Fa, Divination du |
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La divination du fa est un art divinatoire de la famille des géomancies?, pratiqué traditionnellement par les peuples de l'ouest de l'Afrique.
Plateau de divination du Fa avec des noix de palmiers
Fa est le nom donné à la divination dans la culture fon. L'oracle est également connue sous le nom d'Ifá chez les Yoruba, ou d'Afá dans les cultures ewe et igbo. Ce nom trouverait son origine dans la ville d'Ifé au Nigéria, où selon la tradition, la divination du Fa serait apparue en premier.
Histoire et aire de répartition
L'oracle Fa serait né en Afrique de l'Ouest sous influence arabe. Le monde islamique pratique depuis des temps immémoriaux une forme de géomancie? nommée al-raml (الرمل, « le sable »), reposant sur un système à 16 figures (identiques aux figures mères de la divination du Fa, voir plus loin Système théorique) obtenues en dessinant des lignes et des points dans le sable.
De nombreuses traditions orales affirment que la divination du Fa serait apparue dans la ville d'Ifé au Nigéria, avant de se répandre dans les régions voisines. Certains indices factuels semblent corroborer ces traditions, comme l'existence ancienne d'une institution très complexe de 16 devins aux services du roi d'Ifé, phénomène unique en Afrique de l'Ouest.
La pratique du Fa a connu un grand essor au XVIIème siècle sous le royaume du Dahomey, qui avait fait du culte des vaudous sa religion d'état et avait ainsi contribué à officialiser et répandre la divination du Fa. Le roi du Dahomey avait lui aussi à son service un grand sorcier dont l'une des fonctions était de consulter le Fa pour le souverain.
Sous les régimes coloniaux au XIXème et au XXème siècle, la pratique du Fa était perçue comme une superstition archaïque par les autorités ; elle était donc combattue et les devins subissaient diverses discriminations.
Le vieillissement des devins traditionnels, l'absence d'une nouvelle génération pour leur succéder et le désintérêt des africains actuels pour ces méthodes de voyances font craindre que la divination du Fa ne finisse par s'éteindre à terme, l'important corpus de vers et les techniques complexes de divination disparaissant avec les anciens. Ce constat a motivé l'UNESCO a ajouter en 2005 le Fa à sa liste des élément du patrimoine culturel et immatériel de l'Humanité.
Un devin babalawo du Nigéria tirant le Fa
(Source : Wande Abimbola, UNESCO)
La divination du Fa, loin d'être un élément de folklore désuet, reste toutefois une pratique encore assez vivace de nos jours.
Sur le content africain, la divination du Fa est pratiquée essentiellement au Ghana, au Togo, au Bénin et dans une partie du Nigéria. D'autres formes de géomancie? parfois assez similaires sont cependant pratiquées dans le reste de l'Afrique.
La divination du Fa a également voyagé sur les autres continents via le commerce des esclaves et les migrations. On la retrouve ainsi dans les Caraïbes et en Amérique du Sud chez les pratiquants des religions syncrétiques comme la santéria, le candomblé et le vaudou haïtien, et de manière plus sporadique dans la diaspora africaines à travers le monde.
Contexte mythologique et social du Fa
Le Fa a des origines mythologiques très variables selon les cultures africaines.
Chez les fons, Fa est considéré lui-même comme un vodoun (esprit) qui n'est pas représenté et qu'on interroge via la divination. D'autres sources considèrent que l'oracle Fa transmet la parole de la divinité suprême Mawu-Lissa.
Chez les yorubas, Ifá est un des noms d'Orunmila, l'orisha (esprit) de la connaissance et de la sagesse. Ce serait Orunmila qui aurait apporté l'oracle Fa dans la ville d'Ifé et l'aurait transmis aux hommes. Les 256 figures qui composent le Fa (voir plus loin, Système théorique) remonteraient à l'époque où Orunmila parcourait la terre. Consulter l'oracle Fa est une façon de s'adresser à Orunmila, ou selon la version, au dieu suprême Ọlọrun pour connaître sa volonté.
Aussi bien chez les yorubas que chez les fons, de nombreuses traditions considèrent que la méthode de divination du Fa aurait été apportée par un sorcier étranger du Nigéria qui se serait établi à Ifé.
La divination du Fa est considérée comme une méthode de communication avec les esprits vodoun/orisha.
C'est le dieu Legba (fon) / Eshu (yoruba) qui sert d'intermédiaire entre le monde des esprits - dont il parle toutes les langues - et le monde des humains. Via la divination du Fa, Legba/Eshu transmet à l'oracle les questions des hommes et leur apporte en retour les réponses des dieux. C'est également lui qui informe les esprits si les sacrifices destinés à les apaiser ont été réalisés comme ils se devaient.
Statuette yoruba du XIXème siècle représentant le dieu Eshu
(Source : Brooklyn Museum)
Le devins utilisant le Fa (nommés bokono en fon, babalawo en yoruba) sont systématiquement des hommes. Cette fonction est généralement héréditaire, mais dans certains cas, le nouveau devin est désigné parmi les jeunes hommes de la communauté en consultant l'oracle Fa.
L'apprentissage peut durer plusieurs années, et il va être l'occasion pour l'étudiant de se familiariser avec les figures du Fa et de mémoriser les innombrables vers transmis par la tradition orale (voir ci-dessous, Système théorique du Fa). Cependant, même après avoir fini sa formation, un devin continue à apprendre de nouveaux vers tout au long de sa carrière au contact des autres devins.
Les clients consultants sont quant à eux de toutes classes sociales, sexes, âges et également de toutes religions confondues : adorateurs de dieux du panthéon traditionnel, chrétiens ou musulmans.
Les consultants peuvent demander une divination du Fa pour des raisons diverses et variées : se faire prédire son avenir, connaître le sort de proches passés dans l'au-delà ; ou trouver une solution à un souci de santé, un manque d'argent, un conflit, des problèmes conjugaux...
La divination du Fa était anciennement utilisée avant chaque prise de décision importante.
Suite à la divination du Fa, une fois les questions répondues et la cause surnaturelle du problème identifiée, le devin peut déterminer la nature des offrandes à réaliser ou les changements de comportement à adopter pour résoudre les problèmes du consultant.
Le devin est bien entendu payé en échange de son travail ; son salaire dépendant de l'importance de la divination demandée, des rituels exécutés après coup, du statut social du consultant...
Système théorique du Fa
Les figures et leur signification
La divination du Fa repose sur un système binaire, rappelant celui des hexagrammes du Yi Jing? : 8 marques pouvant prendre une valeur simple ( I ) ou double ( II ). Le système offre ainsi 28 = 256 combinaisons possibles, appelées odu (yoruba) ou afa-du (fon).
Ces marques sont arrangées en 2 colonnes verticales de 4 marques chacune. Chaque colonne représente l'une des 16 figures mères, combinaisons de base de l'oracle Fa et portant chacune un nom.
L'assemblage des deux colonnes forme une figure fille, c'est-à-dire l'une des 256 combinaisons odu / afa-du. Le nom de la figure fille est construit à partir des deux figures mères qui la composent, colonne de droite en premier car elle est considérée comme plus puissante et plus déterminante que la colonne de gauche. Lorsque les deux colonnes sont identiques, on parle de figure meji (double).
Les 16 figures mères fondamentales du Fa, avec leur nom yoruba / fon. L'ordre dans lequel elles sont données est celui-ci accepté par la majorité des devins d'Afrique de l'Ouest, même s'il peut exister de petites variations selon les régions
Exemple de 8 figures-filles odu/afa-du parmi les 256 combinaisons possibles, avec leur nom yoruba / fon
A chaque combinaison correspond des vers (ese en yoruba) qui racontent un histoire mythologique, un conte, une chanson, un proverbe, une devinette... sur lesquels le devin va se baser pour réaliser son interprétation.
La tradition affirme qu'il y aurait 16 vers par combinaison odu/afa-du... ce qui fait au total un corpus conséquent de plus de 4000 vers. Un devin est supposé en avoir mémorisé le plus possible ! Il est cependant admis qu'il est possible de tirer le Fa et de réaliser des prédictions correctes en ne connaissant que quatre vers par odu/afa-du.
Les ethnologues ont également montré que toutes les combinaisons ne possèdent pas le même nombre de vers : si une célèbre figure comme Ogbe-Meji en aurait près d'une centaine, d'autres figures moins connues et moins bien classées n'en auraient qu'une poignée...
Ainsi, dans la culture fon pour le 5ème signe Abla-meji, les vers seront :
- « C'est l'éventail qui sèche la sueur ». Interprétation possible : le consultant sera protégé contre tous ses ennemis.
- « Le porc-epic courtise la femelle du léopard et échappe aux crocs du mâle » : le consultant triomphera de ses ennemis, même s'ils sont plus forts que lui.
- « La femme qui mange à deux rateliers s'expose à la mort » : si l'épouse du consultant le trompe, elle en mourra.
Pour le 7ème signe, Loso-meji :
- « Qui dit l'oeil rouge ne dit pas l'oeil crevé ». Interprétation possible : le consultant va souffrir mais n'en mourra pas. Des sacrifices devront cependant être réalisés.
- « Les yeux qui se moquent des brûlures du piment ne tiennent pas tranquilles dans leurs globes » : un risque d'accident plane sur le consultant, qui ne doit pas le sous-estimer.
Si les exemples donnés ici sont des proverbes courts, d'autres vers sont de véritables histoires beaucoup plus longues.
Plateau de divination ọpọn ifá yoruba utilisé pour marquer les résultats du tirage du Fa. Le visage d'Eshu/Legba, visible en haut du plateau, est placé de façon à faire face au devin
(Source : Brooklyn Museum)
Les vers donnent également des indications explicites sur les sacrifices que le client doit réaliser et à quels dieux il doit les dédier ; ils informent sur les rituels de magie à réaliser ou les médicaments à utiliser pour soigner un mal...
Les vers peuvent en outre renseigner sur la nature du consultant, à la façon d'un signe zodiacal. Ainsi, un consultant Loso Meji est une personne de nature vindicative, avec une intuition développée. En conséquence, le consultant devra respecter certains interdits et se comporter de la façon appropriée à sa nature : ne pas manger de viande de singe, ne pas porter de rouge...
Le tirage
Pour obtenir ces figures odu/afa-du, le devin utilise des cauries (petits coquillages blancs du genre Monetaria, utilisés anciennement comme monnaie) ou des noyaux de fruits de palmiers. Ces noix ou cauries peuvent être éventuellement regroupés par 8 le long d'une ficelle, formant ainsi un chaîne (nommée agumaga en fon, ọpẹlẹ en yoruba).
La divination peut également nécessiter l'usage d'un plateau (nommé ọpọn ifá en yoruba), souvent orné sur un de ses côtés du visage d'Eshu/Legba, le dieu messager.
Exemple de chaîne de divination agumaga/ọpẹlẹ utilisée pour tirer le Fa et réalisée avec des noix de palmiers. Les deux faces différentes des noix (fermées ou ouvertes) sont bien visibles
Avant de réaliser le tirage, le devin réalise différentes invocations aux esprits et cogne un bâton ou une cloche contre le bord du plateau de divination, de façon à attirer l'attention de Fa et de Legba/Eshu.
Le tirage proprement dit peut se faire de nombreuses façons différentes, variables selon les régions et les devins :
- le devin peut passer rassembler les noix dans une de ses mains, puis les passe rapidement d'une main à l'autre, jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une ou deux. L'opération est répétée 8 fois, de façon à obtenir une combinaison odu/afa-du.
- une forme plus rudimentaire de tirage se faisait anciennement en secouant des pois dans une carapace de tortue, puis en les rassemblant dans la main et en les comptant. Un nombre impair comptait pour I, un nombre pair pour II. L'opération était répétée 8 fois pour obtenir une combinaison odu/afa-du.
Dans ces deux dernières formes de tirage, où les 8 marques sont obtenues une à une, l'ordre dans lequel elles sont notées est généralement le suivant :
- le devin peut lancer devant lui 16 cauries ou noix, ou jeter le collier de divination de façon à ce qu'il forme un V avec 4 paires de graines situées en vis à vis.
Les cauries et noix ont la particularité de présenter deux aspects différents selon la face qui est observée, ce qui permet de leur attribuer une valeur. Selon le système de calcul retenu : O (nul) ou I pour la face fermée d'une noix ou pleine d'un caurie ; I ou II pour la face ouverte d'une noix ou fendue d'un caurie.
Ce type de tirage est plus rapide, puisqu'il permet en 1 ou 2 lancers d'avoir une des 256 combinaisons odu/afa-du.
Le plateau de divination sert à marquer les résultats obtenus à chaque lancé (I ou II), en écrivant à la craie ou en traçant des traits dans du sable.
Les figures obtenues lors des tirages du Fa peuvent être notés et conservés par un assistant du devin. Ces mêmes figures pourront ainsi être répétées plus tard si, suite à la séance de divination Fa, le devin exécute un rituel de magie performative ou fabrique un médicament pour résoudre le problème de son client. De la même façon, si un fétiche est fabriqué suite à la divination, ce fétiche pourra présenter des noix ou des cauries rappelant la figure obtenue.
Vidéo de l'UNESCO montrant différents tirages de Fa
A ces méthodes de tirage simples, certains devins ajoutent également divers artefacts divinatoires (os, pierre, tesson de poterie, caurie, coquille d'escargot...) qui représentent métaphoriquement un désir (mariage, enfant, argent, victoire...) ou un mal (mort, maladie, perte d'argent, combat...).
Ce type de divination peut demander une participation active du consultant, qui va par exemple murmurer son problème à un ou plusieurs des accessoires de divination, puis les déposer sur le plateau, suite à quoi le devin réalisera les tirages. Ce système permet au client de ne pas dire la raison exacte de sa venue et de ne pas exposer ses problèmes au devin, garantissant ainsi l'objectivité de ce dernier dans son interprétation.
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Traduction anglaise : Fa
Noms alternatifs : selon les ethnies, la méthode de divination peut également s'appeler Ifá ou Afá.
Localisation : la croyance est originaire de l'Ouest de l'Afrique : Ghana, Togo, Bénin et Nigéria. La diaspora africaine à travers le monde y a cependant également recours, notamment dans les Caraïbes et en Amérique du Sud.
Bibliographie :
- Ifa Divination : Communication Between Gods and Men in West Africa, de William Bascom (1969), éd. Indiana University Press.
- Le Fa, une géomancie divinatoire du golfe du Bénin ; pratiques et techniques de Rémy Hounwanou (1984), éd. Les Nouvelles Editions Africaines.
- La géomancie à l'ancienne côte des esclaces, de Bernard Maupoil (1936), éd. Institut d'Ethnologie de Paris.
Liens complémentaires :
- UNESCO [fr]
- La géomancie du Fa [fr]
Articles connexes :
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Auteur : Ar Soner
Mise en ligne : 13/09/15
Dernière modification : le 17/01/16 à 12:54
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