Encyclopédie du paranormal - Créature de l HMS Daedalus

     Créature de l'H.M.S. Dædalus


Créature aquatique inconnue de très grande taille aperçue par l’équipage d’une corvette anglaise en 1848


Le 4 octobre 1848, l’H.M.S. Dædalus, corvette de 19 canons au service de la reine Victoria arriva au port de Plymouth, en retour d’une mission aux Indes. Rapidement, des rumeurs se propagèrent dans le port : l’équipage avait pu, pendant plus d’un quart d’heure, contempler un serpent-de-mer? de très forte taille entre Le Cap et Sainte-Hélène. Cette rumeur fut reprise dans divers journaux et même par le Times le 10 octobre.

L’Amirauté, surprise par ces rumeurs, envoya une lettre au capitaine du navire, Peter M’Quhae. Celui-ci devrait soit démentir la nouvelle, soit fournir un rapport complet de cette rencontre peu ordinaire. Le capitaine M’Quhae répondit en ces termes :

« […] J’ai l’honneur de vous faire savoir, pour l’édification de MM. les Préfets de l’Amirauté, qu’à 5 heures de l’après-midi, le 6 août dernier, par 24°44' de latitude sud et 9°22' de longitude est […], quelque chose de très insolite, approchant rapidement vers l’avant du bâtiment, fut aperçu par M. Sartoris, aspirant de marine. L’incident fut aussitôt signalé par lui à l’officier de quart, le lieutenant de vaisseau Edgar Drummond, en compagnie de qui, M. William Barrett (officier navigateur) et moi-même arpentions à ce moment le gaillard d’arrière. Les hommes d’équipage étaient en train de prendre leur souper.
Notre attention ayant été attirée sur l’objet, celui-ci se révéla un énorme serpent, dont la tête et les épaules étaient maintenues constamment à 1,20 m au-dessus de la surface de l’eau, et, aussi exactement que nous pûmes l’apprécier en le comparant à la longueur qu’aurait la vergue de notre grand perroquet étendue sur l’eau, il y avait pour le moins 18 mètres de l’animal à fleur d’eau. Rien dans cette portion visible ne servait, semble-t-il, à le propulser dans l’eau, ni par une ondulation verticale, ni par une ondulation horizontale. Il passa très vite, mais si près de l’arrière que, si ç’avait été quelqu’un de ma connaissance, j’eusse aisément reconnu ses traits à l’œil nu. Ni en s’approchant du navire, ni après avoir croisé notre sillage, il ne dévia d’un seul degré de sa route sud-ouest, qu’il suivait à sa vitesse de 12 à 15 milles à l’heure [22 à 27 km/h], apparemment avec un but déterminé.
Le diamètre du serpent était de 40 à 50 centimètres derrière la tête, laquelle était incontestablement celle d’un serpent : pas une fois, pendant les vingt minutes au cours desquelles il resta à portée de nos lunettes, il ne disparut sous la surface de l’eau ; sa couleur était brun foncé, avec du blanc jaunâtre sous la gorge. Il n’avait pas de nageoires ; mais quelque chose qui ressemblait à la crinière d’un cheval, ou plutôt à une brassée d’algues, lui flottait sur le dos. Il a été aperçu par le quartier-maître, le contremaître et l’homme de barre, en plus de moi-même et des officiers sus-mentionnés.[…] »


Dessin d'époque, commandé par le Capitaine M'Quhae, de la rencontre entre le H.M.S. Dædalus et du serpent-de-mer?


Ce témoignage fit l’effet d’une bombe, et d’autres officiers le complétèrent peu après. Ils ajoutèrent que le serpent-de-mer? aperçu avait une tête longue, pointue, garnie d’une mâchoire supérieure très en saillie et aplatie sur le sommet ; et que tous, en raison de la proximité de l’animal, avaient pu distinguer son œil, sa bouche et ses narines. Un autre affirma qu'il lui avait davantage rappelé un lézard qu'un serpent.

On compte notamment le témoignage d'un des officiers du bord, le lieutenant Drummond, qui l'avait consigné tel quel dans son journal de bord :

« H.M.S. Dædalus, 6 Août 1848, lat. 25°S., long. 9°37' E., 1015 miles de Saint-Hélène.
Pendant le quart de 4 à 6, à environ cinq heures, nous avons observé un très remarquable poisson sur notre quart arrière sous le vent, traversant à l'arrière de la poupe en direction sud-ouest ; la tête — qui, avec l'aileron dorsal, était la seule portion de l'animal visible — était d'un aspect long, pointu et aplati sur le dessus, de peut-être trois mètres de long, et la mâchoire supérieure était très en avant ; le capitaine assura avoir vu la queue, ou un autre aileron, à égale distance en arrière ; la partie supérieure de la tête et des épaules apparaissaient de couleur brune foncée, et le dessous de la mâchoire inférieure jaune brunâtre. Il suivait une course régulière en ligne droite, gardant la tête horizontale le long de la surface de l'eau, et en position plutôt redressée, disparaissant occasionnellement un court instant derrière une vague, et visiblement pas dans un but respiratoire. Il se déplaçait à environ 12 ou 14 milles à l'heure [25 km/h] et fut, à son plus proche, seulement distant de 100 yards [90 mètres] de nous. En fait, il nous donna l'impression d'une énorme anguille ou d'un serpent. Nul à bord du navire n'avait déjà vu quelque chose de semblable, c'était donc une vision extraordinaire. Il a été visible à l’œil nu pendant cinq minutes, et à la lunette d'approche pendant quinze de plus environ. Le temps était gris et orageux, avec une mer un peu agitée. »


Ces témoignages ont été réfuté plusieurs fois par diverses personnes projetant diverses explications :

  • En 1858, un certain capitaine Frederic Smith raconta qu’il était à bord de son navire marchand, le Pekin, en décembre 1848, lorsqu’il aperçut un serpent-de-mer? hirsute. Il se mit en chasse avec son équipage, et découvrirent qu’en fait, le serpent-de-mer n’était qu’un imposant morceau d’algue. Il proposait que l’équipage du Dædalus avait été victime de ce genre de méprise, mais un officier de la corvette lui répondit qu’une algue ne se déplaçait pas contre le vent à une vitesse de près de 20 km/h, et que l’animal était passé si près du navire que tous avaient pu l’examiner avec un grand soin : ce n’était pas une algue.

(Il s'avéra après que le capitaine Smith s'était probablement approprié l'aventure d'un autre marin, le capitaine Herriman, qui avait déjà publié cette méprise en 1849)

  • Richard Owen, le célèbre zoologiste anglais — qui par ailleurs considérait le serpent-de-mer? comme un mythe des temps obscurs — rédigea une longue lettre, dans laquelle il explique que ce témoignage était, sans doute possible, la vision d’un gros éléphant de mer, argüant que le crâne bombé et le corps raide et non flexible caractérisait cet animal. Il affirma en outre que la longueur totale de 18 m avait été largement surfaite car l’équipage avait eu l’impression de voir un serpent, et donc avait imaginé le corps de l’animal comme celui d’un serpent. Selon lui, il devait s’agir d’un énorme éléphant de mer d’environ 9 m de longueur. À cela, le capitaine de l’H.M.S. Dædalus rappela que 18 m n’était pas l’approximation de la longueur totale de l’animal, mais bien la longueur de sa partie émergée ; et que son crâne n’était ni vaste, ni bombé, mais plat. De plus, sa partie émergée n’était pas raide et non flexible ; car ce n’était pas parce qu’ils n’avaient pas vu d’ondulations que le tronc de la bête n’était pas souple.
  • En 1860, le capitaine Hawtaigne de la Royal Navy raconta dans une lettre au Zoologist qu’il avait capturé un spécimen de serpent-de-mer?, comme celui aperçu par le Dædalus. Il s’agissait en fait d’un régalec (regalecus glesne), difficilement assimilable au témoignage (peau argentée, nageoire dorsale rouge sur la tête…) et de taille bien inférieure à 18 mètres (les plus grands régalecs connus atteignent difficilement 12 mètres).
  • En 1883, Henry Lee, le conservateur de l’aquarium de Brighton publia un livre : Sea Monsters Unmasked. Dans cet ouvrage, il explique les visions de krakens et de serpents-de-mer? par des apparitions de calmars géants faisant surface. D’après lui, un calmar géant nageant à la surface pourrait ressembler à la créature du Dædalus ; mais cette explication n’est pas très satisfaisante de près. Les énormes yeux du céphalopode auraient dû être vus de l’équipage, la crinière en « brassée d’algues » peut difficilement être assimilée à des tentacules. Les deux couleurs — brun dessus, blanc dessous — sont également problématiques.

Dessin donnant l'explication d'Henry Lee sur l'apparition du serpent-de-mer du Dædalus, à savoir que celui-ci serait en fait un architeuthis
Image : "Le Grand Serpent-de-mer, l'Énigme Zoologique et sa Solution", Bernard Heuvelmans, Plon, 1975


  • En 2015, le docteur Gary J. Galbreath, un biologiste, affirme dans le magazine Skeptical Enquirer que le serpent du Dædalus serait en fait un rorqual boréal ou balénoptère de Rudolphi (Balaenoptera borealis) en train de se nourrir de plancton juste sous la surface, ne laissant dépasser que sa mâchoire supérieure hors de l'eau. Les fanons de l'animal, plus clairs, expliqueraient la différence de teinte entre le dos et le ventre de l'animal, et l'aspect très plat de la tête s'accorderait bien avec la description faite par le personnel du navire.


Croquis d'époque du lieutenant Drummond


Cependant, certains éléments caractéristiques de ces grands cétacés (visibilité de l'aileron dorsal, "souffle") n'ont pas été décrits. Gary Galbreath explique qu'une mutilation de l'aileron dorsal aurait pu entraîner son absence. De plus, le fait que les membres de l'équipage étaient alors persuadés du fait que l'animal était un serpent de mer aurait fait qu'ils n'auraient pas prêté attention aux caractéristiques du cétacé.


Rorqual boréal se nourrissant de plancton à la surface


D’autres hypothèses ont été lancées, comme celle d’un saccopharynx flagellum adulte (un poisson abyssal très mal connu), d’un python réticulé égaré en mer ou jeté d’un navire…


Saccopharynx Flagellum


Encore aujourd’hui, aucune explication satisfaisante à 100% n’a été trouvée pour ce témoignage, mais il n’aura pas servi à rien : en effet, c’est à partir de cette période que le serpent-de-mer? ne sera plus considéré comme un mythe moyenâgeux, mais bien comme un véritable problème zoologique. Le cas de l’H.M.S. Dædalus sera repris par quantité de cryptozoologues, qui y voient un témoignage précieux en faveur de l’existence du plus célèbre des cryptides marins.


Des réactions ou des remarques au sujet de cet article ?
Venez en parler avec les rédacteurs et autres lecteurs sur le forum.


Traduction anglaise : Dædalus sea-serpent

Localisation : Atlantique Sud

Date : 6 août 1848

Liens complémentaires :

Article sur le vaisseau H.M.S Dædalus
Article de Doubtful News expliquant la thèse de Gary Galbreath

Bibliographie :

  • Serpents de Mer et Monstres Aquatiques, de J.-J. Barloy (Famot, 1978)
  • Le Grand-Serpent-de-Mer : l'énigme zoologique et sa solution (édition revue et complétée), de Bernard Heuvelmans (Plon, 1975)

Catégories : C ; Cryptozoologie ; Créatures
Auteur : Herr Magog
Mise en ligne : 29/03/10
Dernière modification : le 05/01/16 à 17:38