Encyclopédie du paranormal - Mortsafe

     Mortsafe


Dispositif de protection des cercueils du XIXème siècle, parfois présenté comme une moyen de lutte contre les vampires


Les mortsafes étaient des sortes de « cages » ou de « boites » en fer ou en pierre placées autour des cercueils dans les cimetières, à la fin de l'époque géorgienne (soit au début du XIXème siècle) dans l'archipel britannique.
Le terme mortsafe peut se traduire approximativement comme « coffre-fort au mort » (de safe : « coffre-fort »).


Plusieurs mortsafes visibles dans le cimetière de l'église de Cluny, Aberdeenshire, Ecosse
(Source : Martyn Gorman)

En fait un simple moyen de protection destiné à empêcher le pillage des sépultures, les mortsafes sont parfois présentées par certaines sources modernes comme des dispositifs permettant d'empêcher les vampires et les zombies? de sortir de leur tombe.


Description


La majorité des mortsafes ont été fabriquées et utilisées en Ecosse, mais on peut occasionnellement en trouver en Angleterre et en Irlande.

Les premières mortsafes sont apparues au cours des années 1810, en remplacement de dispositifs de protection plus frustres : une grosse pierre en forme de cercueil posée par dessus la tombe, voire de simples branches ou tiges de bruyère enterrées dans le sol par dessus le cercueil pour compliquer la tâche des profanateurs de sépulture.
Les mortsafes ont progressivement cessé d'être utilisés à partir de 1832, quand l'Anatomy Act fut adopté par le parlement britannique, mettant fin à l'important trafic de cadavres qui existait jusqu'alors (voir partie suivante).
La plupart des mortsafes visibles à l'heure actuelle ont été laissées dans les cimetières parmi les tombes, avec pas ou peu de mise en valeur ; elles sont souvent dans un état de conservation médiocre suite aux dégradations du temps et des intempéries.

Plusieurs mortsafes visibles dans le cimetière de l'église de Logeriat, Perthshire, Ecosse
(Source : Judy Wilson)

Les mortsafes se présentaient sous une grande variété de formes et de dispositifs, selon le fabriquant... et le prix que les clients étaient prêts à mettre pour protéger leurs morts :

  • certaines mortsafes étaient des sortes de grandes cages en fer avec une grille d'accès fermée par un cadenas, qu'on ouvrait pour y glisser le cercueil. D'autres cages de ce type étaient en deux parties : la première partie de la cage était enterrée, le cercueil était placé à l'intérieur, puis la seconde partie de la cage était placée par dessus et l'ensemble était verrouillé par des cadenas.
  • d'autres mortsafes reposaient sur un mélange de maçonnerie et de métal : une première dalle de ciment ou de pierre était placée dans le fond de la tombe et le cercueil posé dessus ; des tiges de fer étaient placées verticalement dans des trous prévus à cet effet ; puis une seconde dalle étaient placée au sommet et assujettie aux tiges de fer, formant ainsi le toit de la cage.
  • quelques mortsafes se présentaient sous la forme de grandes boites en fer en forme de cercueil, dans lesquelles le cercueil en bois contenant le défunt était placé.

Exemple de mortsafe ayant la forme d'un grand coffre de métal ; église de Colinton, Édimbourg, Ecosse
(Source : Kim Traynor)

  • à côté de ces modèles de mortsafes semi-enterrées qui entouraient complètement le cercueil, d'autres modèles consistaient simplement en une partie aérienne : une grille de fer placée au dessus du cercueil et ancrée dans le sol par des agrafes ou de la maçonnerie.
  • enfin, certains modèles très complexes comme celui du Greyfriards Kirkyard à Edimbourg permettaient d'accueillir jusqu'à 3 cercueils en même temps et étaient équipées de systèmes de verrouillages élaborés mettant en jeu 2 clés différentes.


Les mortsafes étaient la plupart du temps réutilisables : après une période de 6 semaines environ, quand la dépouille était suffisamment décomposée pour ne plus être utilisable pour de la dissection, la mortsafe était retirée et disponible pour protéger une nouvelle tombe.

La célèbre mortsafe très élaborée du Greyfriards Kirkyard d'Edimbourg, qui pouvait protéger plusieurs cercueils et était équipée d'un système complexe de verrouillage
(Source : Kim Traynor)


Dans tous les cas, les mortsafes étaient de conception robuste et très lourde, de façon à compliquer la tâche des pilleurs qui auraient voulu les casser ou les déplacer.
La contrepartie est que ces dispositifs étaient également compliqués à mettre en place... Ce dernier point explique que les mortsafes visibles actuellement aient été laissées sur place dans les cimetières après avoir cessé d'être utilisées au milieu du XIXème : elles étaient trop lourdes pour être déplacées.

L'autre contrepartie à la robustesse et à la complexité des mortsafes est que celles-ci coûtaient très cher.
La mortsafe pouvait ainsi être achetée par une église, qui en retour la louait aux proches du défunt. Dans d'autres paroisses, des citoyens s'organisaient en société afin de partager les frais d'achats d'une mortsafe ; les membres de la société pouvaient ensuite utiliser la mortsafe quand cela était nécessaire pour un loyer minimal... les non-membres y avaient également accès mais pour des tarifs plus élevés.


Contexte


Depuis le milieu du XVIIIème siècle, les facultés de médecine du Royaume-Uni avaient recours aux dépouilles des criminels condamnés à la peine de mort pour étudier l'anatomie et réaliser des dissections. Toutefois au début du XIXème siècle, alors que la science médicale était en plein développement, cet approvisionnement (une cinquantaine de corps par an) se révéla insuffisant pour répondre aux besoins grandissants des facultés.
Pour palier à ce manque, les écoles de médecines et les anatomistes eurent recours aux services de pilleurs de tombe (appelés resurrectionists) qui allaient la nuit dans les cimetières pour exhumer les dépouilles fraîchement enterrées.

La pratique prit rapidement une forte ampleur. En 1826, près de 600 cadavres furent disséqués par les étudiants de médecine et la presque-totalité de ceux-ci était issue du pillage de tombes. Dans les années 1820, la ville de Londres comptait près de 200 resurrectionists travaillant à temps partiel !


Caricature The Anatomist Overtaken by the Watch par William Austin (1773) représentant un pilleur de tombe mis en déroute par les gardiens d'un cimetière ; à ses pieds, git un sac laissant apparaître le cadavre exhumé

Le pillage de tombe était considéré avec horreur par la population britannique, à plus forte raison que la dissection des corps humains était perçue comme particulièrement infamante pour la personne décédée. Cette pratique était particulièrement redoutée en Ecosse, région dans laquelle il existait une croyance répandue selon laquelle les défunts ne pourraient pas se relever de leur tombe lors du Jugement Dernier si leur dépouille n'était pas complète.
Les affaires de pillage qui furent ébruitées causèrent des réactions très violentes chez le public. Des profanateurs qui furent surpris en pleine action furent tués ; en 1832, un poste de police de Deptford in London où se trouvaient des resurrectionists aux arrêts fut pris d'assaut par une foule en colère cherchant à lyncher les criminels.
La hantise du pillage de tombe prit encore de l'essor suite à l'affaire de Burke et Hare, deux immigrants irlandais qui en 1823 tuèrent une dizaine de personnes pour ensuite revendre leurs cadavres à un médecin d'Edimbourg. Bien que Burke et Hare n'aient pas été eux-même des resurrectionists, leur procès fut fortement médiatisé et attira l'attention du grand public sur le problème représenté par les profanateurs de sépulture.

Dans ce contexte, de nombreuses personnes souhaitaient garantir la protection des tombes de leurs proches et amis pour éviter qu'elles ne soient désacralisées.
Les plus riches pouvaient se permettre de déposer les cercueils dans des mausolées, cryptes, ou d'engager des serviteurs pour monter la garde devant la tombe pendant la nuit.
Les personnes plus humbles eurent recours à diverses ruses et systèmes. Outre les mortsafes, des rondes nocturnes furent mises en place dans certaines paroisses. Des maisons de gardes ressemblant à des petites tours furent construites, pour permettre à un ou plusieurs gardiens de surveiller le cimetière et d'y repérer toute activité suspecte. Enfin, dans d'autres cas, on édifia des morthouses, des constructions robustes dans lesquelles étaient entreposés les cercueils le temps que le corps se décompose et qu'il ne puisse plus être utilisé pour la dissection.


Exemple de mortsafe primitive, sous la forme d'une simple pierre massive posée sur la tombe ; Aberdeenshire, Ecosse
(Source : Martyn Gorman)

L'ère des ressurectionnistes prit fin lorsque le gouvernement brittanique valida l'Anatomy Act en 1832 : ce texte prévoyait que désormais, outre les dépouilles des criminels exécutés, les cadavres non réclamés ou ceux donnés à la Science pourraient également être disséqués par les anatomistes. Cette nouvelle mesure mit petit à petit fin au trafic de cadavres, rendant de fait les mortsafes obsolètes.


Explication surnaturelle moderne


Des photos de mortsafes ont circulé sur Facebook en 2012, les présentant comme des grave cages (des « tombes-cages ») avec l'explication suivante : la crainte des zombies? et des vampires aurait été si forte dans l'Angleterre victorienne, que les gens auraient pris la décision de placer les cercueils dans de lourdes cages en fer de façon à se protéger des méfaits d'un éventuel revenant.

Exemple de message sur Facebook présentant une mortsafe comme un dispositif de protection contre les vampires et morts vivants?

Cette explication ne correspond pas à la réalité historique, puisque de très nombreux textes d'époque (articles de presse, correspondance... et même bons de commande pour des entreprises fabriquant des mortsafes !) attestent de façon claire de la fonction des mortsafes : empêcher des pilleurs d'accéder au cercueil... et non pas empêcher un mort-vivant d'en sortir !

Si la croyance aux vampires et aux morts mâcheurs est bien attestée dans l'archipel britannique au Moyen-Age, en revanche celle-ci avait complètement disparue au XIXème siècle. Lorsque des écrivains de l'époque victorienne comme Bram Stoker, Sheridan Le Fanu ou John W. Polidori... abordèrent le thème du vampire, ils le traitèrent comme une créature exotique, auréolée de mystère et étrangère au pays.
Il n'existait donc pas, au Royaume-Uni au XIXème siècle, de peur superstitieuse des revenants qui aurait poussé les gens à enfermer les cercueils pour s'en prémunir.


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Traduction française : le phénomène des mortsafes étant essentiellement britannique, le terme ne possède pas d'équivalent dans les autres langues. Mortsafe peut toutefois se traduire par « coffre-fort au mort »

Localisation supposée : Ecosse essentiellement, Angleterre et Irlande dans une moindre mesure. Royaume-Uni et Irlande, Europe

Date : les mortsafes furent principalement utilisés entre 1810 et 1830.

Articles connexes :

Sources et liens complémentaires :

Site consacré au trafic de cadavres britannique du XIXème siècle, avec une base de données des mortsafes, morthouses, maisons de gardes... visibles au Royaume-Unis et en Irlande

Catégories : M ; Canulars ; Énigmes historiques ; Objets
Auteur : Ar Soner
Mise en ligne : 15/04/15
Dernière modification : le 12/08/15 à 18:43