Créature de l'H.M.S. Dædalus |
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Créature aquatique inconnue de très grande taille aperçue par l’équipage d’une corvette anglaise en 1848
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Le 4 octobre 1848, l’H.M.S. Dædalus, corvette de 19 canons au service de la reine Victoria arriva au port de Plymouth, en retour d’une mission aux Indes. Rapidement, des rumeurs se propagèrent dans le port : l’équipage avait pu, pendant plus d’un quart d’heure, contempler un serpent-de-mer? de très forte taille entre Le Cap et Sainte-Hélène. Cette rumeur fut reprise dans divers journaux et même par le Times le 10 octobre.
L’Amirauté, surprise par ces rumeurs, envoya une lettre au capitaine du navire, Peter M’Quhae. Celui-ci devrait soit démentir la nouvelle, soit fournir un rapport complet de cette rencontre peu ordinaire. Le capitaine M’Quhae répondit en ces termes :
Dessin d'époque, commandé par le Capitaine M'Quhae, de la rencontre entre le H.M.S. Dædalus et du serpent-de-mer?
Ce témoignage fit l’effet d’une bombe, et d’autres officiers le complétèrent peu après. Ils ajoutèrent que le serpent-de-mer? aperçu avait une tête longue, pointue, garnie d’une mâchoire supérieure très en saillie et aplatie sur le sommet ; et que tous, en raison de la proximité de l’animal, avaient pu distinguer son œil, sa bouche et ses narines. Un autre affirma qu'il lui avait davantage rappelé un lézard qu'un serpent.
On compte notamment le témoignage d'un des officiers du bord, le lieutenant Drummond, qui l'avait consigné tel quel dans son journal de bord :
Ces témoignages ont été réfuté plusieurs fois par diverses personnes projetant diverses explications :
- En 1858, un certain capitaine Frederic Smith raconta qu’il était à bord de son navire marchand, le Pekin, en décembre 1848, lorsqu’il aperçut un serpent-de-mer? hirsute. Il se mit en chasse avec son équipage, et découvrirent qu’en fait, le serpent-de-mer n’était qu’un imposant morceau d’algue. Il proposait que l’équipage du Dædalus avait été victime de ce genre de méprise, mais un officier de la corvette lui répondit qu’une algue ne se déplaçait pas contre le vent à une vitesse de près de 20 km/h, et que l’animal était passé si près du navire que tous avaient pu l’examiner avec un grand soin : ce n’était pas une algue.
(Il s'avéra après que le capitaine Smith s'était probablement approprié l'aventure d'un autre marin, le capitaine Herriman, qui avait déjà publié cette méprise en 1849)
- Richard Owen, le célèbre zoologiste anglais — qui par ailleurs considérait le serpent-de-mer? comme un mythe des temps obscurs — rédigea une longue lettre, dans laquelle il explique que ce témoignage était, sans doute possible, la vision d’un gros éléphant de mer, argüant que le crâne bombé et le corps raide et non flexible caractérisait cet animal. Il affirma en outre que la longueur totale de 18 m avait été largement surfaite car l’équipage avait eu l’impression de voir un serpent, et donc avait imaginé le corps de l’animal comme celui d’un serpent. Selon lui, il devait s’agir d’un énorme éléphant de mer d’environ 9 m de longueur. À cela, le capitaine de l’H.M.S. Dædalus rappela que 18 m n’était pas l’approximation de la longueur totale de l’animal, mais bien la longueur de sa partie émergée ; et que son crâne n’était ni vaste, ni bombé, mais plat. De plus, sa partie émergée n’était pas raide et non flexible ; car ce n’était pas parce qu’ils n’avaient pas vu d’ondulations que le tronc de la bête n’était pas souple.
- En 1860, le capitaine Hawtaigne de la Royal Navy raconta dans une lettre au Zoologist qu’il avait capturé un spécimen de serpent-de-mer?, comme celui aperçu par le Dædalus. Il s’agissait en fait d’un régalec (regalecus glesne), difficilement assimilable au témoignage (peau argentée, nageoire dorsale rouge sur la tête…) et de taille bien inférieure à 18 mètres (les plus grands régalecs connus atteignent difficilement 12 mètres).
- En 1883, Henry Lee, le conservateur de l’aquarium de Brighton publia un livre : Sea Monsters Unmasked. Dans cet ouvrage, il explique les visions de krakens et de serpents-de-mer? par des apparitions de calmars géants faisant surface. D’après lui, un calmar géant nageant à la surface pourrait ressembler à la créature du Dædalus ; mais cette explication n’est pas très satisfaisante de près. Les énormes yeux du céphalopode auraient dû être vus de l’équipage, la crinière en « brassée d’algues » peut difficilement être assimilée à des tentacules. Les deux couleurs — brun dessus, blanc dessous — sont également problématiques.
Dessin donnant l'explication d'Henry Lee sur l'apparition du serpent-de-mer du Dædalus, à savoir que celui-ci serait en fait un architeuthis
Image : "Le Grand Serpent-de-mer, l'Énigme Zoologique et sa Solution", Bernard Heuvelmans, Plon, 1975
- En 2015, le docteur Gary J. Galbreath, un biologiste, affirme dans le magazine Skeptical Enquirer que le serpent du Dædalus serait en fait un rorqual boréal ou balénoptère de Rudolphi (Balaenoptera borealis) en train de se nourrir de plancton juste sous la surface, ne laissant dépasser que sa mâchoire supérieure hors de l'eau. Les fanons de l'animal, plus clairs, expliqueraient la différence de teinte entre le dos et le ventre de l'animal, et l'aspect très plat de la tête s'accorderait bien avec la description faite par le personnel du navire.
Croquis d'époque du lieutenant Drummond
Cependant, certains éléments caractéristiques de ces grands cétacés (visibilité de l'aileron dorsal, "souffle") n'ont pas été décrits. Gary Galbreath explique qu'une mutilation de l'aileron dorsal aurait pu entraîner son absence. De plus, le fait que les membres de l'équipage étaient alors persuadés du fait que l'animal était un serpent de mer aurait fait qu'ils n'auraient pas prêté attention aux caractéristiques du cétacé.
Rorqual boréal se nourrissant de plancton à la surface
D’autres hypothèses ont été lancées, comme celle d’un saccopharynx flagellum adulte (un poisson abyssal très mal connu), d’un python réticulé égaré en mer ou jeté d’un navire…
Saccopharynx Flagellum
Encore aujourd’hui, aucune explication satisfaisante à 100% n’a été trouvée pour ce témoignage, mais il n’aura pas servi à rien : en effet, c’est à partir de cette période que le serpent-de-mer? ne sera plus considéré comme un mythe moyenâgeux, mais bien comme un véritable problème zoologique. Le cas de l’H.M.S. Dædalus sera repris par quantité de cryptozoologues, qui y voient un témoignage précieux en faveur de l’existence du plus célèbre des cryptides marins.
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Traduction anglaise : Dædalus sea-serpent
Localisation : Atlantique Sud
Date : 6 août 1848
Liens complémentaires :
- Wikipédia [en]
Bibliographie :
- Serpents de Mer et Monstres Aquatiques, de J.-J. Barloy (Famot, 1978)
- Le Grand-Serpent-de-Mer : l'énigme zoologique et sa solution (édition revue et complétée), de Bernard Heuvelmans (Plon, 1975)
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Auteur : Herr Magog
Mise en ligne : 29/03/10
Dernière modification : le 05/01/16 à 17:38
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