Pochel a écrit:
Je suis tout à fait d'accord avec toi. On ne peut pas, selon moi, lutter contre le sexisme, qui est une discrimination fondée sur le sexe, en appuyant lourdement les différences entre les sexes.
Pour te répondre, il faut en revenir à ce que disait Chimère initialement. A savoir:
Chimère a écrit:
Après, je n'aime déjà pas qu'on féminise ma profession, dans ma signature, je laisse le masculin [...] et je n'ai pas à signifier que je suis autre chose que moi-même, et me saoule qu'on me renvoie à ma "féminité" [...]Mais quelque part, faire la distinction masculin/féminin dans un corps de métier, ça revient à entériner l'idée d'une différence homme/femme.
C'est un argument assez classique et récurrent qu'il faut, je crois, interroger. Pourquoi, selon vous, certaines femmes n'aiment pas être renvoyées à leur féminité? La réponse appartient à chacun·e à titre personnel mais notons que la littérature féministe s'est penchée sur la question et voici ce qu'il en ressort:
Citer:
Madame le président ou Madame la présidente ?
Derrière ce débat autour de l'écriture inclusive, c'est une nouvelle fois la place du féminin dans la langue française qui est en jeu. Le langage véhicule les stéréotypes de genre et conditionne nos représentations mentales. Eliane Viennot explique comment le langage contribue aussi à laisser les femmes dans l'ombre des hommes :
Quand on explique aux enfants “Le masculin l’emporte sur le féminin”, ce n’est pas seulement une règle de grammaire, c’est une règle sociale qu’on leur apprend. Si on explique à une femme qu’elle est avocat, et qu’elle ne peut pas avocate, on reproduit dans notre tête que c’est une profession pour les hommes.
Néanmoins, certaines femmes tiennent à conserver le masculin dans leur titre et être appelé "madame le président" plutôt que "madame la présidente". Pour Eliane Viennot, c'est tout d’abord une erreur linguistique mais aussi un biais sociologique :
Le français exige que l’on parle des femmes au féminin et des hommes au masculin. [...] Cette habitude d’appeler une femme “Madame le Maire” est très récente et contraire aux usages du français. Ce sont des femmes qui ont incorporé la domination masculine. Elles sont intimement persuadées que si on l’appelait “la juge”, ça empièterait sur leurs valeurs. C’est-à-dire qu’elles sont intimement persuadées que le féminin a moins de valeur que le masculin. Cette posture est le produit d'une oppression. On a fait comprendre à ces femmes que c’était déjà bien beau qu’elles puissent exercer ces professions, elles n’allaient pas en plus exiger que l’on parle d’elles au féminin.
Source:
https://www.franceculture.fr/societe/ec ... invisiblesEn résumé: avant de se demander pourquoi il faudrait féminiser les noms, il faut se demander pourquoi ils ont été masculinisés. Encore une fois, toute cette discussion est à remettre dans un cadre global, dans un contexte, dans ce qui
est et s'interroger sur la façon dont notre langue s'est construite avec le temps et sur quelle idéologie elle s'est en partie fondée.
L'article de France Q donne la réponse:
Citer:
Si l'expression "écriture inclusive" est récente, la réflexion, en revanche, n'est pas nouvelle. Amorcée il y a une trentaine d'années, la première tentative visait à remettre du neutre dans l'écriture ; on parlait de "langage épicène". Or, la langue française étant intrinsèquement très genrée, le débat s'est alors tourné vers le rétablissement de la parité dans l'écriture. Le terme "inclusif" a été choisi comme un miroir plus juste de cette bataille langagière et féministe. Eliane Viennot, historienne et auteure de l'ouvrage Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin, explique que la langue française n'est pas inégalitaire par essence : ce sont les actions menées par des hommes contre l'égalité des sexes depuis le XVIIe siècle, qui ont mené progressivement à l'invisibilisation des femmes.
Il existe par exemple ce qu'on appelle la "règle de proximité". Cette règle prévoit l'accord de l'adjectif avec le substantif le plus proche. Si on la suit, on doit par exemple écrire "les hommes et les femmes sont belles"... mais aussi "les femmes et les hommes sont beaux". Cette règle, longtemps en vigueur dans la langue française, a été progressivement évincée à partir du XVIIe au profit d'un usage selon lequel "le genre le plus noble l'emporte sur l'autre".
A la fin du XIXe siècle, avec l'instauration de l'école obligatoire, la règle de grammaire officielle devient celle qui est restée en vigueur dans les manuels scolaires jusqu'au aujourd'hui : "le masculin l'emporte sur le féminin". Conséquence :"les hommes et les femmes sont beaux". L'historienne souligne que ce sont des raisons idéologiques et non linguistiques qui ont justifié cette évolution. Aujourd'hui, l'écriture inclusive vise donc à revenir à une langue plus paritaire, comme elle l'était auparavant.
Pochon a écrit:
Ça va être pratique pour l'écriture manuscrite, tiens.
De nouveau, je ne suis pas calée sur l'écriture inclusive pour les dyslexiques. Tout ce que je peux dire c'est que la FFDYS (Fédération Française des DYS) elle-même ne s'y oppose pas:
Citer:
La présidente d'un autre groupe d'associations, la FFDys (Fédération française des Dys), juge elle que l'écriture inclusive "n'est pas une entrave majeure".
(Source:
http://www.lepoint.fr/culture/l-ecritur ... 8130_3.php)
Je présume donc que ce n'est pas insurmontable pour qui veut s'y mettre, d'autant qu'en matière d'écriture inclusive, tout reste à faire/à créer/à inventer. Ta proposition de création de termes neutres va d'ailleurs dans ce sens et c'est une (bonne) idée parmi tout un tas de possibilités à décliner.
Citer:
Alors, après toute ma prose, je n'aimerais surtout pas que vous me preniez pour un sexiste ou que sais-je encore
Je te rassure, ce n'est en tout cas mon propos. Pour la bonne et simple raison que j'ai dans mon entourage des femmes et hommes qui pratiquent l'écriture inclusive et ne sont pourtant pas les dernier·e·s à tenir des propos (ou commettre des actes) machistes et à l'inverse, je connais des gens fermés à cette nouvelle forme d'écriture dont je sais pourtant les tendances égalitaristes. Bref, tout est toujours bien plus compliqué que ça et il ne s'agit pas cataloguer qui que ce soit ici. Entre le discours des un·e·s et les actes des autres, il existe tout un tas de nuances et de variations.