Encyclopédie du paranormal - Wendigo

     Wendigo


Monstre anthropophage des croyances des indiens d'Amérique du Nord


Le wendigo est une créature surnaturelle du folklore des amérindiens. Il est le plus souvent décrit comme un monstre anthropophage, ou comme un esprit maléfique possédant les humains et les rendant cannibales.

La croyance au wendigo était attestée chez les Amérindiens de culture algonquienne, et particulièrement les tribus Ojibwe, Micmac, Cri, Innu et Naskapi. Ces populations étaient répandues aux Etats-Unis et au Canada, le long de la côte Atlantique et à l'intérieur des terres dans la région des Grands Lacs.


Le Windigo, peinture de Norval Morrisseau
(Source : Glenbow Museum)

Le terme 'wendigo' (pluriel : wendigowak) est une retranscription phonétique du mot algonquien servant à désigner le monstre. Il connaît cependant de nombreuses variantes selon les orthographes choisies et les dialectes : windigo ou windjigo chez les Ojibwe, wiitiko ou weetigo chez les Cris... Le terme semble avoir signifié « hibou » à l'origine, avant de désigner la créature.
Le wendigo est également connu sous divers autres noms selon les tribus : giwakwa/keewakwee (abenaqui), chenoo (micmac)...

De nos jours, chez les indiens algonquiens actuels, le mot wendigo est utilisé comme synonyme de 'monstre' ou pour désigner n'importe quelle névrose ou folie chez une personne, mais sans forcément faire allusion au monstre anthropophage des anciennes croyances.


Description


Les descriptions du wendigo sont très variables selon les tribus et les conteurs... La majorité des sources dépeignent cependant le wendigo comme une créature surnaturelle (manitou) maléfique et anthropophage.
Il était fortement lié au tabou du cannibalisme, interdit très fort dans les cultures amérindiennes ; on l'associait également au froid et à l'hiver, période où la famine frappait les communautés et où la tentation de se livrer au cannibalisme était la plus forte (voir plus loin).

Le monstre

La plupart des légendes et histoires orales dépeignaient le wendigo comme un monstre hantant les bois, en particulier en hiver, à la recherche d'humains égarés.
L'écrivain et conteur ojibwe Basil Johnston (1929 - 2015) décrivait ainsi le wendigo :

Le Wendigo était décharné jusqu'à l'émaciation, sa peau desséchée collée à ses os. Avec ses os prêts à traverser sa peau, son teint gris cendre comme un mort, et ses yeux enfoncés profondément dans leurs orbites, le Wendigo ressemblait à un squelette émacié récemment déterré hors de sa tombe. S'il avait des lèvres, celles-ci étaient rongées et en sang... Impure et souffrant de suppuration de ses chairs, le Wendigo dégageait une inquiétante et étrange odeur de pourriture et de décomposition, de mort et de corruption.
Traduction de l'anglais par Ar Soner

D'autres descriptions présentaient plutôt le wendigo comme un monstre fait de glace, ou ayant un coeur de glace.
Certaines cultures comme les Cris ou les Ojibwe voyaient le wendigo comme une créature géante, bien plus grande que les humains... éventuellement gigantesque au point qu'elle dépassait les arbres des forêts lorsqu'elle se mettait debout !
Sous cette forme, le wendigo peut être rapproché d'autres créatures mythologiques amérindiennes comme le mechuge/wechuge des indiens athapascans, qui est lui aussi un géant anthropophage fait de glace.


Vision d'artiste du wendigo
(Source : CamusAltamirano)

La présence du windigo pouvait être signalée par un froid soudain et un vent mordant. D'autres histoires affirmaient que le cri du wendigo était si terrible qu'il étourdissait ou paralysait les personnes qui l'entendaient, les laissant à sa merci sans possibilité de s'enfuir. La présence du wendigo passait pour être tellement nauséabonde qu'il chassait tout le gibier de la forêt, aggravant ainsi encore le risque de famine pour les communautés indiennes.

Le wendigo était parfois dépeint comme l'incarnation vivante de l'excès, de la cupidité et de la gloutonnerie. Souffrant en permanence de la faim et n'étant jamais satisfait même après avoir dévoré un être humain, il était constamment à la recherche de nouvelles victimes.
Certaines histoires précisaient toutefois que lorsque le wendigo mangeait une personne, son corps grandissait en conséquence et son estomac n'était jamais rempli, ce qui expliquait l'aspect toujours émacié de la créature et sa faim insatiable.

L'humain transformé en monstre

La croyance au wendigo s'accompagnait d'une autre idée : celle qu'en certaines circonstances, un être humain pouvait lui-même se transformer en wendigo.
Cette métamorphose pouvait arriver de plusieurs façons :

  • lorsqu'un humain commettait un acte de cannibalisme ; par exemple en hiver, lorsque les conditions étaient étaient particulièrement dures et qu'une personne en était réduite à consommer de la chair humaine pour ne pas mourir de faim.
    Le tabou du cannibalisme était extrêmement fort dans les cultures amérindiennes et il était formellement interdit de s'y adonner, fût-ce en cas de famine pour sauver sa propre vie. Lors des périodes où la nourriture venait à manquer, certaines cultures comme les Cris et les Ojibwe exécutaient une danse satyrique (nommée wiindigookaanzhimowin en Ojibwe) pour rappeler le tabou du cannibalisme et la menace de la transformation en wendigo qui pesait sur ceux qui voudraient s'y adonner.
  • un humain pouvait également être possédé par l'esprit du wendigo au cours d'un rêve ou lors d'une sortie en forêt, ou parce qu'un chaman ennemi avait envoyé sur lui une malédiction.
  • enfin, un humain se livrant sans retenue à des comportements excessifs comme la gloutonnerie, la cupidité... pouvait se transformer en wendigo.


Vision d'artiste du wendigo
(Source : TheRutheLa)

Une fois possédée par le wendigo, la personne souffrait de fièvre, de perte d'appétit, de dépression... puis elle développait une insatiable envie de chair humaine et elle devenait agressive vis-à-vis de ses congénères. Au bout d'un certain temps, elle pouvait éventuellement se métamorphoser pour prendre la forme d'un véritable wendigo.


La psychose du wendigo


La croyance au wendigo chez les indiens algonquiens aurait conduit à l'existence d'une maladie mentale dont la véracité est encore débattue à l'heure actuelle : la psychose du wendigo.
Cette psychose aurait été un syndrome lié à la culture (culture-bound syndrom), c'est-à-dire un trouble propre à ces amérindiens, suscité par leur substrat socio-culturel et inconnu chez les autres peuples ailleurs dans le monde. Les Inuits et les Amérindiens athapascans, qui vivaient pourtant proches des Amérindiens algonquiens et dans un environnement très similaire, ne souffraient pas de ce mal.
La psychose aurait été documentée chez des personnes des deux sexes, mais les hommes semblent avoir été davantage touchés que les femmes.

Les personnes souffrant de la psychose du wendigo auraient développé un véritable désir insatiable de chair humaine, à la façon de l'humain transformé en wendigo des légendes, et quand bien même d'autres sources de nourritures étaient à disposition. Le fait d'avoir été conduit à des actes de cannibalisme lors d'une précédente famine passait pour être un facteur déclenchant l'apparition de cette psychose.
A l'apparition des premiers symptômes de cette psychose, le malade était conduit par ses proches auprès d'un sorcier traditionnel ou d'un médecin occidental pour se faire soigner, ce qui semble avoir fonctionné dans la plupart des cas. Dans les rares cas où ces remèdes échouaient, certains malades demandaient à être exécutés avant de terminer leur transformation et de tuer quelqu'un ; dans d'autres situations, les malades commençaient à montrer des comportements violents vis-à-vis de leur entourage, ce qui conduisait à leur exécution. Une fois tués, le corps des malades était souvent brûlé ou mutilé, de peur que le windigo ne puisse revenir à la vie.

Deux cas particulièrement célèbres attesteraient de la psychose du wendigo :

  • durant l'hiver 1878, un indien cri nommé Swift Runner (« coureur rapide ») trappeur dans l'Alberta, aurait dévoré sa femme et ses 5 enfants. Le fait que la famille vivait à seulement 40 km du comptoir le plus proche, où ils auraient pu facilement se rendre pour faire le plein de nourriture, a conduit à penser que le cannibalisme de Swift Runner n'avait pas été un acte de désespoir face à la famine mais bien un cas de psychose du wendigo. Swift Runner avoua son crime et fut exécuté par les autorités canadiennes.
  • Jack Fiddler (1839 - 1907) était un célèbre chef cri, également chaman et particulièrement réputé pour ses talents de chasseur de wendigo. Il prétendait en avoir vaincu 14 au cours de sa vie ; des membres de sa tribu qui avaient été atteints spontanément par l'insatiable désir de consommer de la chair humaine, ou qui avaient été possédés par des esprits envoyés par des chamans de clans ennemis.
    Jack Fiddler fut arrêté en 1907 pour meurtre par les autorités canadiennes, mais il se suicida avant d'avoir pu être jugé.

Cette maladie mentale aurait disparu progressivement au début du XXème siècle, suite à l'affaiblissement des croyances traditionnelles et l'adoption d'un mode de vie sédentaire par les amérindiens conduisant à de meilleures conditions de vie.


Photographie de Robert Fiddler, le fils du chasseur de wendigo Jack Fiddler et qui lui succéda à la tête du clan, au début du XXème siècle

La réalité de la psychose du wendigo est encore très discutée à l'heure actuelle parmi les ethnologues, psychologues et historiens.

De nombreux spécialistes (Louis Marano) considèrent qu'elle n'a jamais réellement existé : la « transformation en wendigo » n'aurait été qu'un prétexte utilisé par les sociétés amérindiennes lorsque les temps étaient difficiles pour pouvoir exécuter des boucs émissaires (les individus âgés ou infirmes devenus des fardeaux pour le clan, les marginaux, les fous...), à la façon des chasses aux sorcières que connut l'Europe à la fin du Moyen-Age. Les psychologues du début du XXème siècle auraient ensuite naïvement pris au pied de la lettre les histoires qui leur étaient racontées.
Il est également pointé du doigt le manque de fiabilité de la plupart des témoignages de psychose du wendigo, qui sont des rumeurs et ouï-dire colportés par des gens n'ayant pas eux-même vu les personnes souffrant de la psychose.
Le mythe de la transformation en wendigo semble s'être forgé en grande partie au XVIIIème siècle. Cette période difficile fut marquée par de nombreuses crises pour les sociétés algonquiennes, causées par le développement du commerce de la fourrure avec les colons occidentaux : surpopulation, pénurie de nourriture suite à l'effondrement des stocks de gibier, dépendance des indiens vis-à-vis des comptoirs coloniaux, épidémies de maladies...

D'autres scientifiques (James G. E. Smith, Robert Brightman) avancent cependant qu'il existerait malgré tout un petit nombre de témoignages crédibles, provenant d'amérindiens comme d'occidentaux et pour certains assez anciens (fin du XVIIIème siècle) , qui attesteraient de la véracité de cette maladie mentale. Les cas authentiques de psychoses du wendigo auraient cependant été assez rares, et les histoires dramatiques de malades exécutés ou se suicidant auraient été encore plus anecdotiques.


Le wendigo dans la culture populaire


Depuis la première mention de la légende du wendigo dans les carnets de voyage de l'explorateur Bacqueville de la Potherie en 1770, la créature est devenu un élément assez courant dans la culture fantastique nord-américaine. Le wendigo apparaît ainsi dans les nouvelles d'Algernon Blackwood (The Wendigo, 1910), Stephen King (Pet Sematary, 1984) ou Margaret Atwood (Oryx and Crake, 2005) ; ou dans des films comme Vorace (1999)...
Ithaqua, un grand ancien appartenant au mythe de Cthulhu et apparaissant dans les nouvelles d'August Derleth, serait directement inspiré du wendigo.


Le wendigo tel qu'il apparaît dans la série Hannibal (2013), en métaphore du cannibalisme du tueur en série

La culture populaire moderne tend souvent à faire du wendigo une sorte d'équivalent américain du loup-garou, bien que la créature originale des légendes indiennes n'ait que très peu de choses à voir avec le métamorphe du folklore européen.
Cette assimilation loup-garou/wendigo a pu se produire assez tôt, dès le XIXème siècle : les colons occidentaux et les indiens métis du Canada français de l'époque utilisaient le mot 'loup-garou' pour désigner le wendigo, à défaut de terme approprié dans leur langage pour parler de la créature.

Dans le domaine de la cryptozoogie, il est parfois affirmé que le mythe du wendigo résulterait de l'observation de sasquatchs par les amérindiens. Il n'y a cependant et en toute rigueur que peu de liens entre les deux créatures.


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Traduction anglaise : Wendigo

Noms alternatifs : le nom est connu sous une grande variété d'orthographes : windigo, windiga, witiko...

Localisation : la croyance au wendigo existe principalement chez les amérindiens de culture algonquienne, répartis le long de la frontière entre les Etats-Unis et le Canada, le long de la côte Atlantique et dans la région des grands lacs ; Amérique du Nord.

Bibliographie :

  • The Windigo Psychosis : the Anatomy of an Emic-Etic Confusion, de Louis Marano (1981). Current Anthropology Vol. 23 n°4.
  • The Witiko Psychosis in the Context of Ojibwa Personnality and Culture, de Seymour Parker (1960). American Anthropologist n°62.
  • Werewolves and Windigos: Narratives of Cannibal Monsters in French-Canadian Voyageur Oral Tradition de Carolyn Podruchny (2004). Ethnohistory n°51.

Liens complémentaires :

Biographie de Jack Fiddler
Article Evil spirit made man eat family de Andrew Hannon, sur le cas de Swift Runner

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Catégories : W ; Créatures ; Mythes et folklore
Auteur : Ar Soner
Mise en ligne : 25/10/15
Dernière modification : le 17/01/16 à 12:47