Metronomia a écrit:
(du coup, j'en profite au passage pour te demander si ça t'ennuie que je continue à poster ce genre de trucs?)
Du tout. C'est intéressant et ça suscite la discussion, donc vas-y !
Metronomia a écrit:
a priori (je dis a priori car je suis parfaitement incompétente sur ces questions), ce qu'il dit est tout bonnement n'importe quoi. Une twitta disait quelque part que ça n'avait aucun sens, autant pour les sociologues que du côté des neurologues
Oui, tous ses propos sur le cortex frontal et les régions postérieures du cerveau, c'est au mieux une métaphore si on l'interprète de façon figurée (qui pourrait s'inscrire dans le contexte de l'article, raison pour laquelle je me montrais assez prudent), et au pire un non-sens neurologique complet si on l'interprète au pied de la lettre.
Mais bon... J'avoue que ça ne m'épate que moyennement. C'est assez courant que les chercheurs en SHS fassent des contresens lorsqu'ils abordent les sciences dures (pas tellement dans leurs travaux, mais plutôt en interview ou en entretien lorsqu'ils s'écartent de leur domaine de compétence) et ça ne fait en général pas réagir grand monde en général. Il a fallu que Monique Pinçon-Charlot se compromette dans
Hold-Up pour qu'on relève la proximité de ses thèses avec le complotisme ; Malcom Ferdinand fait des énormes contresens historiques ou écologiques dans son livre sur l'écologie coloniale ; le livre de Silvia Federici sur les sorcières (qui a servi de source principale à Mona Chollet pour son propre livre) est un pamphlet militant à la frontière des pseudosciences mais on continue à le présenter comme une lecture incontournable ; je me souviens également avoir relevé des trucs assez douteux chez Latour, mais je ne serais plus capable de dire quoi exactement (ça fait un petit moment)...
Tu me connais assez pour savoir que je n'ai pas de sympathie particulière pour la personne de Bronner, ni pour les idées qu'il avance (qui ne sont pas totalement dénuées d'intérêts mais extrêmement biaisées et réductrices lorsqu'elles prétendent expliquer à elles seules des phénomènes sociaux complexes). Donc loin de moi l'idée de vouloir le défendre à tout prix.
Cela dit, si j'étais un partisan de la psychanalyse, je demanderais : « pourquoi tant de haine ? » et j'essayerais d'étudier le profil des critiques de Bronner pour savoir pourquoi ils font une telle fixation sur lui...
(Bien évidemment, je pense connaître la réponse à ma question rhétorique : c'est son omniprésence médiatique, le fait qu'il serve la soupe au pouvoir et son orientation politique franchement à droite qui expliquent qu'il soit l'objet de ces critiques. Mais voilà : j'ai jamais été fan du deux poids, deux mesures.)
Metronomia a écrit:
Je suis désolée car je poste encore et toujours pour parler de Bronner mais, cette fois, plus spécifiquement de son livre La démocratie des crédules. Je sais que je suis probablement un peu soûlante avec tout ça, mais je pense vraiment que le thread qui suit est de nature à vous intéresser. C'est une critique à la fois très étayée du bouquin et ultra claire et pédagogique:
Bof. Je trouve cette critique pas infondée ni inintéressante, mais pleine de biais et pas forcément toujours très correcte. Exactement comme
La démocratie des crédules, à mon avis.
Par exemple, la couverte vaccinale qui diminue pour la rougeole et l'hépatite B, et le fait que les parents sont plus réticents à vacciner leurs enfants : Bronner ne les cite effectivement pas, mais il y a une flopée de chiffres et d'analyses qui le montrent très bien (c'est beaucoup plus vrai pour
la rougeole que pour
l'hépatite, d'ailleurs), et ça se vérifie en deux coups de Google.
Pour les courbes de recherches Google sorties par Bronner et supposées démontrer l'importance des théories du complot dans l'imaginaire des internautes : oui, c'est léger. On sait très bien que mettre deux courbes côte à côte et dire : « regardez, ça correspond ! » démontre une corrélation mais pas une causalité.
Cependant, la critique faite ici me semble guère plus sérieuse : pourquoi est-ce que Bronner a pris "Illuminati" comme mot-clé et pas "psychokinèse" ou "monstre du Loch Ness" ? Parce que c'est deux derniers n'ont rien à voir avec les théories du complot, là où les Illuminati étaient un concept phare du complotisme aux environ de 2010. Pourquoi la courbe Illuminati diminue-t-elle ensuite ? Parce que comme Bronner le mentionne dans son bouquin, le complotisme est traversé par des modes, et celle des Illuminati est clairement en phase de déclin (à l'inverse, une recherche avec pour mot-clé "
Great Reset" montrait que ce concept est en train de devenir très populaire ces dernières semaines, dans les sphères conspirationnistes et au delà).
En ce qui concerne le séisme à Haïti, Bronner a fait de la bidouille, à laquelle la critique fait un autre genre de bidouille pour y répondre. On voit quand même un pic de recherches mi-2010 au sujet du HAARP (et ce, quoi qu'en dise la critique) : est-ce lié au séisme à Haïti, qui a popularisé la thèse complotiste autour du HAARP auprès du grand public ? C'est très possible, mais il faudrait d'autres analyses pour clairement le démontrer.
Quand au fait que d'autres « séismes ou catastrophes naturelles auraient [dû solidifier] cette croyance », non : ça ne marche pas comme ça, puisque les thèses complotistes fonctionnement par effets de mode. Le séisme à Haïti a pu relancer momentanément l'intérêt populaire autour du HAARP, puis les complotistes ont fini par passer à autre chose au bout de quelques mois/années, indépendamment de la survenue d'autres tremblements de terre dans le monde.
Pour ce qui est des suicides chez Orange : là, pour le coup, je suis à 100% d'accord et c'est là que Bronner commence à montrer ses propres biais. Qu'on ait une approche purement statisticienne pour évaluer la prévalence des idées complotistes au sein de la population et la façon dont Internet facilite leur expansion, OK : c'est de toute façon un sujet un peu neuf, et il n'y a pas encore énormément de données et d'études complémentaires sur cette thématique. En revanche, qu'on ignore sciemment des informations et analyses déjà existantes parce qu'elles amèneraient à nuancer une thèse (et a fortiori, une thèse potentiellement dangereuse, puisqu'elle blanchit les méthodes délétères de management d'Orange) : il y a un gros souci.
Je ne vois absolument pas le lien que fait la critique entre la propagande d'Etat, le lobbying industriel et la publicité avec la thèse de Bronner (grosso-modo : "Internet et les réseaux contribuent à démocratiser des idées délétères qui restaient auparavant dans la sphère privée"). C'est un beau
non sequitur, ne serait-ce que parce que l'un n'empêche pas l'autre à ce que je sache !
Et pour finir :
Citer:
leucémies près des centrales nucléaires, lignes haute-tension, antennes relais
Heu... Tout mettre dans un même sac et balancer ça comme une réalité alors que cela fait encore débat au sein de la communauté scientifique (hasard statistique ou réel impact sanitaire ?), c'est pas top-top, quand même.