Encyclopédie du paranormal - A la recherche du roi Arthur

A la recherche du roi Arthur


Par Leann et Ar Soner


« C'est dans cette même bataille que notre illustre roi Arthur fut mortellement blessé : il fut alors transporté dans l'île d'Avallon pour y soigner ses blessures. Arthur abandonna alors la couronne de Bretagne à son parent Constantin, qui était le fils de Cador, duc de Cornouailles. C'était en l'an 542 ap. J-C. Que l'âme de notre roi repose en paix ! »


C'est en ces termes que Geoffroy de Monmouth, clerc d'origine galloise installé à Oxford dans les années 1130 achève, avec le 178e chapitre de son « Histoire des rois de Bretagne » (Historia regum Britanniae) le récit des hauts faits du roi Arthur. Nous retrouvons ici la version la plus connue de la légende : celle d'un chef ayant vécu au Vème siècle. Monmouth a en effet fait autorité en la matière jusqu'au XVIIème : les sources de l'époque étant rares ; cet auteur a permis de relayer le peu de chroniques qui nous sont parvenues.

Mais la critique à l'égard de Monmouth se fait plus importante au XXème siècle. Car si le clerc a vraisemblablement repris des récits issus d'une tradition orale et écrite, il est bien l'auteur de l'ensemble du texte, l'un des derniers sur le roi Arthur à être encore rédigé en latin. Il a donc pu broder autour, réutiliser, réinventer à sa guise les récits qu'il a repris.


Le roi Arthur, tel qu'il est représenté sur la tapisserie des Neuf Preux (conservée actuellement au musée The Cloisters de New-York) (1385 ap. J-C.)


Peut-être est-il ici utile de rappeler les grandes lignes de l'histoire légendaire d'Arthur. Les noms des personnages pouvant varier selon les légendes, les orthographes les plus courantes ont été ici reprises.

Arthur est né d'Ygerne (ou Igraine) femme du duc Gorlois et d'Uther Pendragon roi de Bretagne (il faut noter que l'adultère disparait avec la christianisation de la légende : Gorlois meurt avant qu'Uther n'arrive au château d'Ygerne, celui-ci se faisant d'ailleurs passer pour le mari). Confié par Merlin à un maréchal ferrant qui l'élèvera comme son fils (et même mieux), lui seul étant roi légitime de Bretagne, Arthur parvient à retirer Excalibur de l'enclume (ou du rocher) lors d'un tournoi. Après une difficile reconnaissance, il épouse Guenièvre, fille du roi Léodagan de Carmélide, et s'installe à Camelot dont il fait sa cour principale. Merlin fonde la Table Ronde, la quête du Graal commencera peu après. Selon certaines sources, Arthur a un fils (Lohot) qui sera assassiné par Keu car il avait la fâcheuse tendance de s'endormir sur le corps d'un ennemi après l'avoir tué. Arthur finira sa vie lors de la bataille de Camlann, durant laquelle son fils Mordred le tuera, et les Saxons vaincront.


Les textes arthuriens : quels sont-ils ?



Un fait historique que l'on retrouve systématiquement dans la légende arthurienne permet de la situer effectivement au Vème - VIème siècle de notre ère, comme le fait Monmouth : l'île de Bretagne, christianisée, est peu à peu soumise aux Angles et aux Saxons païens... Saxons très présents dans les romans, car c'est contre eux qu'Arthur livrera sa dernière bataille.

Les textes Arthuriens eux-mêmes sont assez tardifs par rapport à l'époque où Arthur est supposé avoir vécu : 829-830 ap. J-C. pour le premier, l'« Histoire des Bretons » (Historia britonniae), qui a été écrit par un clerc d'origine galloise nommé Nennius. Il s'agit d'une compilation d'épisodes historiques et géographiques du Pays de Galles et de l'Angleterre. La figure d'Arthur est mentionnée brièvement et utilisée pour montrer le passé glorieux des Gallois, que l'union peut faire la force : un exemple de dirigeant efficace ayant accompli une grande victoire ' celle du Mont Badon. A l'époque de la rédaction du texte, le pays était en proie à des conflits et invasions menaçants son unité. Le poète plaide pour une unité des efforts derrière Merfyn Frych, roi de Gwynedd (nord du Pays de Galles).
Un recueil de chroniques un peu plus tardives (Xème siècle), les Annales Cambriae mentionnent également, mais de façon très laconique, le nom d'Arthur comme participant à deux batailles.


Le jeune Arthur retirant l'épée Excalibur (vignette du haut), puis posant l'épée sur l'autel en signe de soumission à Dieu lors de son couronnement (vignette du bas). Enluminure d'un manuscrit du XIIIème siècle.
(Source : Bibliothèque Nationale de France)

Aux environs du Xème et du XIème siècles, Arthur est fréquemment cité dans des petits textes et poèmes en gallois, mais sans que ses attributs ou son histoire ne soient réellement développés.

Vers 1130 ap. J-C., Geoffroy de Monmouth est le premier auteur à s'intéresser véritablement à Arthur avec son « Histoire des rois de Bretagne » (Historia regum Britanniae) et « La vie de Merlin » (Vita Merlini). Son récit pose les premières bases du mythe : il fait mention d'un grand nombre de personnages comme Uther Pendragon et Merlin ; il décrit aussi les grandes lignes de la vie du roi Arthur, dont notamment sa naissance à Tintagel et la découverte d'Excalibur.
Le livre de Monmouth aura un succès retentissant au Moyen-Age, puisque de nombreuses copies en seront faites (dont plus de 200 sont parvenues jusqu'à nos jours) et qu'une traduction en langue « populaire » anglo-normande sera même réalisée par le trouvère normand Robert Wace en 1155 (« Le Roman de Brut »).


Si les premiers livres mentionnant le Roi Arthur le présentent de manière assez prosaïque, les suivants, en particuliers ceux écrits au bas Moyen-Age (à partir du XIIIème siècle) cherchent très clairement à adapter Arthur au contexte de leur époque.

L'auteur Chrétien de Troyes, au sujet duquel on ne sait que très peu de choses bien qu'il ait été très prolifique, a fortement puisé son inspiration dans la Matière de Bretagne (constituée par les premiers textes comme ceux de Nennius). On lui doit ainsi des grands classiques comme « Lancelot ou le Chevalier de la charrette », « Yvain ou le Chevalier au lion », « Perceval ou le Conte du Graal » (qui introduit pour la première fois la question du Graal dans l'imaginaire arthurien) et « Tristan et Iseult » (aujourd'hui perdu), tous écrits aux environs de 1180 ap. J-C.


Lancelot faisant allégeance à Guenièvre, enluminure extraite d'un manuscrit réalisé pour Jacques d'Armagnac, duc de Nemours (vers 1475 ap. J-C.)
(Source : Bibliothèque Nationale de France)

Quand Chrétien de Troyes écrit ses romans, il se sert de la légende d'Arthur comme support pour cautionner la chevalerie, ses codes, un idéal de justice et d'équité concrétisé par la Table Ronde, mais surtout l'idéal du comportement du chevalier parfait. C'est vers cette époque qu'aux premiers romans centrés sur le roi Arthur, s'en rajoutent d'autres qui prennent pour héros des chevaliers de la Table Ronde et que se développent les petites histoires qui viennent enrichir le mythe. Des chevaliers comme Gauvain, Galaad, Lancelot, Tristan... se voient attribuer leur propre histoire et développent leur importance dans la légende.
L'amour courtois ou fin'amor, c'est-à-dire l'engagement nouant un chevalier à sa dame et le poussant à accomplir milles prouesses pour conquérir le coeur de celle-ci, prend également une part importante. L'amant doit faire preuve d'un amour absolu, parfait (et bien entendu, purement platonique) et céder à toutes les exigences de sa dame qui se comporte en seigneur parfois impitoyable. Ce genre littéraire, très populaire au milieu du Moyen-Age, ira fortement influencer les romans arthuriens au point de devenir par la suite ' comme la chevalerie ' un aspect indispensable du mythe arthurien.

L'une des romans les plus célèbres autour d'Arthur est sans doute celui de Thomas Malory : Le Morte Darthur. Publié en 1485, le livre est divisé en huit histoires : la naissance d'Arthur, sa guerre contre les Romains, l'histoire de Lancelot, celle de Gareth puis celle de Tristan, la quête pour le Graal, la liaison entre Lancelot et Guenièvre, et enfin la mort d'Arthur et la chute de la Table Ronde (The Dethe of Arthur).
La vision de Malory sera l'une des plus propagée par la suite, avec les écrits de Chrétien de Troyes, et elle aura un fort retentissement sur la perception que la culture populaire se fait du mythe d'Arthur.


L'Arthur historique : qu'est-ce que les textes peuvent nous apprendre sur lui ?



Les recherches sur l'historicité du roi Arthur se heurtent à un problème majeur : l'absence de mention du personnage dans les chroniques anciennes. Car dans les sources des Vème et VIème siècles, période où le roi est censé avoir vécu, aucune ne mentionne le personnage d'Arthur. Certains pourraient alors invoquer l'obscurantisme et la barbarie de ce début de Moyen-Âge (n'est il d'ailleurs pas appelé Dark Ages, les âges sombres, en anglais ?) pour justifier son absence. Mais si le Moyen-Âge est appelé ainsi, ce n'est pour un prétendu obscurantisme, mais parce que les sources sont rares, et peu fiables. Il est donc difficile d'y retrouver une trace d'Arthur.


Arthur et ses chevaliers combattant Mordred et son armée ; enluminure extraite de De Casibus virorum illustrium de Jean Boccace (1360)
(Source : Bibliothèque Nationale de France)

La toute première mention connue d'Arthur se trouve dans un très ancien poème gallois, le Y Goddodin (écrit par le poète Aneirin), qui remonterait au VIème siècle. Il est dit au détour d'un vers qu'un personnage « nourrissait les corbeaux sur les remparts bien qu'il ne soit pas Arthur » sans plus de détail ni sans préciser s'il est bien question du roi légendaire. Cependant le manuscrit qui a permis de retrouver le poème (il était connu seulement oralement) est un peu trop récent pour constituer une source sérieuse, puisqu'il date du XIIème siècle.

Seul le moine Gildas le Sage permet d'en apprendre un peu sur la Grande-Bretagne de l'époque à laquelle le roi Arthur est supposé avoir vécu. Cependant, dans son « De la chute et de la conquête de la Bretagne » (De Excidio et Conquestu Britanniae) rédigé au VIème siècle, Gildas ne fait aucune mention d'Arthur... alors que le moine était pourtant théoriquement un de ses contemporain.
Cette absence ne veut pas dire qu'Arthur n'a pas existé : il est impossible d'argumenter à travers une seule source isolée, d'autant plus que le texte de Gildas n'est pas une chronique mais une prêche posée à l'écrit.

A côté de cela, la réalité de certaines grandes batailles ayant opposés les Bretons contre les Saxons (comme celles du mont Badon ou la bataille de Camlann) fait peu de doute aux yeux des historiens. En effet, outre les textes arthuriens anciens, elles sont mentionnées dans d'autres chroniques médiévales... sans que ces dernières ne soufflent pour autant un mot au sujet d'Arthur.

Dans l'« Histoire des Bretons » (Historia britonniae), écrit au IXème siècle, Nennius cite une liste de douze batailles remportées par Arthur (celle du Mont Badon en dernier, dans le chapitre 56) et il lui attribue deux noms : « champion chrétien » (à la huitième bataille) et « dux bellorum », littéralement chef des batailles en latin.
Mais que penser de ce titre ' Un chef suprême des Bretons ou un chef de guerre indépendant à la tête de mercenaires ' Ce serait la première hypothèse qui serait la plus vraisemblable, le clerc voulant montrer l'union du peuple. Mais tout ceci ne signifie pas clairement l'historicité du personnage. Les sources de l'« Histoire des Bretons » sont orales, des récits héroïques du roi Arthur. Nennius s'inspire principalement de Gildas le Sage.

L'auteur de l'« Histoire des rois de Bretagne », Geoffroy de Monmouth, prétend quant à lui aussi s'être inspiré de sources très anciennes en langue bretonne, mais l'existence de telles sources est très discutée et n'a jamais pu être démontrée. Il est donc difficile de savoir dans quelle mesure Monmouth relate des faits historiques authentiques, et dans quelle mesure il a fait appel à son imagination pour développer certains éléments.


Arthur (clairement identifié : Rex Arturus) combattant un monstre, sur une mosaïque de l'église d'Otrante (Italie), milieu du XIIème siècle
(Source : Bibliothèque Nationale de France)

A partir du IXème siècle, période où Arthur commence à être régulièrement mentionné dans les textes, la dimension semi-légendaire du personnage est déjà bien présente et elle est peu discernable de sa dimension historique. Ceci qui complique la tâche des historiens cherchant à tirer le bon grain de l'ivraie au sein des sources anciennes... A plus forte raison qu'on observe rapidement chez les auteurs postérieurs une nette volonté de donner une historicité au personnage, de l'associer à des lieux anciens et précis. Quant ce ne seront pas les lieux eux-mêmes qui seront nommés en fonction de leur supposés liens avec la légende Arthurienne...
Arthur semble en effet être dès cette époque un héros connu de tous et très populaire, ce qui explique que l'on ait cherché à lui donner une origine historique bien déterminée.

Il faut également noter une difficulté supplémentaire pour les historiens cherchant des indices sérieux de la présence passée du roi Arthur : au tournant du VIIème siècle, des personnages appelés Arthur apparaissent dans les maisons régnantes dans l'ouest de la Grande Bretagne... Signe d'une popularité déjà certaine du héros.

Les ouvrages les plus bavards au sujet du roi Arthur étant postérieurs au XIIème siècle, période où, on l'a vu, les auteurs prendront beaucoup de liberté avec le mythe arthurien qu'ils iront considérablement remanier pour le remettre aux goûts de leur époque... On comprendra que la recherche d'un Arthur historique soit un problème insoluble pour les spécialistes !


Cette forte popularité du héros a justifié que le personnage du roi Arthur ait été utilisé au cours du Moyen-Age à des fins politiques. Un exemple célèbre d'une telle récupération est celui de l'abbaye de Glastonbury.
En 1191, d'après le chroniqueur Giraud de Barri, l'abbé Henry de Sully avait demandé que l'on fasse des recherches qui auraient permis de découvrir, à une profondeur d'à peu près cinq mètres, un tronc de chêne massif contenant deux squelettes. Toujours d'après Giraud de Barri, une croix de plomb portant l'inscription Hic jacet sepultus inclutvs rex Arturius in insulis Avalonia cum Wenneveria uxore cum sua secunda in insula Avallonia (« Ci-gît le renommé roi Arthur enseveli avec Wenneveria, sa seconde femme, dans l'île d'Avallonie ») fut retrouvée à proximité de la sépulture. Le deuxième squelette semblerait donc être celui de Guenièvre. Mais la dissolution de l'abbaye au XVIème siècle, et par conséquent la destruction des tombes, empêche de vérifier la véracité de l'histoire.
De plus lors de la découverte, la fréquentation de Glastonbury était en baisse après l'incendie de la nef en 1184. Les moines parvinrent à la rénover suffisamment pour parvenir à faire des offices mais ils manquent cruellement d'argent... La découverte des tombes redonnait un nouvel attrait, et non des moindres, à l'abbaye. A tel point qu'en 1278, le roi Edouard Ier et la reine Eléonore eux-mêmes assistèrent à la cérémonie grandiose durant laquelle les restes d'Arthur furent remis en terre.

Dessin de la croix de plomb, mentionnant le nom d'Arthur, qui aurait été retrouvée par les moines de Glastonbury en 1191

Les Annales Cambriae (Xème siècle) sont la première source ancienne connue mentionnant la mort d'Arthur (ainsi que celle de Mordred, sans que la nature de leur relation soit précisée) lors de la bataille de Camlann.
Geoffroi de Monmouth reprend et développe cette idée dans Historia Regum Britanniae et Vita Merlini (milieu du XIIème siècle) ; il affirme cependant qu'Arthur est grièvement blessé en combattant Mordred, son fils incestueux (bien qu'il ne le sache pas). Il est ensuite est transporté sur Avalon par Merlin où il est accueilli par sa s'ur Morgane.
Le roman anonyme La Mort le roi Artu, rédigé vers 1230 ap. J-C. environ rajoute un élément qui deviendra par la suite emblématique de la mort du roi : alors qu'Arthur est mourant, il demande par trois fois à Girflet de jeter Excalibur dans le lac. Une main se saisit l'épée et l'emporte. Quand Girflet revient auprès du roi, une barque l'a déjà emporté vers Avalon où réside sa demi-s'ur Morgane.
Cette version de la mort d'Arthur sera reprise quasiment à l'identique par les écrivains postérieurs comme Malory.

Avalon, là où Arthur est amené lorsqu'il est mourant, est parfois assimilée à l'île Fortunée (ou île des Bienheureux), un lieu mythique où sont emportés les héros à leur mort, les méritants, dont la localisation diffère selon les légendes. Selon une tradition, Avalon aurait été localisée à Glastonbury, où une colline était auparavant entourée par la mer qui inondait les basses terres... ce qui apporté d'autant plus de poids à la découverte de la sépulture d'Arthur à l'abbaye de Glastonbury. Il faut noter que le nom "d'île", au Moyen Âge, était aussi utilisé pour désigner des lieux difficiles d'accès.
Avalon ne saurait toutefois être un lieu bien réel : il correspond à l'archétype de l'au-delà éloigné dans lequel se rendent les guerriers valeureux après leur trépas, comme l'ile des Bienheureux de la mythologie grecque ou le Walhalla scandinave. Son nom même, « l'île des pommes » (à rapprocher du breton moderne aval et du gallois afal) trahi sa véritable nature, la pomme étant souvent perçu comme le fruit des morts dans l'imaginaire celtique.


Mais les moines de l'abbaye de Glastonbury n'ont pas été les seuls à vouloir s'approprier Arthur. De nombreux rois historiques et bien réels ont voulu incarner la figure d'Arthur, ou se revendiquer comme son successeur.
L'« Histoire des rois de Bretagne » de Geoffroy de Monmouth a ainsi parfois été vu comme un livre politique cherchant à justifier la légitimité de la dynastie des Plantagenets (d'origine continentale) sur le trône d'Angleterre, dans la mesure où l'auteur y décrit les lignées de rois s'étant succédées en Bretagne et les fait remonter jusqu'à Henri II. Durant la troisième croisade, Richard C'ur de Lion aurait porté Excalibur. Après avoir interdit les tournois en Angleterre (qui causaient trop de troubles), Edouard III les réinstaure sous prétexte de ressusciter Arthur et sa cour.


La « Table Ronde » réalisée à la demande d'Henri VIII au XVIème siècle (exposée au château de Winchester) ; les noms de 24 chevaliers y sont peints. On notera que le visage du roi Arthur est celui d'Henri VIII, et que la rose des Tudors figure au milieu de la table

De la même manière, Henri VIII demanda la création d'une Table Ronde qu'il exposa à Winchester, afin de faire remonter ses origines à Arthur, et de montrer qu'il en est l'héritier.
La célèbre Table Ronde est pourtant loin d'être un élément ancien de la légende arthurienne : elle est mentionnée pour la première fois dans Le Roman de Brut (1155). Dans les versions les plus connues, elle comporte douze sièges (le treizième étant le Siège Périlleux, où seul le meilleur des chevaliers, Galaad, est destiné à s'asseoir) mais certaines versions mentionnent 1500, 3000 ou trente chevaliers ! Mais ces chiffres correspondent peut-être à ceux qui sont admis à la cour, ce qui est déjà une preuve de la noblesse et du courage de l'élu.


L'Arthur historique : des hypothèses et des candidats



Puisqu'il est impossible de retrouver la trace d'Arthur dans l'Histoire, on peut envisager l'hypothèse inverse : Arthur serait un personnage légendaire auquel on aurait donné des traits historiques, afin d'en garantir la crédibilité.

C'est pourquoi certains ont voulu le voir dans la figure d'Ambrosius Aurelianus (soldat issu de l'aristocratie bretonne romanisée, ayant vécu au Vème siècle) que Gildas le Sage présente comme « un homme de bien ». Sous sa direction, les Bretons reprennent courage et infligent aux saxons une défaite cuisante lors de la bataille du Mont Badon. Mais Ambrosius (aussi appelé Emrys en gallois) apparaît sous son propre nom et est un personnage clairement différencié d'Arthur, y compris dans les écrits postérieurs qui mentionnent les deux guerriers de façon bien distincte.

Une autre origine celto-romaine a été avancée pour Arthur : il s'agirait de Lucius Artorius Castus, un militaire romain et chef de légion installé à York au IIème ap. J-C. Chargé de protéger les frontières de l'empire au delà du mur d'Hadrien contre les barbares pictes et calédoniens qui peuplaient alors l'Ecosse, il aurait remporté contre eux une série de victoires qui lui ont valu le titre de dux legionum.
La similitude de nom et de statut entre Lucius Artorius et le roi Arthur ne saurait être le fruit du hasard, selon les partisans de cette théorie.

Enluminure médiévale représentant Arthur, un bouclier à l'effigie de la Vierge à la main, surplombant 30 couronnes représentant les royaumes qu'il a conquis (liste assez fantaisiste, on y trouve la Libye et l'Egypte !). Extrait des Chroniques d'Angleterre de Pierre de Langtoft (XIIIème siècle)

L'historien britannique Geoffroy Ashe a voulu identifier Arthur dans Riothamus, le « roi des bretons », mentionné dans une source gauloise du Vème siècle et une source byzantine du Vème siècle. La proximité des régions où opéraient Arthur et Riothamus a semblé intéressante, mais le raisonnement est construit à coups d'arguments circulaires : Ashe reconstituait Riothamus à partir de Monmouth et en déduisait qu'il s'agissait Arthur.

Peut-être faut-il chercher Arthur comme un personnage historique ayant son propre nom, sa propre identité, mais que l'on aurait désigné ensuite sous le nom d'Arthur comme un titre honorifique (de la même manière que l'on dit un « César » pour désigner indistinctement les empereurs dans la Rome Antique). L'étymologie d'Arthur viendrai du celte arth signifiant « ours » (en breton moderne : arz, gallois : arth à prononcer à l'anglaise). Dans le prénom latinisé, Artorius, le suffixe viendrait peut-être du celte rix signifiant roi. Donc « roi des ours », l'ours étant un animal royal, l'emblème monarchique dans la culture celtique, à l'image du lion des fables de La Fontaine.


Le roi Arthur dans le monde du merveilleux et du folklore



Il existe aussi ce que l'on peut appeler la « mémoire d'Arthur. » En fait il s'agirait plutôt d'une explication apportée par la tradition orale populaire pour expliquer l'origine des mégalithes, des oppidii et des phénomènes naturels.
Par exemple dans l'« Histoire des Bretons » il est fait mention au chapitre 73 de Carn Cabal, un cairn dont une des pierres porterait l'empreinte de la patte de Cabal, le chien d'Arthur (la légende veut que si l'on prend une pierre du cairn, elle y reviendra dans la nuit). Un autre lieu notable est Licat Anir, le tombeau d'Anir, fils d'Arthur, que celui-ci aurait tué de sa main. La légende affirme qu'il rétrécit ou s'agrandit dès que l'on cherche à le mesurer.


Le Carreg Coetan Arthur, dolmen du Pembrokeshire au Pays de Galles que la tradition locale relie (comme de nombreux autres) au roi Arthur

La tradition orale bretonne semble avoir très tôt nourri l'idée qu'Arthur n'était pas mort, mais en guérison de ses blessures à Avalon, et qu'il reviendrait un jour pour combattre les envahisseurs saxons et normands, rendant ainsi leur indépendance aux bretons. Cette idée a été reprise notamment par Monmouth dans « La Vie de Merlin » (alors que dans son « Histoire des rois de Bretagne », il semble considéré la mort d'Arthur comme acquise).
Certaines traditions folkloriques affirment qu'Arthur a été pétrifié dans un château (éventuellement avec 8 autres grands rois réels et imaginaires : les « neufs preux »), et qu'il sortira de sa torpeur dans un futur lointain pour délivrer le monde d'un grand danger dans le futur.

Ces légendes sont toutefois de l'ordre du folklorique et elles ne sauraient justifier à elles seules l'existence du roi Arthur. En effet, d'autres histoires très similaires peuvent être trouvées à travers toutes l'Europe, qui attribuent la création de particularités topographiques à des personnages semi-légendaires (comme Charlemagne, Ogier le Danois ou le chevalier Roland)... voire à des créatures complètement fictives (Gargantua ou Jean de l'Ours dans le Sud-Ouest de la France).

Le merveilleux est indissociable d'Arthur, même dans l'éventualité où il serait une figure historique. Le roi Arthur est très fortement associé au Pays de Galles où l'on peut trouver son lieu de naissance, de vie, de mort,' Il faut également noter que le drapeau du Pays de Galles représente un dragon, en rapport avec le nom de famille d'Arthur, Pendragon (à rapprocher du breton penn et du gallois pen « tête », et draig : « dragon ») : tête de dragon ?
Le héros est plus présent dans ce pays qu'ailleurs. Il existe cependant quelques légendes en France, notamment en Bretagne (à Huelgoat, une forêt où il se serait reposé après une bataille), dans les autres régions il ne tient que le rôle d'un grand veneur fantôme (chasseur condamné à chasser jusqu'au Jugement Dernier après avoir commis un pêché).

Arthur et ses chevaliers combattant les barons bretons insoumis ; il est accompagné d'un étendard magique en forme de dragon, donné par Merlin. Enluminure d'un manuscrit du XIIIème siècle.
(Source : Bibliothèque Nationale de France)

Mais même si le roi Arthur est associé au merveilleux païen, la légende a vite été christianisée, comme la quête du Graal en témoigne. Dans les Annales Cambriae, écrites durant le deuxième moitié du Xème siècle, lors de la mention de la bataille du Mont de Badon le roi aurait porté pendant trois jours et trois nuits une relique de la sainte Croix sur ses épaules, ainsi qu'une image de la Vierge. Guillaume de Malmesbury rajoute vers 1125 qu'il a cousu cette image sur ses armoiries avant la bataille. Monmouth, vers 1155, place cette image à l'intérieur de l'écu, nommé prydwen.



La légende du roi Arthur, complexe en elle-même, ne fait que gagner en ambigüité lorsque l'on essaie de remonter à ses sources, de lui trouver une véracité historique. C'est peut-être ce qui la rend si fascinante, et nous donne envie de continuer à la connaître et à la découvrir plus de mille ans après. Roi idéal, modèle de courtoisie et de sagesse, Arthur est également un humain, avec ses faiblesses. Car son danger est avant tout en lui-même ; l'idéal pour lequel lui est ses chevaliers se battent, le royaume qu'ils veulent construire, reposent sur des valeurs qui, s'ils ne les respectent pas, causeront l'effondrement de ce pour quoi ils se battent. Ce sont sûrement ces thèmes toujours actuels qui garantissent la modernité de la légende.


Bibliographie :

  • La Légende Arthurienne, le Graal et la Table Ronde (1997) collecté sous la direction de Danielle Régnier-Bohler, éd. Robert Laffont.
  • Le Moyen-Âge enchanteur (2011), édition spéciale n°132 de la revue Historia.
  • Chrétien de Troyes et la légende Arthurienne (2011), n°38 de la revue Histoire et Images Médiévales.

Filmographie :

  • The Real Merlin and Arthur (2009), documentaire de BBC Wales dirigé par Mark Procter.

Liens complémentaires :

Site de l'exposition de la Bibliothèque nationale de France de 2009 - 2010 consacrée à la légende arthurienne

Auteur : Ar Soner ; Leann
Catégories : A ; Histoire ; Personnes
Mise en ligne : 11/11/13
Dernière modification : le 11/08/15 à 23:51