Encyclopédie du paranormal - Étude et prévention du phénomène sectaire

Étude et prévention du phénomène sectaire


Par Chimère

Introduction



D’un point de vue purement historique, on peut dire que les sectes existent depuis plus de 2000 ans, voire qu’elles ont vu le jour avec les grandes religions. Mais ce n’est que depuis le début du 20ème siècle qu’elles enflamment l’actualité et déchaînent les passions. En effet, jusqu’alors, ce phénomène se limitait au champ théologique et historique.

Depuis la tragédie de Jonestown au Guyana qui fit 912 morts en novembre 1978, les pouvoirs publics ont pris en compte l’ampleur du phénomène, devant faire souvent aveu d’impuissance à l’annonce d’un nouveau « suicide collectif ».

Une partie des victimes de Jonestown.

Car le phénomène sectaire pose de nombreuses questions :

  • Comment des individus intelligents, cultivés se laissent-ils embrigader dans des groupes fermés, où ils perdent toute identité et finissent par se suicider pour rejoindre une autre planète, ou laissent mourir leur propre enfant au nom d’une idéologie glorifiant Dame Nature ?
  • Notre société est-elle à ce point vide de sens et de rêve pour que certains cèdent aux sirènes sournoises de groupes dangereux, et ce malgré les campagnes d’information et de prévention ?
  • De plus, comment lutter efficacement contre ces groupes sans pour autant mettre en péril le principe de laïcité, fondement de notre République ?

Une commission parlementaire a mené une enquête – jugée par certains commentateurs comme trop rapide – et rendu en 1995 un rapport vivement critiqué : pas d’audition d’universitaires spécialistes des groupes sectaires, ni de dirigeants de ces supposées « sectes » ( ce qui constitue un manquement grave au principe du contradictoire ), et au final la publication d’une « liste officielle » amalgamant – sans enquête approfondie ni précaution méthodologique – des groupes très divers dont certains n’avaient rien à voir avec des sectes, et ceci sans compter les accusations à l’emporte-pièce sur des plateaux de télévision.

Le rapport complet de la commission parlementaire est disponible en ligne : Lien

Devant ce brouillard médiatique et juridique, où se mêlent véritables tragédies collectives et personnelles, et « chasse aux sorcières », la plupart des gens n’arrivent pas à s’y retrouver.

Nous allons tenter de dissiper un peu ce brouillard en répondant à des questions nombreuses et complexes :

  • Qu’est-ce qu’une secte ?
  • Pourquoi et comment les adeptes se laissent-ils à ce point manipuler ?
  • Comment le « gourou » exerce-t-il son emprise sur son mouvement ?
  • Toutes les sectes sont-elles dangereuses ?

Et enfin, comment lutter efficacement contre des groupements qui exploitent des personnes avec leur propre consentement, tout en conciliant les principes fondamentaux des sociétés laïques et démocratiques ?

I. Qu'est-ce qu'une secte ?


Qu'entendons-nous par "secte" aujourd'hui ?

1.Définition, étymologie et évolution

L’étymologie du mot « secte » est double et ambiguë.

Pour les uns, le terme viendrait du latin « secare » signifiant « couper » c’est-à-dire se couper des religions « officielles ».

Pour d’autres, le mot viendrait du latin « sequi » ou « sequere » signifiant « venir derrière » ou « suivre », c’est-à-dire suivre un nouveau dogme ou un nouveau maître.

Les dictionnaires ne sont pas d’un grand secours, on peut y lire les définitions suivantes : « groupe organisé composé de personnes ayant une même doctrine au sein d’une religion » ou « ensemble de personnes professant une même doctrine philosophique ».

De plus, il n’existe pas de définition juridique de la secte.

Mais, le sens du mot « secte » a progressivement glissé.

En effet, la première étude sociologique de phénomène à été faite au début du 20ème siècle par les sociologues et théologiens allemands Max WEBER et Ernst TROELTSH, qui ont élaboré une typologie comparative de manière à séparer la « secte » de la « religion ».

Max Weber en 1864

Pour WEBER, la secte serait un « groupement contractuel de volontaires, ayant en commun certaines expériences religieuses ou autre, et dont le corps ainsi fermé tirerait sa légitimation des liens créés entre les membres ou adhérents et non d’une entité extérieure au groupe ».

Aujourd’hui, du fait de la multiplication des nouveaux mouvements religieux et des drames causés par certaines sectes, ainsi que du battage médiatique qui en a résulté, il apparaît clair que cette définition purement sociologique est insuffisante, car elle a pour effet de mêler de simples groupes ayant pour objet la recherche spirituelle et ésotérique et de véritables entités destructrices et dangereuses.

Néanmoins deux définitions émanant d’organismes officiels peuvent être retenues.

La première a été donnée en janvier 2000 par la MILS (Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes) : « La secte est une association de structure totalitaire, déclarant ou non des objectifs religieux et dont le comportement porte atteinte aux droits de l’Homme et à l’équilibre social ».

Site officiel du MIVILUDE (ex MILS) : Lien

La seconde provient d’une loi belge de 1998 : « Tout groupement à vocation philosophique ou religieuse, ou se prétendant tel, qui, dans son organisation ou sa pratique, se livre à des activités illégales, dommageables, nuit aux individus ou à la société ou porte atteinte à la dignité humaine. »

2. Les différents types de sectes

Bien que nombreuses et très diversifiées, la plupart des sectes ne comptent en réalité que peu d’adeptes (entre une dizaine et une centaine d’individus maximum) et les sectes ayant un réel rayonnement international sont au contraire peu nombreuses.

Si les classifications peuvent varier en fonction des ouvrages et des auteurs, on retient le plus généralement 13 familles classées en fonction de leurs doctrines ou de leur but, mais il est possible qu’une même secte puisse appartenir à 2 ou même plusieurs de ces familles :

  • Les alternatives :
    Elles proposent une organisation radicalement différente de la société.
  • Les évangélistes :
    Émanations extrêmes des églises réformées (protestantes) où le pasteur joue le rôle de gourou.
  • Les guérisseuses :
    Elles utilisent des thérapies faisant appel à des procédés irrationnels pour vaincre les maladies incurables les plus graves.
  • Les néo-païennes :
    Elles cherchent à rétablir les cultes d’avant le Christianisme.
  • Les new-age :
    Elles préparent l’arrivée d’une nouvelle ère : celle du Verseau, néo-spiritualiste et fortement empreinte de millénarisme.
  • Les occultistes :
    Elles pratiquent les sciences occultes les plus diverses (astrologie, alchimie, magie…)
  • Les orientalistes :
    Inspirées des religions orientales (Bouddhisme, Hindouisme, Taoïsme, Shintoïsme…), toujours guidées par les lumières du Gourou.
  • Les apocalyptiques :
    Elles annoncent l’Apocalypse et offrent à leurs adeptes le moyen d’y échapper.
L’Église véritable et vivante de Jésus-Christ des saints des derniers jours, généralement considérée comme une secte apocalyptique
  • Les psychanalytiques ou pseudo-psychanalyques :
    Elles utilisent des techniques de psychologie ou de parapsychologie opposées à la psychanalyse et à la psychologie classiques.
  • Les sataniques et lucifériennes :
    Annoncent l’avènement et pratiquent le culte de Satan.
  • Les syncrétiques :
    Mélangent des traditions spirituelles très différentes.
  • Les ufologiques ou soucoupistes :
    Font des extraterrestres les créateurs de l’Humanité et/ou communiquent avec eux pour les accueillir et/ou préparer le départ sur une autre planète.

Si cette classification a le mérite de rendre les choses plus claires, il ne faut pas omettre de préciser qu’un groupement ne peut être qualifié de secte sur le seul fondement de croyances ou de philosophie jugées par trop « originales » ou simplement ne s’accordant pas avec la pensée rationnelle communément admise.

II. IDEES REÇUES ET VRAIS DANGERS


Une cage est partie à la recherche d’un oiseau.
Franz KAFKA, Aphorismes


1. Idées reçues : entre inconscience et paranoïa

Du fait des amalgames et raccourcis opérés par les médias, le grand public méconnaît largement l’étendue et la réalité du phénomène des sectes. Soit il est victime d’une large désinformation qui fait de lui la proie rêvée de sectes réellement dangereuses, soit son rejet de toute spiritualité confine à la paranoïa.

a) Les sectes ne sont pas partout

En effet, les religions établies, comme les groupements ou associations ayant pour objet la recherche spirituelle ne sont pas des sectes.

Le véritable problème de la lutte contre les sectes doit se situer au niveau des principes des Droits de l’Homme, et pas pour des questions idéologiques ou théologiques, car ce serait transformer cette lutte, au demeurant légitime, en fanatisme.

De plus, bien que certaines sectes utilisent les appellations « médecines douces » ou « alternatives » , il convient de ne pas s’enferrer dans un antagonisme médecine allopathique/médecine alternative. En effet, de nombreux laboratoires « bien sous tous rapports » commercialisent de tels produits en toute légalité, tout comme la plupart des pays de l’Union Européenne se sont engagés sur la voie de la reconnaissance des médecines alternatives.

b) Appartenir à une communauté, c’est appartenir à une secte

Là encore, il ne faut pas tout mélanger. On peut parfaitement s’engager dans une congrégation religieuse sans pour autant se retrouver « prisonnier » : sœurs et moines peuvent en toute liberté revenir à la vie civile, une retraite dans une école Bouddhiste n’est pas en soi un point de non-retour.

À l’inverse, bien que largement basées sur le principe communautaire, toutes les sectes ne vivent pas totalement coupées du monde, car elles savent que pour recruter et s’enrichir, il est préférable de prendre une part active dans la cité et dans la vie professionnelle.

Ainsi, la MILS aurait recensé en France entre 15 et 40 sectes infiltrant les entreprises, et aurait même identifié un syndicat jugé « pro-secte » : le Syndicat Européen contre la Discrimination dans le Travail.

À ce jour, on ne compte en France que 2 sectes vivant en rupture totale avec le monde extérieur :

  • Tabitha’s Place
    D’origine américaine, basée dans les Pyrénées-Atlantiques. Secte apocalyptique fondée sur une lecture littérale de la Bible. Suite à la mort d’un enfant dû au refus de la médecine traditionnelle, la secte s’est disséminée, mais aurait été refondée sous le nom de La Ferme.
Le manoir de Navarrenx, qui abritait la communauté.

Image : etsectera.org

  • Horus
    Basée dans la Drôme, à la Coucourde, communauté agraire dirigée par une femme : Marie-Thérèse Castano dite Maïté. Refus de la médecine traditionnelle, soins par captation des « ondes positives » grâce à des cristaux ou des dessins occultes sur le corps des patients.

c) Pour entrer dans une secte, il faut être fou ou faible d’esprit.

C’est totalement faux… Personne ne peut se dire par avance à l’abri des sectes. Toutes les sectes, même celles dont les doctrines peuvent sembler les plus abracadabrantes, comptent parmi leurs membres des médecins, des avocats ou des ingénieurs.

Chacun peut se faire prendre un jour, quand bien même nous serions cartésiens et très diplômés : ainsi le cas d’un jeune étudiant athée, assez provocateur pour aller narguer les Moonistes chez eux. Deux jours plus tard, il écrivait à sa petite amie pour lui faire part de sa conversion : « Peux-tu imaginer qu’il y a quelques heures seulement, je ne croyais pas en Dieu ? Je suis devenu en un instant un passionné de Dieu. J’ai du mal à m’y habituer moi-même. Un tel changement en un instant. Incroyable…mais VRAI. »

En effet, si le manque de culture ne justifie pas la fragilité devant le discours sectaire, l’inverse est vrai également. Car la raison ultime de la captation par une secte tient à ce que son discours parle au cœur, à l’émotion plus qu’à l’intellect.

Et les chiffres le prouvent : un quart des diplômés de l’Université du Québec appartient à des mouvements sectaires (NB : des mouvements répertoriés comme secte en France ne sont pas considérés comme tels au Québec) car en général ces personnes souffrent d’un sentiment d’isolement qui les rend vulnérables au message des sectes. De plus, ils sont plus en recherche d’idéalisme, de vertus « fortes », et d’absolu.

2. Comment devient-on adepte ?

Nous l’avons vu, un niveau intellectuel élevé ne préserve en rien des sectes, puisque celles-ci s’adressent plus à l’émotionnel qu’à la raison.

Dès lors, comment reconnaître le discours sectaire d’un discours simplement associatif ?

a) La personnalité du gourou

Je pense donc tu suis.
Pierre DESPROGES, Fonds de Tiroirs.
Le véritable maître n’est pas celui qui a le plus de disciples, c’est celui qui a formé le plus de maîtres.
LAO-TSEU

Au plan étymologique et historique, le mot « gourou » vient du sanskrit ( langue ancienne de l’Inde ), « guru » signifiant vénérable, c’est-à-dire un maître spirituel ou religieux autour duquel sont regroupés les disciples. Dans le contexte ancien, le vénérable ne fait de prosélytisme et dispense gratuitement son enseignement, son seul but étant l’épanouissement spirituel de l’adepte.

Force est de constater que dans les sectes actuelles, le « gourou » n’a plus grand-chose à voir avec un maître sage et généreux. Cette différence est pertinemment illustrée par les propos de la fille de Gilbert Bourdin « messie cosmoplanétaire de synthèse » qui régna jusqu’à sa mort sur le Madarom : « Ce paysage n’existe que dans sa folie. Ceux qui entrent là-dedans trouvent quoi ? La foudre. Ils ne servent ni Dieu, ni eux-mêmes mais l’intérêt de cet homme. Mère Teresa, quand elle fait un pas dans la rue à Calcutta, tout le monde sait que c’est pour s’occuper des autres. Lui, Gilbert Bourdin, il ne sort que pour s’occuper de lui-même. »

Statue à l'effigie de Gilbert Bourdin, fondateur de l'Aumisme.

Le gourou, bien qu’ayant un QI dans la moyenne voire plus élevé, n’en apparait pas moins comme souffrant de graves névroses : allant de la mégalomanie en passant par l’autoritarisme forcené et la mythomanie (s’inventant par exemple des pouvoirs supranormaux, une ascendance extraordinaire – voire se disant le fils de Dieu - ou une œuvre littéraire ou artistique d’une abondance stupéfiante) pour aller jusqu’au délire de persécution.

Mais, il n’y a pas de gourou sans adeptes et il existe une interaction entre le gourou et son/ses adeptes.

En effet, comme le souligne le Docteur ABGRALL (psychiatre spécialiste des phénomènes sectaires) : « Il n’y a pas de gourou sans adeptes, ni d’adeptes sans gourou. Le gourou attire les adeptes et les adeptes créent le gourou. Ils le créent Dieu pour répondre à leurs propres besoins. Ainsi, en permanence, le gourou et l’adepte s’entretiennent mutuellement. »

Jean-Marie Abgrall, criminologue et médecin psychiatre.

Ainsi, la victime ne se plie à la volonté de son bourreau que si par ailleurs il répond à certains de ses besoins et colle à l’image qu’elle se fait de lui. Revêtu de tous les fantasmes et espoirs de ses adeptes, le gourou devient en quelque sorte le noyau de la secte, et le cercle le plus proche, celui des « initiés » l’aide en cela, lui prêtant toutes sortes de pouvoirs et de qualités en l’entourant d’une aura de mystère et de puissance.

b) Endoctrinement et méthodes de manipulations mentales.

Les sectes n’utilisent pas toutes les mêmes méthodes pour repérer leur public et l’attirer vers elles. Mais, on peut malgré cela repérer une constante : la secte se pare de tous les atouts d’une séduction de façade, et l’embrigadement se fait petit à petit, sans que l’adepte ne s’en rende compte.

Ainsi l’écrivait Jeannie Mills, ex-membre du Temple du Peuple : « Quand vous rencontrez les gens les plus amicaux que vous ayez jamais connus, qui vous amènent dans le groupe le plus chaleureux que vous ayez jamais rencontré et que vous trouvez le leader être la personne la plus inspirée, la plus attentionnée, la plus pleine de compassion et de compréhension que vous ayez jamais rencontrée, et qu’alors vous apprenez que l’objectif du groupe est quelque chose que vous n’auriez jamais espéré voir se réaliser, et que tout cela semble trop beau pour être vrai… c’est probablement aussi trop beau pour être vrai ! »

C’est donc en règle générale la chaleur du groupe et de son encadrement qui « aspire » l’adepte, une fois passée la phase d’appel.

On appelle cela le « love-bombing » ou « bombardement d’amour » (voir annexe).

Le « nouveau » est ainsi entouré de personnes aimantes qui le parent de qualités qu’il ne soupçonne pas lui-même. Peu à peu, les autres adeptes vont lui dire qu’il est « trop bien » pour le monde extérieur, puis pour sa famille. A ce stade, c’est déjà trop tard, car « drogué » par tout « l’amour » qu’on lui a prodigué, l’adepte ne peut plus revenir en arrière.

En général, les débuts dans la secte sont une véritable « lune de miel ». L’adepte se sent mieux, plus épanoui. S’il fumait, il ne fume plus, s’il se droguait, il ne se drogue plus. Peu à peu, il va changer : devenir propre, angélique, souriant, ce qui cause l’émerveillement de ses parents et amis naïfs.

Or, c’est bel et bien cette « radieuse insensibilité » de l’adepte qui doit être inquiétante, car l’individu a en cela perdu sa personnalité propre tout ayant une façade de normalité.

3. Les dangers des sectes et leurs conséquences

Les grands drames causés par les sectes :

DateLieuSecteMortsCirconstances
18/11/1978Jonestown, GuyanaTemple du peuple923suicides
03/06/1983Smithville, ArkansasGroupe Comitatus2affrontements
15/05/1985Philadelphie, PensylvanieMove11affrontements
19/09/1985Mindanao, PhilippinesDatu Mangayanon60suicides
01/11/1986Wokayama, JaponÉglise des amis de la vérité7suicides
28/08/1987Séoul, Corée du SudPark Soon ja32suicides
21/08/1992Naples, IdahoMouvement Identité Chrétienne3affrontements
19/04/1993Waco, TexasDavidsoniens88suicides, affrontements
04/10/1994Suisse, CanadaTemple solaire485assassinats et suicides
5/03/1995Tokyo, JaponAoum11 morts, 5000 blessésattentat
L'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo aurait pu faire jusqu'à 20 000 morts, selon certaines estimations.

D’après une étude psychologique faite en 1998, voici les principaux signes – certains plus marqués que d’autres - que l’on peut observer chez les adeptes d’une secte :

  • Indifférence à la vie sociale, familiale, à l’environnement, désintérêt pour tout ce qui n’est pas la secte ; cette indifférence peut aller jusqu’à la perte de toute sensibilité.
  • Caractère obsessionnel de leur engagement : un membre d’une secte n’est plus apte à la communication que pour parler des vertus de son groupe.
  • Dans certains groupes, on observe un régime alimentaire carencé, des tabous alimentaires, un manque de sommeil.
  • Les transformations du comportement vont, pour plusieurs sectes, jusqu’à une altération du timbre de la voix, du chant de la phrase, pauvreté du vocabulaire ; on note également une fixité du regard.
  • Les rituels sont dans certaines sectes tellement fréquents (horaires, méditation, récitation de « mantras » c’est-à-dire une courte prière à réciter plusieurs fois) qu’un adepte sorti de son moule est comme égaré. S’il ne remplit pas ses devoirs rituels de pratique, le sentiment de culpabilité est très fort, la dépendance est comparable à celle d’une drogue.
  • Les membres de la secte se sentent tellement protégés contre toute maladie qu’ils n’ont besoin d’aucun soin médical ; ils ne peuvent pas être malades, et s’ils le sont c’est qu’ils n’ont pas pratiqué comme ils le devaient, ce qui augmente leur sentiment de culpabilité.

Ce dernier point est particulièrement inquiétant, car des personnes atteintes de maladies graves (Cancer, SIDA…) arrêtent tout traitement pour êtres « soignés » selon les préceptes de la secte.

Rejetant la société extérieure considérée comme « pourrie », la secte en rejette également la morale et les tabous. Ainsi, la sexualité est-elle détournée de manière à en faire un instrument de pouvoir aux mains du gourou, et les abus sexuels, viols ou incestes s’en trouvent du même coup justifiés.

Les enfants dans les sectes.

C’est bien évidemment un des problèmes les plus graves concernant les sectes.

A l’intérieur d’une secte, les enfants courent deux risques majeurs :

  • Ceux-ci sont en général coupés de leur famille, que celle-ci soit à l’extérieur comme à l’intérieur de la secte. En effet, à l’intérieur, la secte se substitue aux vrais parents, infantilisés et culpabilisés. De plus, les enfants sont non seulement soustraits à leurs parents, mais également à la protection de l’Etat, car certaines sectes ne déclarent pas les nouveaux-nés.
  • Privés de tout secours, les enfants deviennent les victimes et les cobayes de toutes les folies de la secte. Dans la plupart des groupement, les jeux sont totalement interdits car ils « détournent les enfants de la voie à laquelle ils se destinent en vue de mieux gouverner la société et le monde à venir. » ( La Citadelle )

D’autres mouvements vont même plus loin : ainsi, les enfants de la Conscience de Krishna ou de Raël sont considérés comme des démons en puissance et doivent être battus « pour leur bien ».

De plus, les enfants sont privés de soins médicaux et souffrent de graves carences alimentaires, quand ce n’est pas de malnutrition voire de sous-nutrition.

Et ceci sans compter les abus sexuels, viols ou incestes dont ils sont les victimes, évidemment pour leur « épanouissement ».

On peut estimer aujourd’hui qu’environ 50 000 enfants subissent à des degrés divers une influence sectaire, que 5000 mineurs vivent dans des communautés fermées, et qu’à peu près 6000 sont astreints à une scolarité hors-norme.

La puissance financière des sectes.

Si l’on veut devenir milliardaire, le meilleur moyen consiste à fonder sa propre religion.
Lafayette Ron HUBBARD ( fondateur de la Scientologie )
L. Ron Hubbard, auteur de science-fiction puis fondateur de l'Église de Scientologie.

La puissance financière de certaines « grosses » sectes et impressionnante. Ainsi, il apparaît que celles-ci sont de véritables multinationales prosélytes et ramifiées, alimentant une maison-mère installée à l’étranger (notamment USA ou Canada) et parfois dans des paradis fiscaux.

A titre d’exemple, le budget de la Scientologie équivaut à celui du Benelux, la Sokka Gakkaï affiche un revenu de plusieurs milliards de yens et ses actifs en France sont estimés à environ 240 millions de Francs ou 3,5 millions d’Euros.

Quant à la secte Moon, elle faisait un bénéfice annuel de 354 millions de dollars et comptait parmi les 50 premières puissances de la planète jusqu’à l’effondrement boursier en Asie du Sud-Est… Et tout ceci sans compter le parc immobilier souvent impressionnant.

Cet argent provient des offrandes des fidèles, mais également de détournement de fonds, voire même de blanchiment d’argent, à l’image de l’Organisation du Temple Solaire soupçonnée d’être la « machine à laver » d’un trafic d’armes.

Et après ?

On estime qu’en France, environ 500 000 personnes sont touchées par le phénomène des sectes. Parmi elles, on compte les ex-adeptes. Comment ceux-ci surmontent-ils une telle épreuve ?

« Lorsqu’un adepte sort de la secte, le problème essentiel qu’il rencontre est la perte de ses références. Ses repères sectaires n’ont plus d’efficacité, ils ne sont pas adaptés à la société extérieure. Il est donc obligé de se reconstruire de nouvelles grilles de références, de se créer de nouveaux repères adaptés à la société environnante. Pendant plusieurs mois, il vit dans un système décalé, comme s’il était transporté dans une civilisation qu’il ignore. » explique le psychiatre Jean-Marie ABGRALL.

Ainsi, le monde extérieur terrifie les ex-adeptes. Détachés du groupe où ils avaient leurs repères, ils sont totalement livrés à eux-mêmes dans un monde qui leur est devenu étranger.

Pour eux, la réinsertion est très difficile. S’il existe des structures pour les anciens détenus, les anciens alcooliques ou les femmes battues, rien, ou presque, n’existe pour les anciens adeptes.

Ils sont souvent sans argent (car dépouillés par la secte), sans travail ni possibilité de s’inscrire au chômage : car comment expliquer à un employeur ou à l’ANPE que vous êtes sans travail depuis des années parce que vous étiez dans une secte ?

De plus, si l’adepte est sorti de la secte, la secte est encore dans sa tête. Il ressent des symptômes d’anxiété, de culpabilité, de honte, de peur. Il sent encore sur lui le regard désapprobateur de son gourou. Ensuite, la secte exerce fréquemment sur lui des pressions lors de sa sortie.

L’ex-adepte a donc besoin d’une écoute, sans jugement ni commentaires.

Porter plainte, se battre est également un moyen d’en finir avec ce passé : protester contre un préjudice financier n’est pas une simple question d’argent, c’est un exorcisme.


III. Enjeux de la lutte contre les sectes


L’enjeu principal en France repose sur la conciliation du principe de laïcité et la nécessité de lutter contre de mouvements bafouant les Lois et les Droits de l’Homme.

Ainsi, l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public institué par la Loi. » .

Dans le même ton, l’article 2 de la Constitution de 1958 affirme que la France, République laïque « assure l’égalité devant la Loi sans discrimination d’origine, de race, ou de religion. ».

Enfin, la Loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat dispose que la République « assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. »

Il en résulte que l’Etat refuse de se prononcer sur le contenu des croyances des différentes communautés à caractère religieux : sur ce point, les sectes ne sont donc ni attaquables, ni même discutables. Le mot d’ordre serait donc : tolérer toutes les croyances, mais sanctionner les comportements qui sont contraires aux lois de la République.

Si les intentions de la Commission d’enquête parlementaire de 1995 qui a tenté d’établir un « plan de bataille » dans la lutte contre les sectes sont louables, elle n’en demeure pas moins sujette à critique.

En effet, certains observateurs ont critiqué l’absence de méthodologie et de tout débat contradictoire : seuls des représentants de la lutte anti-secte et des experts de l’Église Catholique ont été entendus sur le sujet…

De plus, certains critères employés pour décrire les sectes semblent discutables :

  • la déstabilisation mentale ;
  • le caractère exhorbitant des exigences financières ;
  • la rupture induite avec l'environnement d'origine ;
  • les atteintes à l'intégrité physique ;
  • l'embrigadement des enfants ;
  • le discours plus ou moins anti-social;
  • les troubles à l'ordre public ;
  • l'importance des démêlés judiciaires ;
  • l'éventuel détournement des circuits économiques traditionnels ;
  • les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics.

Deux retiennent particulièrement l’attention : le « discours plus ou moins anti-social » d’une part, car c’est une expression floue, voire incompréhensible, et le « trouble à l’ordre public » qui est une notion « fourre-tout » bien connue des juristes.

De plus, il ne faut pas omettre de préciser qu’un seul de ces critères ne peut ni ne doit servir de base pour qualifier un mouvement de secte.

Néanmoins, les parlementaires ont tenté de parvenir à un verdict équilibré. Ils ne recommandent pas l’adoption d’une législation particulière contre les sectes, car cela reviendrait à remettre en cause les principes de liberté de croyance et de laïcité en rétablissant de fait le principe de cultes reconnus.

C’est ainsi que députés, juristes et intellectuels en arrivent à la même conclusion : mieux appliquer l’arsenal législatif existant, notamment sur l’escroquerie et les conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité de la personne, ou les textes concernant l’exercice illégal de la médecine et bien entendu les crimes et délits d’atteinte aux personnes.

De même, l'article 31 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'État, punit « de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d'un emprisonnement de dix jours à un mois, ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte. »

Enfin, il existe depuis 1994 un article 313-4, aux termes duquel « l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse, soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne vulnérable à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2.5000.000 F d'amende. » et deux articles 225-13 et –14 qui sanctionnent l’abus d’état de faiblesse et d’ignorance dans le cadre de fourniture de services pas ou mal rémunérés et des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine.




Bibliographie :

  • Sectes, mensonges et idéaux, Nathalie Lucas et Frédéric
  • Sectes, Collection « Idées reçues » Bernard Fillaire et Janine Tavernier
  • Les Sectes, aspects criminologiques, Pierre Aubry
  • Sectes et Sociétés secrètes, Richard Bessière
  • Sectes, rumeurs et tribunaux, Laurent Hincker
  • La Scientologie, une secte contre la République, Paul Ariès

Auteur : Chimère
Catégories : E ; Secte?
Mise en ligne : 30/07/08
Dernière modification : le 14/08/11 à 20:29