Encyclopédie du paranormal - El Tio

     El Tío


Divinité souterraine des croyances boliviennes


El Tío (en espagnol : « l'oncle ») est une divinité des mondes souterrains, vénérée par les mineurs de la région du Cerro Rico, et en particulier de sa capitale Potosí.

El Tío est de nature ambivalente, car susceptible d'apporter la bonne fortune ou la mort selon son bon vouloir. Lorsqu'el Tío est contrarié, son mécontentement se manifeste par des mauvais tours tels qu'une lampe qui refuse de s'allumer, l'effondrement d'une galerie... La vie des mineurs boliviens est particulièrement rude ; les fréquents accidents et décès sont également imputés à la soif de sang inassouvie d'el Tío.


Une statue d'el Tío dans une mine de Potosí
(Source : Shibuya K.)

Des statues d'el Tío sont régulièrement placées dans les dédales de tunnels des mines. Pour s'attirer les faveurs de la divinité et se protéger du mauvais sort, les mineurs leur apportent des petites offrandes comme des feuilles de coca, des cigarettes ou des bouteilles d'alcool... En outre, les habitants de Potosí égorgent régulièrement des lamas et répandent leur sang à l'entrée des mines.
Quand une statue d'el Tío n'est pas honorée pendant un certains temps, il est dit qu'elle devient affamée de vies humaines et la portion de la mine où elle se trouve est considérée comme d'autant plus dangereuse. Les mineurs se rendant seuls dans les galeries étaient également suspectés de réaliser un pacte avec el Tío pour leur seul propre bénéfice.

Dans les années 60 et 70, les administrations minières ont essayé de mettre un frein au culte d'el Tío mais sans y parvenir, celui-ci a perduré de façon clandestine avant de réapparaître au grand jour des années plus tard.


Un autre exemple de statue d'el Tío dans une mine de Potosí
(Source : Nicole Courneya)

Les statues d'el Tío sont réalisées en argile ou en bois, de taille variable (de 50 cm à plus de 2 mètres pour les plus grandes), et habituellement recouvertes de guirlandes en papier, confettis et de fanfreluches. Le dieu est typiquement représenté d'une façon similaire au Diable de l'iconographie chrétienne, avec un visage cornu et barbu, et des traits humains plus ou moins définis. D'autres caractéristiques récurrentes sont la position assise et les mains tendues (qui permettent aux mineurs d'y déposer leur offrandes), ou un phallus en érection.

Une légende bolivienne très populaire raconte l'histoire d'un petit garçon sourd, s'étant enfui de chez lui où il était victime de mauvais traitements. Après avoir passé un certain temps dans les rues avec un chien errant pour seul compagnie, il découvre qu'il possède le don de percevoir les problèmes des gens et de les guérir par ses cris assourdissants.
L'enfant rencontre un jour un vieil homme houspillé par une foule et sur le point de mourir lapidé ; le garçon ramène le coeur de l'ancien à la vie avec ses cris. Les deux deviennent amis et voyagent ensembles. Ils tombent par la suite sur un homme défiguré, mis au banc de la société car les gens le prennent pour un lépreux.
L'homme leur raconte alors que son état est le fruit d'une malédiction jeté sur lui par el Tío car il avait cessé de le vénérer. Il leur explique également que tous ceux qui entendent la voix du dieu tombent sous son emprise ; et qu'el Tío peut être trouvé dans le désert, près d'un village abandonné dont les anciens habitants avaient fini par s'entretuer, rendu fous par la voix du démon.
Le garçon et ses compagnons s'y rendent et finissent par arriver devant une mine. Le garçon étant protégé de l'influence néfaste du dieu par sa surdité, il décide de descendre seul au fond de la mine. Là, couvrant la voix du dieu avec ses propres cris, il se sacrifie pour sauver les mineurs et ses amis de l'influence maléfique d'el Tío.

El Tío a été, et est toujours à l'heure actuelle une importante source d'inspiration pour la littérature bolivienne. L'écrivain Victor Montoya lui a ainsi consacré 18 nouvelles dans son livre Les Contes de la Mine (2000).


Un autre exemple de statue d'el Tío dans une mine de Potosí
(Source : Jason Devitt)

El Tío est un exemple de divinités locales issues du syncrétisme entre paganisme et christianisme comme on en trouve dans de nombreux pays d'Amérique centrale et du Sud. Il est très probable, bien que cela n'ait pu être formellement démontré, que le culte rendu à el Tío soit une survivance modernisée d'une croyance plus ancienne remontant à l'époque précolombienne.
Il a été avancé que le nom du dieu, "Tío", était une hispanisation du nom originel de la divinité : Tiw en langage amérindien uru.

El Tío est parfois assimilé à Huari, un dieu des croyances incas, particulièrement vénéré dans la ville de Oruro. Une légende affirme que Huari devint jaloux du culte que les indiens Urus rendaient à Pacha Kamaq, le dieu du soleil. Pour les punir, il leur envoya 4 animaux géants (ou selon la version, 4 nuées d'animaux) : un serpent, un crapaud, une fourmi et un lézard. Les Urus étaient toutefois sous la protection d'une princesse, qui se changea en condor et pétrifia les animaux qui se changèrent en collines situées aux quatre points cardinaux de la ville d'Oruro. En punition, Huari fut envoyé dans les profondeurs de la terre dont il ne devait plus jamais sortir.
Cette légende est mise en scène et réinterprétée lors de la Diablada, la danse des diables du carnaval bolivien.

Le culte d'el Tío est principalement souterrain. Hors de la mine, les mineurs du Cerro Rico vénèrent nuestra Virgen del Socavón (« notre Vierge du Tunnel »), qui est souvent assimilée à la déesse inca de la terre Pachamama ou à la princesse antagoniste de Huari dans la légende de la ville d'Oruro.
Il est toutefois à noter que les boliviens font une nette distinction entre le Diable de la tradition catholique et el Tío, qui sont bien perçus comme deux entités différentes.

El Tío joue un rôle similaire à de nombreuses autres divinités supposées vivre sous terre et décrites dans les croyances des mineurs à travers le monde, comme le knocker? anglais, le coblynau? gallois, le wichtlein? et le kobold? allemands... Il est possible que le folklore européen ait alimenté dans une certaine mesure le mythe d'el Tío.


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Traduction anglaise : El Tío

Localisation : Région du Cerro Rico (et en particulier la capitale Potosí), Bolivie, Amérique

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Catégories : E ; Mythes et folklore ; Créatures
Auteur : Ar Soner
Mise en ligne : 26/10/13
Dernière modification : le 06/11/13 à 21:48