C'est une histoire intéressante, c'est la première fois que j'en entends parler !
J'ai essayé de trouver des sources anglophones un peu fiable sur le sujet, mais la grande majorité d'entre elles sont des sites Internet mormons ou des liens présentant toujours la même version 'romancée' de l'affaire (qui est celle exposée sur
http://www.mindshadow.fr).
Je commençais à désespérer, quand je suis tombé sur ceci :
https://www.wyohistory.org/search/node/cokevilleSur ce site, une recherche avec pour mot-clé 'cokeville' renvoie vers une vingtaine d'interviews des protagonistes de l'histoire (professeurs, élèves et parents d'élève, agents des forces de l'ordre), qui reviennent plus de 20 ans après sur l'affaire, la façon dont ils ont vécu la prise d'otage, l'impact que cette dernière a eu sur leur vie et sur leur communauté...
C'est très instructif, je vous invite à y jeter un œil si l'anglais ne vous fait pas peur.
Je suis également retombé sur
un article de presse de l'époque (du New York Times) qui décrit l'affaire juste après qu'elle se soit produite.
Il en ressort que :
-> le contexte est très particulier : Cokeville est une toute petite bourgade (500 habitants) dont la majorité des habitants sont des mormons, à l'image des communautés qu'on peut voir dans l'Utah. Presque tous les protagonistes interviewés sont profondément croyants, et les rares qui ne le sont pas sont quand même très marqués par la culture mormone.
Un indicateur de cette religiosité très forte est par exemple, lors de la prise d'otage, le fait qu'on ait incité les enfants (ou les enfants l'ont fait spontanément eux-même, les sources divergent sur ce point) à se mettre en cercle et à prier.
-> le récit romancé postérieur qui est fait de l'affaire affirme souvent que les blessures auraient été sans gravité ni conséquence, mais les articles de presse de l'époque infirment cette idée : la moitié des 150 personnes présentes, majoritairement des enfants, durent être évacuées pour des blessures au second degré sur le visage et les bras. Et je ne parle pas du traumatisme psychologique qui est manifeste dans un paquet des interviews : certaines personnes souffrent clairement d'une forme de syndrome de stress post-traumatique, 20 ans après les faits.
-> ce qui est intéressant et ressort clairement des interviews, c'est qu'il n'est absolument pas fait mention d'anges au moment même de la prise d'otage, ni dans les 2-3 jours qui suivent. C'est seulement une poignée de jours après, alors que la pression retombe et que les gens essayent de comprendre et reconstruire le fil des évènements, qu'une poignée d'enfants (combien ? le chiffre n'est jamais avancé) disent à leurs parents avoir vu des êtres surnaturels.
A partir de là, les parents d'élèves mènent leur enquête et d'autres témoignages d'enfants vont apparaître.
-> la majorité des interviewés ne parlent pas d'anges, c'est un élément de l'histoire qui leur est extérieur (on lit souvent « j'ai entendu que machin avait vu des anges », « on a dit que certains avaient vu des anges »). Ils considèrent cependant que l'évènement est bien un miracle, vu les conséquences relativement modestes qu'a eu la prise d'otage en regard du bain de sang qu'elle aurait pu facilement devenir.
Aucun des interviewés qui était adulte en 1986 ne dit avoir vu les anges, apparemment ce sont essentiellement les élèves qui sont concernés. Et là encore : pas tous les élèves (contrairement à ce qu'affirme le récit romancé de l'affaire qui dit que tous les gamins ont vu quelque chose). Certains interviewés, qui étaient enfants au moment des faits, expliquent clairement n'avoir rien vu... et qu'ils étaient très jaloux à l'époque des autres élèves qui disaient avoir communiqué avec les anges !
Les descriptions d'ange sont très disparates : ça va de l'être de lumière, de l'ange tel que représenté dans l'iconographie chrétienne classique, à des proches décédés... ou non : un enfant dit par exemple avoir été sauvé par sa grand-mère, mais celle-ci était bien vivante et en maison de retraite lors de la prise d'otage.
-> l'évènement semble avoir pris une grande importance
a posteriori dans la culture des Mormons, qui y voient une manifestation divine moderne en leur faveur et une confirmation de leur foi. Le « miracle de Cokeville » semble cependant relativement peu connu hors de ce milieu, même aux USA.
Le film de 2015 (les retours critiques laissent penser qu'il s'agit
d'un beau spécimen de propagande religieuse) a été produit par un réalisateur mormon, avec des financements mormons, sur la base du livre de Hartt Wixom qui était lui-même (comme DragoMath l'a dit) un fervent mormon.
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En ce qui concerne la bombe qui a explosé sans faire de morts ni trop de dégâts matériels, ce fut un gros coup de chance mais j'avoue n'être que partiellement étonné :
-> d'une part et comme DragoMath l'a également mentionné, la bombe était défectueuse : certains fils du mécanisme de détonation étaient coupés (!), des poudres avaient pris l'humidité ou étaient imbibées d'essence... La bombe avait un vrai potentiel destructeur mais elle était (heureusement) grossièrement réalisée.
-> la configuration (fenêtres et portes ouvertes, plafond léger avec des tuiles pouvant se soulever facilement) a certainement beaucoup aidé à atténuer les effets de la détonation de la bombe. Je ne suis pas un expert en explosifs modernes, mais je sais que la plupart des explosifs font beaucoup plus de dégâts lorsqu'ils se trouvent dans un espace confiné : l'effet de blast, c'est-à-dire l'onde de surpression créée par l'explosion (qui en général beaucoup plus dangereux que les flammes elles-mêmes) disparaît en effet très vite en plein air.
La poudre à canon (que je connais bien pour le coup) n'explose ainsi que lorsqu'elle est confinée ; à l'air libre, elle brûle en faisant une belle grosse flamme (et il vaut mieux
bien entendu ne pas avoir le nez dessus) mais il n'y a aucune détonation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les poudrières des soutes et casernes anciennes étaient des lieux bien aérés, avec des cloisons en bois et recouverts de toits en tuiles : en cas d'inflammation de la poudre, les tuiles et cloisons dégageaient mais les dommages restaient limités.