tissus ou d’organes, La recherche sur les maladies humaines, Les tests de toxicité des médicaments, produits chimiques et cosmétiques en vue de leur commercialisation. Les animaux sont avant tout « nos » boucliers anti-nocivité. 100% des médicaments sont testés sur eux. Certains de ces tests doivent évaluer la toxicité aiguë et la toxicité à doses répétées sur la peau et les yeux. « C’est la loi » répondent froidement les laboratoires. Effectivement, la loi l’impose, mais seulement pour 1/4 des animaux utilisés !
Car la quasi-moitié d’entre eux sont utilisés en recherche où ce choix est laissé à l’appréciation du groupe de recherche. Un « chèque en blanc » aux chercheurs que rien n’oblige légalement à utiliser le modèle animal, selon André Ménache, responsable du Comité scientifique d’Antidote Europe opposé à l’expérimentation animale.
Quand à l’enseignement, les étudiants français ont utilisé 20 fois plus d’animaux que leurs homologues britanniques en 2016 et le nombre d’animaux utilisés a augmenté de 31% depuis 2010 relève la députée Samantha Cazebonne dans le rapport parlementaire de 2019. Les chiffres indiquent que les chercheurs français ont une grande propension à recourir aux tests sur les animaux comparés à leurs voisins européens.
La France : 3ème pays d’Europe le plus consommateur d’animaux Si le Ministère des armées s’exonère de fournir les données le concernant (pourquoi ??), nous savons toutefois que 2 millions d’animaux sont utilisés en France chaque année, dont la moitié de souris. Mais aussi 3 000 primates, 4000 chiens, 500 équidés et autres chats, moutons, macaques, bovins, furets, porcs, grenouilles, souris, poissons, rats et lapins.
On compte à peu près autant d’animaux non comptabilisés car non-utilisés dans les procédures : les géniteurs, les populations nécessaires pour maintenir les lignées, les animaux dont on prélève les organes ou les tissus à des fins de recherche in vitro, les animaux trop âgés, malades, etc.
La plupart de ces animaux sont élevés pour la science et les 3/4 proviennent d’élevages européens spécialisés. Sur notre territoire, on citera le CEA de Fontenay-aux-Roses, le Citoxlab à Evreux ou encore le centre de primatologie de Rousset (13) destiné à l’élevage et à la « production » d’un demi-millier de babouins pour les besoins de la recherche…
Plus controversé, le Centre d’élevage des Souches à Mézilles (89), un des plus gros producteurs de beagles et de golden retrievers destinés à l’expérimentation. Il fournit notamment des chiens à l’Association Française contre les Myopathies qui organise le Téléthon.
Cet élevage de plus de 1500 chiens au chiffre d’affaires de plus d’1 million d’euros (ne publie pas ses comptes depuis 2015) a fait l’objet de nombreuses controverses sur les conditions de détention des animaux et est dans le viseur d’associations de protection animale comme One Voice.
Le bilan de la France en matière d’expérimentation animale pose à minima question.
La directive européenne « 3R », une supercherie ? Plus de 2 millions d’animaux-cobayes sacrifiés chaque année rien que pour la France, c’est beaucoup. Surtout quand l’Europe vise officiellement « le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives dès que ce sera possible sur un plan scientifique. » Encore faut-il y mettre sérieusement les moyens.
Pour atteindre cet objectif, l’UE a mis en place la directive 3R pour Replacement, Reduction, Refinement. Ainsi, elle incite les États – sans caractère contraignant ni contrôle – à trouver d’autres modèles que l’animal, à réduire le nombre d’animaux testés et à améliorer les conditions de ces tests.
On compte donc sur la bonne volonté des laboratoires. Pourtant, les budgets dédiés au développement de méthodes alternatives restent faibles, les délais réglementaires pour les approuver sont très longs (parfois un quart siècle !). Et bien que la recherche avance sur la fiabilité de nouveaux modèles, ils sont pensés pour venir compléter les modèles existants, non pour les remplacer, de l’aveu même de ceux qui les développent.
« C’EST LA COMPLÉMENTARITÉ QUI EST RECHERCHÉE, ET PAS UNE OPPOSITION ENTRE LE IN VIVO ET CE QU’ON APPELLE LES NOUVELLES MÉTHODES. » THIERRY DECELLE, VÉTÉRINAIRE EN CHEF, SANOFI.
En France, c’est le Ministère de la Recherche et de l’Innovation qui délivre aux chercheurs l’autorisation d’utiliser des animaux. Chaque projet est soumis à un comité d’éthique (auto-déterminé). Une Charte d’éthique prévoit leur indépendance et leur impartialité. En 2019, un audit interne relève pourtant jusqu’à 30% de non-conformité desdits comités.
On s’étonnera qu’en 2017, aucun des 3 708 projets présentés n’ait été refusé. Normal, précise le ministère. « Le projet suit un processus au cours duquel il est amendé jusqu’à ce qu’il soit conforme », explique Laurent Pinon.
André Ménache qui a siégé pendant plusieurs années au sein de comités d’éthique en Belgique et en Suisse raconte son expérience :
Prenons le cas concret d’un chercheur qui planifie d’utiliser 100 rats à des fins de recherche, pour trouver un nouveau traitement du cancer chez l’homme. Le chercheur déclare au comité d’éthique qu’il pratique la réduction : « au lieu de 120 rats, j’ai utilisé 100 rats » ; qu’il pratique le « raffinement » : « je vais donner des antidouleurs toutes les 8 heures aux rats » ; et concernant le remplacement : « je veux étudier cette maladie dans un système vivant complexe entier et je ne peux pas le faire dans des cellules humaines en culture », ce qui est tout à fait légitime.
Lorsque je lui demande de démontrer la pertinence du modèle rat pour le cancer chez l’homme, à ce moment-là, on me répond : « Monsieur Ménache, vous dépassez votre cadre de membre du comité d’éthique. Votre cadre, ce sont les 3 R, et l’on a bien respecté les 3 R. » En définitive, on ne questionne pas la validité du modèle animal.
Bien au contraire, cette institution semble faire perpétuer le recours à l’expérimentation animale dans le temps en l’enrobant d’une éthique qui, en pratique, ne diminue pas réellement la souffrance animale.
Derrière la façade de l’éthique, une insoutenable réalité En lisant cette fameuse directive européenne, on sera pris de dissonance cognitive entre son intitulé « directive relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques » et certaines informations comme le paragraphe permettant d’aider le scientifique à déterminer la sévérité de la procédure pour l’animal (légère, modérée ou sévère).
En France, 19% des expériences sont dites sévères c’est à dire générant douleur, souffrance ou angoisse avec incidence grave sur le bien-être. Dans notre de cas, une forme de torture qui serait jugée criminelle et vivement condamnée par l’opinion si elle était pratiquée chez l’humain.
Morceaux choisis :
Essais de toxicité dont le point limite est la mort ou susceptibles d’entraîner la mort et de causer des états pathologiques graves. Irradiation ou chimiothérapie avec une dose létale. Modèles avec induction de tumeurs, ou avec tumeurs spontanées, susceptibles de provoquer une maladie progressive mortelle. Fractures instables provoquées, thoracotomie sans analgésie appropriée ou traumatisme visant à entraîner une défaillance multiple d’organes. Élevage d’animaux atteints de troubles génétiques, susceptibles de présenter un trouble grave et persistant de l’état général, par exemple, maladie de Huntington, dystrophie musculaire, névrite chronique récurrente. Utilisation de cages métaboliques entraînant une limitation importante de la liberté de mouvement pendant une période prolongée. Chocs électriques auxquels l’animal ne peut échapper. Stress d’immobilisation en vue de provoquer des ulcères gastriques ou une défaillance cardiaque chez le rat. Test de la nage forcée ou de l’exercice forcé dont le point limite est l’épuisement. On appréciera aussi le tableau des méthodes de mises à mort utilisées en fonction des espèces animales, page 72 du document.
Heureusement, le lobby pro-expérimentation Gircor (groupe interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche) est là pour nous rassurer : « La torture n’existe pas dans les laboratoires et la douleur est absente de la plupart des études. Les images choquantes qu’on voit parfois sont manipulées pour effrayer » peut-on lire sur leur site internet sous l’intitulé faussement pédagogique « Idée fausse n°6 : La recherche animale est une torture. »
Pour Audrey Jougla, présidente de l’association Animal Testing : « Le GIRCOR cherche à minimiser la souffrance des animaux et fait évoluer son discours en utilisant par exemple le terme ‘recherche animale’ au lieu ‘d’expérimentation animale’. La souffrance tend à être invisibilisée », analyse-t-elle.
Selon elle, les médias officiels font aussi du tort en utilisant des images « soft » de banque d’images qui ne reflètent pas la réalité de terrain. « Les chiens myopathes que nous avons filmés ne peuvent ni s’alimenter, ni respirer correctement, et peinent à se déplacer. » Ces images ultra-violentes, on peut les croiser parfois sur internet, mais jamais dans les grands médias qui font parfois comme si cette réalité n’existait pas.
« C’EST SÛR QUE SI L’ON PENSE QUE L’EXPÉRIMENTATION ANIMALE C’EST FAIRE UNE PIQÛRE À UNE SOURIS DE TEMPS EN TEMPS, ÇA RESTE ACCEPTABLE POUR LE GRAND PUBLIC. » AUDREY JOUGLA, ANIMAL TESTING.
Lors d’une enquête dans un hôpital parisien, un chercheur explique le cassage psychologique des signes qui peut prendre une semaine ou plus. L’animal est enfermé dans une chaise de contention et privé d’eau ou de nourriture. Sans cela, les singes sont trop peu dociles pour coopérer. Ce chercheur a pourtant, comme les autres, lu et validé la charte éthique.
Enquête dans un laboratoire de Hambourg par l’association allemande de défense des animaux Soko Tierschutz et l’ONG Cruelty Free International – 2019 Mais qu’on se rassure, l’expérimentation animale a fait des progrès… Pour illustrer cette allégation, deux exemples parlants issus du rapport parlementaire conduit par Cédric Villani en 2019 :
« Auparavant, quand on euthanasiait un rat, on lui frappait le cou sur le bord de l’évier, et ensuite on le saignait. Cette pratique est maintenant absolument interdite. » Pr Hélène Combrisson, Commission nationale de l’expérimentation animale (CNEA). Mais cette réalité d’hier montre que la recherche n’est pas figée et ne doit cesser d’évoluer en fonction des valeurs de son époque.
« Pour provoquer un infarctus chez le porc, une chirurgie lourde était pratiquée il y a encore quelques années : la thoracotomie. Aujourd’hui, on utilise les mêmes techniques qu’à l’hôpital : une petite incision dans un vaisseau pour faire passer un stent avec ballonnet de façon à créer un infarctus à distance. » Nicolas Dudoignon, Sanofi. Convaincus ?
Des scientifiques soumis à l’intimidation universitaire ? « Je préfère une ignorance malgré mon inlassable curiosité, à l’acquisition d’un savoir que je saurai n’avoir été obtenu que grâce à la souffrance d’un être vivant. » disait Théodore Monod.
Sans doute faisait-il référence à cette fraction de chercheurs qui considèrent les animaux comme du simple matériel biologique au service des humains, niant au passage toutes les recherches récentes de leurs homologues sur la « sentience » complexe des mammifères notamment. « 100 souris = 100 publications » ironise André Ménache. Dans certains brevets, le terme « plate-forme de production d’anticorps » a même remplacé le mot « souris »… Comme ne pas y voir l’expression d’une forme d’idéologie ethnocentrée où l’humain supérieur par défaut détient tout, contrôle tout, s’approprie le droit de vie et de mort de tout ce qui n’est pas lui-même. Étonnante éthique, surtout quand son application devient commerciale.
« CONSIDÈRENT-ILS L’ANIMAL EN TANT QU’ÊTRE SENSIBLE DEVANT ÊTRE PROTÉGÉ, ET NON PAS COMME UN ‘PETIT BOUT DE THÈSE’ ? » GEORGES CHAPOUTHIER, NEUROBIOLOGISTE.
Dans le milieu universitaire, pas toujours facile de devenir un lanceur d’alerte tant les pressions structurelles sont fortes. « Quelques personnes se présentent puis se rétractent par peur ou par dissuasion », témoigne Audrey Jougla. « Elles peuvent avoir des sanctions en interne comme l’absence de promotion. Nous sommes dans des secteurs où il est très difficile de changer de poste. »
Photo PETA / ANIMAL TESTING – Enquête 2016. Partout dans le monde, des scientifiques agissent pour mettre fin à l’utilisation des animaux par le développement de méthodes alternatives qui doivent encore faire leurs preuves. C’est le cas de l’association américaine PCRM (physicians committee for responsible medicine) qui rassemble pas moins de 12 000 médecins.
Comme les nombreux scientifiques qui témoignent sur le site d’Antidote Europe, ils sont convaincus que le modèle animal est aujourd’hui inadapté aux connaissances et aux recherches actuelles pour obtenir les résultats les plus favorables. Remettre en cause le modèle actuel de l’expérimentation animale n’a donc rien d’une confrontation contre la recherche et la science, c’est tout l’inverse. C’est s’allier à ces chercheurs outsiders qui tentent de faire évoluer un monde de la recherche très conservateur par nature.
« LE MODÈLE ANIMAL EST MOINS PRÉDICTIF POUR L’ÊTRE HUMAIN QU’UN JEU DE PILE OU FACE. » ANDRÉ MÉNACHE, RESPONSABLE DU COMITÉ SCIENTIFIQUE D’ANTIDOTE EUROPE.
La pandémie montre la limite de l’expérimentation animale Habituellement, un essai clinique est précédé de plusieurs étapes dont des tests sur animaux. Face à la « force majeure » imposée par le Covid-19, les traitements ont été directement testés sur les patients, outrepassant l’exigence réglementaire inscrite dans le Code de Nuremberg de 1947. Il semblerait qu’il soit donc possible de se passer du modèle animal tout en restant prudents et efficaces.
Notons d’ailleurs que seules les souris génétiquement modifiées ACE2 sont sensibles au Covid. Ces souris sont produites par le laboratoire américain Jackson Laboratory, qui a subi une pénurie au plus fort de la crise. En freinant la recherche française, elle révèle ainsi une autre faiblesse du modèle animal : celle de la dépendance aux autres pays.
« Plutôt que de manipuler furets, macaques ou souris, il serait plus utile – car plus conforme à la rigueur scientifique – d’investir dans des technologies performantes du 21ème siècle. » prédisait André Ménache en 2019. Parmi ces technologies, citons par exemple le dispositif in vitro « MIMIC » (Modular IMmune In vitro Construct) de Sanofi Pasteur qui modélise in vitro le système immunitaire humain.
Pour lui, essayer de reproduire une maladie humaine chez un animal est non seulement une aberration scientifique mais serait même parfois contre productif, laissant passer des produits toxiques et des médicaments aux effets secondaires dangereux pour les humains et, inversement, éliminer des produits révolutionnaires qui peuvent potentiellement fonctionner pour l’Homme mais pas chez la souris.
Les Français.es défavorables à l’expérimentation animale Reste une question de taille, totalement ignorée des autorités : les Français s’expriment majoritairement contre l’expérimentation animale. 90% sont favorables à l’interdiction de l’expérimentation animale si des méthodes substitutives existent (sondage IFOP de 2018).
Et 51% désapprouvent toute expérimentation sur les chiens et les singes, même si cela peut aider à résoudre des problèmes de santé pour les humains. (source : Commission européenne).
« SI VOUS ESSAYER DE RÉFUTER UN VIVISECTEUR EN DÉMONTRANT QUE L’EXPÉRIENCE QU’IL A EFFECTUÉE N’A ABOUTI À AUCUN RÉSULTAT UTILE, CELA IMPLIQUE QUE SI ELLE AVAIT ABOUTI À UN RÉSULTAT UTILE, VOUS CONSIDÈRERIEZ QUE L’EXPÉRIENCE ÉTAIT JUSTIFIÉE. C’EST UN POINT DE VUE QUE JE NE SUIS PAS PRÊT À APPROUVER. » GEORGES BERNARD SHAW
Le discours du monde de la recherche repose sur une morale déclarée « humaniste » visant à justifier l’injustifiable : faire souffrir les animaux, un mal nécessaire pour faire avancer la civilisation humaine. Avec la crise écologique globale, chacun réalise que cet ethnocentrisme ne fonctionne pas et que nous devons vivre en équilibre avec les autres espèces.
Au delà des aspects scientifiques, nous ne pouvons plus faire l’économie d’un débat éthique sur les droits fondamentaux des animaux et sur la justification morale des souffrances sans limites que nous trouvons normal de leur infliger, en particulier quand une recherche vise un objectif financier ou commercial.
Pour encourager le développement de méthodes alternatives : Mais que faire pour éviter de soutenir, à son échelle, l’expérimentation animale ? Acheter des produits cosmétiques et ménagers non testés sur les animaux.
Liste des cosmétiques cruelty free Liste des produits ménagers cruelty free Soutenir Animal Testing en les aidant à financer une application mobile type « Yuka » qui informerait sur les produits testés sur les animaux.
Écrire aux laboratoires pour les inciter à intégrer dans leurs protocoles de recherche la retraite et le cout de sortie des animaux.
Devenir famille d’accueil auprès de l’association Graal pour adopter des animaux réhabilités.
Témoigner en tant que scientifique aux cotés d’Antidote Europe pour mettre fin à l’utilisation des animaux par le développement de méthodes alternatives.
Partager vos informations (photos, vidéos, témoignages…) sur l’expérimentation animale vécue de l’intérieur auprès d’Animal Testing
Refuser de réaliser des tests sur les animaux
À la faculté en invoquant l’objection de conscience, un droit déjà reconnu en Italie et aux Pays Bas qui contraint les établissements à s’équiper de méthodes substitutives.
Pour en revenir au sujet... un article assez complet qui montre la limite des "trois R". Et personnellement, même si je peux entendre la nécessité (encore que...) de certains tests pour des questions vraiment vitales si on a pas le choix de faire autrement (et franchement, si on en restait là, ça limiterait de beaucoup je pense)... par exemple, le principe d'euthanasier des animaux (bref de mettre fin à des vies), ben non, on peut mettre toutes les justifications pragmatiques que l'on veut, ça reste définitivement une faute morale... (et je ne parle pas des conditions de détention, notamment dans les élevages agréés, qui si ils ont bien toutes les normes d'hygiènes font naître des animaux qui pour certains ne verront jamais la lumière du jour de leur vie... ).
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Inscription: 24 Avril 2014, 08:31 Messages: 3491 Localisation: Juste derrière vous. Ne vous retournez pas.
En effet. Je me posais la question en lisant cette phrase :
Citer:
ON ENTEND PAR PROCÉDURE D’EXPÉRIMENTATION ANIMALE TOUT CE QUI VA ENTRAÎNER CHEZ L’ANIMAL UNE DOULEUR, UN STRESS OU UNE ANGOISSE SUPÉRIEURE OU ÉGALE À L’INTRODUCTION D’UNE AIGUILLE.
...et le "cassage", et l'hébergement des animaux, ça ne provoque ni stress ni angoisse ? (Et question bonus : l'introduction d'une aiguille où ? Ça me paraît être un indicateur très variable et imprécis...)
Citer:
« C’est la loi » répondent froidement les laboratoires. Effectivement, la loi l’impose, mais seulement pour 1/4 des animaux utilisés !
Ce passage m'a interrogé : je doute que les laboratoires "sacrifient" volontairement des animaux qu'ils ont acheté "gratuitement", si rien ne les y oblige, par pur goût de la torture. N'est-ce pas là une conséquence perverse du système actuel ? Le risque qu'on leur colle un procès mémorable dont tous les médias parleront pendant six mois n'est-il pas tel, que les labos préfèrent jouer la carte de la sûreté et effectuer plus de tests qu'ils ne le devraient ? Je ne sais pas, c'est une vraie question que je pose.
Citer:
« les gens pensent que l’expérimentation animale n’existe plus depuis l’interdiction des cosmétiques testés sur les animaux en 2013. C’est une perception erronée. »
Citer:
les Français s’expriment majoritairement contre l’expérimentation animale. 90% sont favorables à l’interdiction de l’expérimentation animale si des méthodes substitutives existent (sondage IFOP de 2018)
Ça n'est pas un peu contradictoire...?
Citer:
Lors d’une enquête dans un hôpital parisien, un chercheur explique le cassage psychologique des signes qui peut prendre une semaine ou plus. L’animal est enfermé dans une chaise de contention et privé d’eau ou de nourriture. Sans cela, les singes sont trop peu dociles pour coopérer.
Bon, ça, en revanche, c'est scandaleux. Quand on connaît l'intelligence des singes...
_________________ « C'est une paralysie du sommeil. Ou bien un orbe. »(vieille sagesse zététique).
En effet... c'est de la torture pure et simple. On souhaite que le mec qui a battu/affamé son chien soit condamné en justice... et là, on fait la même chose en toute légalité ?!...
Citer:
Ça n'est pas un peu contradictoire...?
Je n'ai pas trouvé puisque la première proposition parle bien des tests sur les cosmétiques (qui sont effectivement interdits en Europe...), et la seconde des tests sur les animaux en général (donc aussi bien les tests sur les médicaments, les techniques thérapeutiques etc....). Après, il est possible que certaines personnes confondent les 2...
Je conçois que c'est un débat compliqué, surtout en matière de médecine, mais je pense qu'il faut que ça soit justement les scientifiques qui s'emparent du sujet en premier lieu, et s'interrogent sur leur propre pratique, remettent en cause les protocoles (il y a, dans sur pas mal de sujets, le moyen de faire autrement). Se faisant, ils pourraient faire bouger les lignes sociales et juridiques (parce qu'en effet, l'excès de tests c'est un moyen de se "couvrir" dans une société hyper-judiciarisée).
_________________ Même si on ne nous laisse qu'une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d'elle il y aura toujours le ciel tout entier. Etty Hillesum, Une vie bouleversée
Inscription: 05 Août 2008, 17:27 Messages: 7436 Localisation: Massif central. Par là.
N.B. : Ce message de réponse est complètement hors-sujet ; j'éditerai le topic dans les prochains jours pour déplacer les messages concernés dans le topic 'Zététique et politique' où ils seront plus à leur place.
Metronomia a écrit:
Je ne suis toujours pas convaincue et j'ai toujours le sentiment qu'on est là dans la grosse caricature. Car je ne sais pas ce qu'est sensé être "le français moyen" ni comment il se définit/à quoi il est sensé se reconnaître. Autre question: si le "français moyen existe", à quoi reconnaît-on alors le "français inférieur" et le "français supérieur"? (Puisque pour qu'il y ait un moyen, il faut bien qu'il y ait des gens au dessus et en dessous, sans quoi, il n'est plus moyen).
Dans le cas de la présente discussion, j'entendais l'expression "Français moyen" dans le sens de "dans la moyenne". Cf. mon idée de la personne piochée dans la rue. Ça n'induit pas d'idée de supériorité ou d'infériorité des citoyens entre eux (certains l'utilisent certainement dans ce sens, mais ce n'est pas mon cas).
Si tu choisis un Français au hasard, tu as de plus fortes chances de retrouver chez lui sur certains traits socio-culturels. Bien entendu, cela dépendra du sujet : par exemple, sur la question de la croyance religieuse, tu tomberas majoritairement (entre 60 et 70%) sur des gens agnostiques et ne se réclamant d'aucune confession en particulier. Cette réalité statistique peut permettre de dire que le Français moyen n'est pas très religieux (ce qui ne doit pas invisibiliser la réalité des 10 millions de cathos et les 3 millions de musulmans vivant dans le pays, bien entendu). Mais ce n'est pas toujours possible : par exemple, sur la question de l'appartenance politique, les choses seront plus tranchées et il devient plus difficile de définir un profil type (il me paraît ainsi très périlleux d'affirmer que le « le Français moyen est de gauche/droite »).
Metronomia a écrit:
C'est bien pour ça que pour moi le concept "du français moyen qui manque de rationalité" n'existe pas. Je le redis: ça dépend de tout un tas de variables: des sujets, du contexte, des moments, etcaetera, etcaetera. [...] D'abord, ce ne sont là que des échantillons on ne sait pas à quel point ils sont représentatifs.
Repartons des bases. La rationalité, c'est la capacité à construire une pensée articulée s'appuyant sur la raison et la logique. L'esprit critique, c'est la capacité à prendre du recul vis à vis d'un phénomène ou d'une information, de le/la remettre dans son contexte et de l'analyser pour pouvoir en déterminer la pertinence et l'objectivité. Je te donne des définitions un peu improvisées et simplifiées, on pourrait sûrement pinailler sur des détails... mais c'est ainsi en tout cas que je vois les choses. Les deux concepts sont pour moi très liés, car ils demandent d'avoir un raisonnement rigoureux et analytique avant de pouvoir prononcer un jugement.
J'adorerais sincèrement penser que la rationalité et l'esprit critique sont bien répandus au sein de la population... mais après une quinzaine d'années à fréquenter l'Internet consacré au paranormal, et 4 années à transmettre les bases de la zététique au grand public, empiriquement, j'arrive au constat inverse. Bien évidemment (j'enfonce une porte ouverte, mais au point où j'en suis...), ça ne veut pas dire que les gens sont des êtres prisonniers de leurs émotions et totalement dénués de raison. Les choses ne sont pas toutes noires ni toutes blanches. Mais les bases de la pensée rationnelle (par exemple, faire la différence entre une corrélation et une causalité) et critique (avoir le réflexe de vérifier la provenance et la fiabilité d'une information) ne sont pas là, je suis régulièrement forcé de le constater même si ça fait du mal à ma philanthropie. Oui, je réalise que cela me fait un point commun avec les néo-zététiciens opportunistes à la Bronner et Mr. Sam ; tant pis.
Et non, ça ne veut pas dire que les gens sont des idiots. Juste qu'ils n'ont pas été formés à ces choses-là. C'est comme la culture politique : ce n'est pas inné, ça s'apprend (et je suis bien placé pour le savoir, vu que ma conscientisation politique est relativement tardive). Et je ne crois pas non plus que ce constat (qui m'est tout personnel, je n'oblige personne à le partager) soit intrinsèquement élitiste : il ne vise pas uniquement les classes populaires, je connais un paquet de cadres sup' qui auraient eux aussi besoin d'un bonne formation en la matière...
Ce type de constat pourrait déboucher sur une idéologique élitiste s'il se mâtinait d'essentialisme, en conduisant à penser que la seule bonne forme de gouvernance est une technocratie, le peuple étant jugé irrémédiablement irrationnel et inapte à la prise de décision. Mais étant constructiviste, je pense que cela n'a rien d'irréversible et qu'une éducation appropriée permettrait aisément d'inverser la tendance, comme je l'ai répété à de nombreuses reprises.
Metronomia a écrit:
Et là encore, je le redis: même si les commentaires dont tu parles existent bel et bien (et oui, c'est clairement le cas, ils existent), ce n'est pas pour autant qu'en les lisant je me dirai : "Oh, mon dieu, voilà que le français moyen qui manque de rationalité et est dans l'émotionnel à encore frappé". Je me dirai plutôt : "Oh, mon dieu, on n'a définitivement pas tous les mêmes priorités: on ne hiérarchise pas de la même façon et force est de constater qu'on n'a pas tous les mêmes valeurs et qu'on n'a pas le cul sorti des ronces". Ce qui n'a rien à voir avec le manque d'esprit critique ou de rationalité. Car dire que c'est par manque de rationalité sous-entend que si ces gens étaient correctement informés, ils seraient forcément d'accord... Autant te dire que je pense que c'est une erreur.
Nous avons déjà abordé le sujet ailleurs (dans une autre discussion ou par MP ?).
Bien entendu, c'est plus compliqué que cela. On peut avoir un certain avis politique pour des raisons rationnelles, ou irrationnelles, ou un mélange de tout cela. A la base, comme tu le notes, il y a des questions de valeurs ou de visions idéologiques du monde. Chez les écolos, par exemple, on peut être animé par des approches matérialistes (penser que la nature est un patrimoine doté d'un caractère inaliénable à préserver) ou spirituelles (la Nature est une entité supérieure nommée Gaïa), mais dans les deux cas, on partira de ces postulats pour construire une réflexion logique qui aboutira même à des mises en application pratique similaires. Ou alors, on peut être dans une démarche non réfléchie, et vouloir protéger l'environnement parce qu'on a lu à droite et à gauche que les agriculteurs polluaient la nature avec leurs pesticides et que ça nous met très en colère.
Je dresse un portrait volontairement très caricatural (il y a des militants écolos qui arrivent à être en colère et à avoir une réflexion rationnelle... parfois...). C'était juste pour dire que : - je te rejoins sur le fait qu'on peut être correctement informé, rationnel et tout, et quand même avoir des opinions divergentes ; - malgré tout, dans la masse des commentaires postées sur Liberation.fr, 20 Minutes, la plupart des réseaux sociaux ou que sais-je, je vois quand même beaucoup d'avis à l'arrache, reposant sur des informations fausses ou des préjugés grossiers, ou pondu par des gens n'ayant manifestement pas réfléchi deux secondes au sujet qu'ils abordent. Tu ne vas quand même pas me dire que la masse des internautes qui appellent régulièrement au rétablissement de la peine de mort au moindre délit médiatisé (surtout lorsqu'il est commis par un racisé) ont réellement eu une réflexion poussée sur le système judiciaire et carcéral français, et qu'ils sont arrivés à la conclusion que la peine de mort était une solution valide ? Si ?..
Cette observation, associée à mon expérience personnelle du public (virtuel ou en chair et en os), contribue à renforcer mon constat. Je suis peux-être complètement dans l'erreur, hein. Comme dirait l'autre, on se souvient toujours des trains qui arrivent en retard et jamais de ceux qui sont à l'heure...
Metronomia a écrit:
Citer:
MAIS il faut aussi regarder les choses en face... (...) pour encourager la création d'une éducation populaire qualitative histoire de hisser tout ce petit monde vers le haut
Et qui définit ce "haut", comment, et sur la base de quoi?
Je ne saurais pas exactement moi-même comment le définir, mais il me semble par exemple qu'il y a des "bases" d'esprit critique que tout le monde devrait connaître (sans pour autant devenir un cador en statistiques ou un spécialiste ayant identifié et cartographié tous les biais cognitifs existants). Considère par exemple le contenu de (l'excellent) petit livre Petit Cours d'Autodéfense Intellectuelle de Baillargeon : il contient les b.a-ba de l'esprit critique que tout le monde devrait avoir en tête.
Metronomia a écrit:
Je parlais quant à moi d'un point très précis: je disais qu'on entend rarement des gens des classes pop ou moyennes dire que "les français moyens manquent de rationalité et sont trop dans l'émotionnel". Ou plutôt, si, je m'auto-corrige: on l'entend, en fait. (...) Et j'avoue que ça me rend triste de voir que même des gens que j'ai en grande estime peuvent contribuer à ce discours.
Ça me rend également triste de constater que je déçois des gens que j'estime par ailleurs.
Dans mes derniers messages sur ce thread, je me suis permis d'écrire un paquet de choses parce que la discussion se faisait entre nous ; ce sont des sujets que nous avons déjà abondamment abordés sur le topic "Zététique et politique", nous en avons tous les deux discuté par MP... Tu m'as déjà vu également intervenir devant un public, je me suis donc dit que tu devais commencer à voir par quel état d'esprit je suis animé. Je ne me serais probablement pas permis de balancer tout de go à des inconnus que « les Français moyens manquent de rationalité et sont trop dans l'émotionnel », parce que je pense effectivement que c'est un discours potentiellement dangereux (même si le constat n'en reste pas moins vrai, à mon sens). Tu te souviendras que lorsque je parle de théorie du complot en conférence, je passe d'abord 30 minutes à dédramatiser le truc, à rappeler que nous sommes tous des complotistes à des degrés divers (y compris les médias et les puissants) et que ce n'est pas une mauvaise chose en soi d'être complotiste du moment que l'on fait ça bien.
Je dois horriblement mal m'exprimer, ou surestimer la transparence de mes pensées, car j'ai l'impression dans le présent message d'enfoncer beaucoup de portes ouvertes (ou tout du moins, des portes qui me semblaient ouvertes ?) et d'avoir besoin d'expliciter des choses qui me semblaient claires pour les personnes ayant déjà discuté de politique avec moi. Ou alors, je suis juste fatigué et je vois des problèmes là où il n'y en a pas. C'est p'têt le cas (c'est même certain, pour la fatigue).
Metronomia a écrit:
Quant à moi, j'aurais plutôt écrit: si la désinformation n'était pas si répandue, si nos médias faisaient le travail correctement, si on donnait les moyens à nos écoles, à nos universités, les gens auraient de bien meilleures armes pour appréhender le monde qui les entoure. Rien à voir, donc, avec l'émotion ou le manque de rationalité: tout ça est profondément politique et lié au fonctionnement de notre société et c'est celà, à mon sens, qu'il faut pointer du doigt, et non "les gens".
Que le problème soit intrinsèquement social et politique, nous sommes bien d'accord et je me tue à le dire depuis mon premier message. Mais si on ne peut pas constater dans un premier temps le manque d'esprit critique de nos contemporains, comment peut-on ensuite pouvoir en comprendre les causes et y apporter une solution ? Je crois qu'on retombe sur la même divergence fondamentale que celle qui avait fini par émerger lors de nos discussions avec Cortex : nous n'accordons pas la même importance entre les faits, la perception desdits faits, et les constructions culturelles qui se rajoutent par dessus.
Quant au fait que ça n'ait rien à voir avec la question des émotions, je pense personnellement que si : à mon avis, lorsqu'on manque de pensée rationnelle et de recul critique vis à vis des autres et de soi-même, on a moins de recul vis-à-vis de ses propres états intérieurs et de le façon dont ils nous influencent, et on est davantage susceptible de se faire suggérer des émotions par autrui (la propagande cherche souvent à susciter l'indignation ou la colère pour persuader ses auditeurs). Une émotion, c'est quelque chose de beaucoup plus simple, intuitif et plus 'naturel' qu'une réflexion ; la preuve, c'est qu'une partie de l'évolution des enfants entre 3 et 8 ans consiste d'ailleurs pour eux à apprendre à canaliser leurs émotions.
Metronomia a écrit:
Tu ne dis pas le contraire mais en choisissant dans ton exemple de pointer Greepeace du doigt plutôt que le lobby du nucléaire, tu fais un choix qui n'est pas neutre et, par la force des choses, tu "asymétrises".
Si j'ai parlé de Greenpeace et du nucléaire, c'est parce qu'il y a un contexte à notre discussion : nous abordions la question des associations qui finiraient par acquérir une compétence technique sur leurs prédilections. Et je prenais l'exemple de Greenpeace pour illustrer que ce n'est pas forcément vrai : dans cette association, vis à vis des questions énergétiques, c'est l'idéologie qui prime (comme chez beaucoup d'écolos au demeurant), ce qui pousse parfois Greenpeace à affirmer des choses factuellement fausses.
Metronomia a écrit:
Mais bien sûr qu'on peut objecter le contraire, et avec des arguments sensés en plus. (J'ai toujours un peu de mal avec le discours qui sous-entend qu'il ne faudrait pas questionner ce qui est considéré par certain-e-s comme des vérités immuables. Heureusement encore, qu'on a le droit de réfléchir et de déconstruire les discours).
Je n'ai pas dit le contraire. Je n'ai aucun souci avec le fait qu'on questionne la dangerosité ou la pertinence du Linky ou de la 5G (à plus forte raison qu'à titre personnel, je ne suis pas du tout un convaincu de ces technologies). En revanche, je demande que cela soit fait avec des arguments sensés.
Or, c'est là le problème. J'ai eu l'occasion d'assister non pas à 1, ni 2, mais à 3 réunions publiques sur le Linky organisées par des comités 'anti-ondes' (je dois sûrement être un peu maso). Et ce fut une tragédie à chaque fois : les intervenants ont presque toujours raconté n'importe quoi. Tu vois, je comprendrais tout à fait qu'ils invoquent comme toi la question « des faibles doses, des durées d'exposition, des interactions, du décalage entre le temps de la science et celui de la société », etc. Ce sont des arguments tout à fait entendables. Il y a plein de choses qu'on ne sait pas (notamment sur la 5G) et qui justifient qu'on aborde ces sujets-là avec une prudence raisonnable. Or, lorsque les gars affirment toutes les 30 secondes que le Linky émet de façon avérée des rayonnements néfastes pour la santé (ce qui est faux dans l'état actuel de nos connaissance), provoque des pannes sur les machines (complètement non démontré à ce jour), voire accélère l'obsolescence programmé de l'électroménager (!) ou permet d'envoyer des virus dans les ordinateurs via le courant électrique (!!)... A ce stade, je ne crois pas qu'on soit encore dans le débat politique, on nage complètement en pleine désinformation — d'où ma remarque précédente. Et c'est d'autant plus embêtant que dans les 3 cas, la majorité de la salle buvait complètement les paroles des intervenants.
Inscription: 28 Juillet 2012, 23:41 Messages: 3529 Localisation: Au fond à gauche (et derrière Pochel, ça semble plus sûr)
Ar Soner a écrit:
Dans le cas de la présente discussion, j'entendais l'expression "Français moyen" dans le sens de "dans la moyenne". Cf. mon idée de la personne piochée dans la rue. Ça n'induit pas d'idée de supériorité ou d'infériorité des citoyens entre eux (certains l'utilisent certainement dans ce sens, mais ce n'est pas mon cas).
Je pense que ce discours, même s'il est sincère, ne tient pas.
Constater le manque de culture, d'esprit critique et de rationalité chez le français "lambda" implique nécessairement/logiquement/mathématiquement qu'il existe en regard des gens "plus rationnels", avec "plus d'esprit critique" et plus de "culture". Qu'on le veuille ou non, il n'y a en effet que la comparaison qui permette de statuer sur le fait qu'une chose serait "plus" ceci ou "moins" cela. En gros, un manque ne peut être définit que par rapport à (l'idée que l'on se fait d') une situation "pleine", "entière", "optimale".
Partant de là, il y a forcément et qu'on le veuille ou non, un "français supérieur" et un "français inférieur" si l'on émet l'idée d'un "français moyen" pour les choses qui touchent à l'intellect.
Et comme je le disais, à ce petit jeu-là (et qu'on le veuille ou non là encore), ce ne sont pas les classes sup qui perdent, mais bien les classes moyennes et populaires, pour des raisons politiques évidentes.
Ce cadre que tu poses, a en plus des effets concrets. Car ce n'est pas du tout la même chose de dire (par exemple) que "les français méritent mieux que l'école et l'université qu'on leur propose actuellement et qui manquent de moyens" et de dire "Les français manquent de rationalité, de culture et d'esprit critique et il faut absolument les sortir de ce marasme". Ça n'induit pas du tout les mêmes ressorts dans la discussion, ni les mêmes solutions, et ça n'active pas non plus le même imaginaire dans la tête des gens. Dans le premier cas, ça peut par exemple donner envie de se battre pour sauver le service public. Tandis que dans le second, à part conduire à une hiérarchisation des êtres et à la stigmatisation de celles et ceux qui seraient considérés comme "manquant de" quelque chose, je ne vois pas trop?
Cela étant posé, bien sûr qu'il existe des gens qui sont porteurs de savoirs que d'autres n'ont pas. C'est heureux car c'est ce qui fait qu'on a des profs, des maitres de conf, etc., qui peuvent nous enseigner des tas de trucs. Mais ce que je soutiens, c'est justement que nous avons tous des savoirs/capacités/aptitudes/connaissances spécifiques et que chacun de nous a potentiellement des choses à enseigner à son voisin et inversement. Dieu merci, ce rôle n'est pas réservé qu’aux enseignants/sachants officiels, qui ont eux aussi bien des choses à apprendre de leurs élèves. Bref, je suis pour l'horizontalité comme "horizon idéal" (que l'on atteindra jamais et qui, si on l'atteignait, créerait certainement tout un tas d'autres problèmes, mais bref...) et pour la notion "d'échange".
A contrario, (et ce qui va suivre est un argument important d'après moi), en sous-entendant que le français moyen manquerait de culture et d'esprit critique, il y a de fortes chances pour que l'on soit en train de hiérarchiser (consciemment ou pas) les choses qui méritent d'être sues et apprises plus que les autres. Il y aurait grosso modo des savoirs plus "nobles" et plus essentiels que d'autres. Or, ça aussi c'est complètement politique et ça n'a finalement pas grand chose de naturel. Comme beaucoup de choses, ça se discute, et il faut voir aussi de quelles normes on part pour établir ça.
Citer:
Si tu choisis un Français au hasard, tu as de plus fortes chances de retrouver chez lui sur certains traits socio-culturels.
Bien sûr. La seule chose que je conteste, ce sont les jugements de valeur. Pas le fait qu'il y ait des différences entre les gens du fait de tout un tas de facteurs car ce point relève de l'évidence.
Citer:
Mais ce n'est pas toujours possible : par exemple, sur la question de l'appartenance politique, les choses seront plus tranchées et il devient plus difficile de définir un profil type (il me paraît ainsi très périlleux d'affirmer que le « le Français moyen est de gauche/droite »).
On a coutume de dire que les français sont globalement plutôt à droite, et j'aurais tendance à être plutôt d'accord avec ça. Mais ça se base clairement sur des observations toutes personnelles et je ne saurais pas forcément les objectiver (mais peut-être - sûrement - qu'il existe des papiers là-dessus?).
Ar Soner a écrit:
J'adorerais sincèrement penser que la rationalité et l'esprit critique sont bien répandus au sein de la population... mais après une quinzaine d'années à fréquenter l'Internet consacré au paranormal, et 4 années à transmettre les bases de la zététique au grand public, empiriquement, j'arrive au constat inverse.
Je fais l'hypothèse (qui n'est donc qu'une hypothèse, hein) que c'est le regard que tu poses sur les choses qui t'amène à ce constat plus qu'une réalité bien établie. Ça me fait penser au fameux dicton d'Abraham Maslow qui dit que si le seul outil qu'on a est un marteau, on verra tout problème comme un clou.
Ici, en l'espèce, si tu es persuadé que le français moyen manque d'esprit critique, c'est ce que tu verras, alors qu'en posant un autre regard - plus horizontal - tu verrais probablement bien plus de nuances et tu apprendrais sûrement des tas de choses intéressantes de ton interlocuteur.
Et j'ai tout à fait conscience que tu risques de m'objecter que c'est exactement pareil pour moi, que je n'échappe pas à ce biais du marteau et du clou. Tu aurais raison. Mais j'admets que j'ai la faiblesse de croire que la complexité de la réalité me donne raison.
Citer:
Bien évidemment (j'enfonce une porte ouverte, mais au point où j'en suis...), ça ne veut pas dire que les gens sont des êtres prisonniers de leurs émotions et totalement dénués de raison. Les choses ne sont pas toutes noires ni toutes blanches. Mais les bases de la pensée rationnelle (par exemple, faire la différence entre une corrélation et une causalité) et critique (avoir le réflexe de vérifier la provenance et la fiabilité d'une information) ne sont pas là, je suis régulièrement forcé de le constater même si ça fait du mal à ma philanthropie. Oui, je réalise que cela me fait un point commun avec les néo-zététiciens opportunistes à la Bronner et Mr. Sam ; tant pis.
Alors je vais te poser la question autrement. Dirais-tu que Bronner et Mr Sam (je reprends tes exemples) ont plus d'esprit critique et ont généralement de meilleures analyses des situations que le premier citoyen venu? La réponse t'appartient évidemment.
Pour moi, sans surprise, ce n'est clairement pas le constat auquel j'aboutis. Bronner comme Mr Sam ne disent évidemment pas que des bêtises mais, la plupart du temps, ils émettent d'après moi des avis et profèrent des discours qui valent ceux de tout un chacun. Ce sont en tout cas des discours auxquels j'ai plein de choses à objecter.
Comme je te le disais, je suis conséquentialiste: et force est de constater que se revendiquer de l'esprit critique et penser que les français moyens manquent de rationalité ne prémunie pas plus les zététiciens que n'importe qui de (ce que je considère être) des erreurs d'analyses.
Partant de là, je le redemande: sur la base de ces constats, à quel moment décide-t-on que cette grille de lecture (i. e. les gens lambdas manquent d'esprit critique, contrairement à d'autres qui en ont plus) est efficace pour rendre compte de ce qui est? Et sur quelles bases claires et précises juge-t-on que quelqu'un manque de rationalité et d'esprit critique? Ce sont d'après moi des questions fondamentales.
Je vais de te donner ici un exemple personnel pour illustrer (je mets en spoiler pour que ça ne donne pas un trop gros pavé):
Spoiler :
Ma soeur a été vaccinée contre l'hépatite B quand elle avait environ 18 ans. Quasi instantanément, cette dernière tombe malade et on ne la reconnaît plus: elle a l'oeil presque vitreux par moments, devient complètement apathique, etc. Je n'entre pas plus dans les détails car ça ne sert à rien. Ma mère en parle aux médecins, qui lui rient tous au nez (probablement en se disant in petto que décidément, la française moyenne manque d'esprit critique, de culture scientifique et de rationalité... ). Les années passent et, un beau jour, ma mère lit dans le journal le témoignage d'une femme Nantaise qui relate le calvaire vécu par sa fille depuis l'injection du vaccin contre l'hépatite B (à peu près à la même période que ma soeur, en plus...). Cette femme décrit exactement les mêmes symptômes que ce que ma famille observe avec ma soeur depuis son vaccin.
L'histoire s'arrête là car le corps médical n'a jamais pris en compte les remarques et constats de ma mère et elle a donc cessé d'en parler. Mais elle n'en pense pas moins. Aujourd'hui, si tu discutais avec elle, tu verrais qu'elle défend des positions un peu antivax. Mais sachant tout ce que je viens de t'expliquer, dirais-tu qu'elle est irrationnelle et juste dans l'émotion? Je crois personnellement et quant à moi que nous étions mieux placés que les médecins pour observer certains changement brutaux et que le raisonnement de ma mère était (et est toujours) très logique. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu'elle a forcément raison. Peut-être qu'elle se trompe et que tout ça n'est que le fruit d'une fâcheuse coïncidence. Reste que l'irrationalité n'a rien à voir là-dedans et on ne peut pas non plus exclure que ce soit le corps médical qui se soit trompé.
Dans le même ordre d'idée, un doctorant de l'unité dans laquelle je bosse travaille justement sur les antivax et ses observations sont sans appel: les discours et les cas sont multiples et plein de nuances: il n'a finalement que très peu (voire pas) rencontré d'illuminés complètement irrationnels qui raconteraient n'importe quoi. Par contre, il voit des gens qui remettent certains vaccins en cause, mais pas d'autres. Ou bien il voit des gens qui remettent tous les vaccins en cause à un moment de leur vie mais qui changent d'avis parce qu'entre temps, ils ont fait une expérience qui a modifié leur façon de voir les choses, etc., etc. Bref, là encore, quand on se penche précisément sur les choses, on observe assez vite qu'elle sont toujours beaucoup plus nuancées et variées que ce que l'on aurait pu penser au départ.
Citer:
Et je ne crois pas non plus que ce constat (qui m'est tout personnel, je n'oblige personne à le partager) soit intrinsèquement élitiste : il ne vise pas uniquement les classes populaires, je connais un paquet de cadres sup' qui auraient eux aussi besoin d'un bonne formation en la matière...
Je ne doute pas un instant du fait que ce ne soit pas ton intention mais clairement, pour moi, ce constat l'est, élitiste, et je pense en avoir apporté la démonstration logique ci-dessus (oui, je sais, en disant ça je manque clairement d'humilité, mais bon... )
Citer:
Mais étant constructiviste, je pense que cela n'a rien d'irréversible et qu'une éducation appropriée permettrait aisément d'inverser la tendance, comme je l'ai répété à de nombreuses reprises.
Je sais bien que tu l'as déjà dit plusieurs fois. J'ai bien compris l'argument. J'objecte quant à moi que c'est le constat de départ qui me semble erroné pour toutes les raisons déjà évoquées et j'ajoute que ce constat (qui me semble) erroné me fait peur parce qu'il n'amène d'après moi pas les bonnes solutions derrière. Concrètement: penser de cette façon va par exemple jouer sur la manière même dont on enseigne les choses aux gens. Si on les pense en-dessous de soi (plutôt que de les voir comme des altérités complémentaires qui ont elles aussi des savoirs et des choses à nous apprendre), on va nécessairement instaurer une verticalité, avec tous les effets pervers que cela suppose. Alors que l'enseignement, ça peut être tout à fait autre chose (j'ai pas lu Rancière mais il paraît qu'il en parle très bien dans Le maître ignorant).
Ar Soner a écrit:
Dans mes derniers messages sur ce thread, je me suis permis d'écrire un paquet de choses parce que la discussion se faisait entre nous ; (...) Je dois horriblement mal m'exprimer, ou surestimer la transparence de mes pensées, car j'ai l'impression dans le présent message d'enfoncer beaucoup de portes ouvertes (ou tout du moins, des portes qui me semblaient ouvertes ?) et d'avoir besoin d'expliciter des choses qui me semblaient claires pour les personnes ayant déjà discuté de politique avec moi.
Ici, j'avoue que je ne sais pas trop quoi répondre. Quel constat souhaiterais-tu que je fasse et quelles conclusions suis-je sensée en tirer? Que je suis une idiote qui n'a rien compris à ce que tu penses depuis tout ce temps? Eh bien écoute, peut-être (sûrement?), en effet...
Ar Soner a écrit:
Que le problème soit intrinsèquement social et politique, nous sommes bien d'accord et je me tue à le dire depuis mon premier message. Mais si on ne peut pas constater dans un premier temps le manque d'esprit critique de nos contemporains, comment peut-on ensuite pouvoir en comprendre les causes et y apporter une solution ?
Justement, si on pense vraiment que les problèmes sont politiques (et pas du tout liés aux capacités du citoyen lambda par essence), les causes sont toutes trouvées: elles sont liées notamment aux inégalités d'accès à l'apprentissage. Je ne t'apprendrai rien en te disant qu'on ne dispose pas tous des mêmes environnements, des mêmes réseaux, des mêmes accès aux livres, à Internet, etc. Et si l'école est gratuite et obligatoire, on sait très bien qu'elle génère quand même en son sein tout un tas d'inégalités (ici, je te renvoie à nouveau vers le livre de Lahire dont je parlais dans mon précédent message car il paraît qu'il est vraiment très très bien. Mais tu peux aussi juste lire par exemple cette interview pour un bref aperçu).
En résumé, pour moi, "constater un manque d'esprit critique de nos contemporains" est une prémisse qui n'est ni juste, ni nécessaire. Noter les inégalités évidentes suffit à penser qu'il faut améliorer cette société et cela fait qu'automatiquement, pour ce faire, on ne pointe plus du doigt ses contemporains mais bien les circonstances dans lesquelles ils évoluent. Ça peut avoir l'air d'un détail mais c'est une nuance importante pour moi puisque, comme je le disais plus haut, ça ne produit pas du tout les mêmes effets sur les gens et dans la société quand tu dis : "le français moyen manque de culture et d'esprit critique" et quand tu dis "les français méritent mieux que l'école et l'université que l'on est en train de brader et de sacrifier".
Citer:
Quant au fait que ça n'ait rien à voir avec la question des émotions, je pense personnellement que si : à mon avis, lorsqu'on manque de pensée rationnelle et de recul critique vis à vis des autres et de soi-même, on est davantage susceptible de se faire suggérer des émotions par autrui (la propagande cherche souvent à susciter l'indignation ou la colère pour persuader ses auditeurs) et l'on a moins de recul vis-à-vis de ses propres états intérieurs et de le façon dont ils nous influencent.
Mais, du coup, je te le redemande: comment est-ce que tu mesures ça? A quel moment/sur quels signes précis décides-tu que quelqu'un commence à être "trop dans l'émotion" ou à "manquer de pensée rationnelle" (ce qui résonne quand même pas mal comme des arguments paternalistes)? La frontière entre le rationnel et l'irrationnel n'a rien de clair et d'évident. C'est là encore un problème complètement politique. Pour caricaturer, citons ici l'exemple des féministes qui se font traiter à tour de bras d'hystériques. C'est diablement efficace pour discréditer un discours. Mais c'est aussi diablement faux et caricatural (plus exactement: la colère et l'emportement d'un homme ne seront que bien plus rarement perçus comme des signes d'hystérie: ce sera au contraire plus valorisé parce que rapporté aux notions d'autorité, de fermeté, de virilité, etc.). Mais bref, je ne t'apprends rien, tu sais déjà tout cela.
Ar Soner a écrit:
Si j'ai parlé de Greenpeace et du nucléaire, c'est parce qu'il y a un contexte à notre discussion : nous abordions la question des associations qui finiraient par acquérir une compétence technique sur leurs prédilections. Et je prenais l'exemple de Greenpeace pour illustrer que ce n'est pas forcément vrai : dans cette association, vis à vis des questions énergétiques, c'est l'idéologie qui prime (comme chez beaucoup d'écolos au demeurant), ce qui pousse parfois Greenpeace à affirmer des choses factuellement fausses.
Une question (importante d'après-moi), qu'entends-tu exactement par "idéologie"? (Et puis l'idéologie ce n'est pas - toujours - sale en soi. Pourquoi le transformer si souvent en gros mot?*). (*Ici, je ne parle pas de toi spécialement, mais d'une observation que je fais couramment sur le Web).
Sinon, désolé, je reviens ici un peu en arrière car je réalise que j'ai oublié de répondre à ça:
Citer:
Tu ne vas quand même pas me dire que la masse des internautes qui appellent régulièrement au rétablissement de la peine de mort au moindre délit médiatisé (surtout lorsqu'il est commis par un racisé) ont réellement eu une réflexion poussée sur le système judiciaire et carcéral français, et qu'ils sont arrivés à la conclusion que la peine de mort était une solution valide ? Si ?..
On en revient toujours au même ici: pointer du doigt mes contemporains ne m'intéresse pas. Je pense que ça n'a pas d'intérêt ni humain, ni politique, ni spirituel. Ce qui m'intéresse, c'est le cadre/le contexte/la société qui fait que nos concitoyens sont plutôt pro peine-de-mort et le pourquoi ils n'auraient pas une réflexion très poussée ou aboutie. Et, je le redis une dernière fois car je crois que ma position est désormais assez claire: pour moi, le manque de rationalité ou l'émotion n'ont rien à voir avec la choucroute et dire l'inverse, c'est nécessairement/logiquement/mathématiquement essentialisant, qu'on le veuille ou non.
Pour le dire autrement et encore plus clairement: d'après moi, si on est vraiment, profondément, convaincu que le problème ne vient pas des gens par essence mais bien du politique, cela n'a plus aucun sens de parler de "manque de rationalité et d'esprit critique".
Citer:
Or, lorsque les gars affirment toutes les 30 secondes que le Linky émet de façon avérée des rayonnements néfastes pour la santé (ce qui est faux dans l'état actuel de nos connaissance), provoque des pannes sur les machines (complètement non démontré à ce jour), voire accélère l'obsolescence programmé de l'électroménager (!) ou permet d'envoyer des virus dans les ordinateurs via le courant électrique (!!)...
Revenons-en donc ici à nos prétentions conséquentialistes puisqu'il semble que c'est une chose que toi et moi partageons. Qu'est-ce qui finalement te met si "en colère"* (je ne sais pas si c'est le mot: j'aurais aussi pu écrire "te défrise", ou un truc du genre. Bref, tu vois l'idée)? Ok, ce discours n'est pas étayé en l'état actuel de nos connaissances (la nuance est quand même fondamentale), soit. Ces affirmations sont donc fausses pour l'instant. Je suis d'accord avec ça. Mais si tu y réfléchis, elles vont au moins avoir le mérite de faire bouger les lignes. La controverse/le débat, c'est utile politiquement: ça sert à faire jouer le rapport de force. Et c'est aussi utile scientifiquement puisque ça sert justement à tester des hypothèses. Enfin, ça permet aussi de faire avancer les connaissances dans la mesure où ces hypothèses, même si elles ne se vérifient pas, peuvent toujours servir à théoriser des impensés et à anticiper des choses qui ne seraient pas encore advenues.
Alors que les discours convenus et/ou qui entrainent le statu quo n'ont, d'après moi, que peu de chances de produire des effets très intéressants. Si? (C'est une vraie question ici, pas une question rhétorique).
*Bon, je me fais un peu l'avocat du diable ici. Car en réalité, je comprends bien ce qui te déplait. Mais pour moi, si on peut tout à fait légitimement déplorer le mensonge et la désinformation (je les déplore aussi), cela n'a d'après moi pas de lien avec un supposé manque de rationalité. Pour le dire autrement: si tous les gens avaient par exemple un niveau de connaissance solide sur les ondes (ici, tu peux remplacer "ondes" par n'importe quel thème sujet à controverse et tu peux même cumuler ces thèmes à l'envi), penses-tu que cela générerait automatiquement une société plus sage/préférable/plus enviable politiquement? Je n'en suis, à titre personnel, pas du tout convaincue dans la mesure où tout est constamment plus compliqué que ça et où chaque époque, chaque lieu, connaît son lot de gros problèmes. En gros, si les sciences sont évidemment fondamentales (je ne suis pas en train de prôner l'obscurantisme, hein!), elles ne sont évidemment pas la solution à tout (je sais que c'est un constat très trivial que je fais là, mais je l'écris cela pour dérouler ma pensée jusqu'au bout et pour que mes interlocuteurs puissent suivre le raisonnement qui est le mien).
_________________ Titulaire d'un doctorat en fantomologie à Paranormal Sup
Pour changer des histoires tristes ou un peu lourdes, un petit florilège d'histoires de chats qui sauvent leurs maîtres... après, l'ont-ils vraiment fait "consciemment" ? Si je ne doute pas qu'un chat soit capable de comprendre la notion de "je défends mon humain", j'ai plus de doutes quand à sa capacité de taper le 911 sur un téléphone (cela dit, si le numéro est pré-enregistré, je pense que, certains en tout cas, seraient capables d'apprendre à appuyer sur la bonne touche. Les chiens y arrivent bien)...
La photo du chat qui a coincé un ours en haut d'un arbre m'a bien fait marrer en tout cas...
Remarquez, ce n'est pas le seul à oser affronter bien plus gros et dangereux que lui... (personnellement, je ne laisserais pas mon chat affronter des serpents venimeux ou des ours, mais bon... comme à Dijon il n'y a ni serpents venimeux, ni ours, ni puma ou alligators... Par contre, avec les chiens il est terrible, un vrai tyran... )
_________________ Même si on ne nous laisse qu'une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d'elle il y aura toujours le ciel tout entier. Etty Hillesum, Une vie bouleversée
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