Encyclopédie du paranormal - Main de gloire

     Main de gloire


Main momifiée utilisée comme talisman dans le folklore européen


Une main de gloire est un talisman ou porte-bonheur fabriqué avec la main d'une personne décédée, typiquement un criminel, dans laquelle on pouvait placer en outre une chandelle faite de graisse humaine. La main de gloire était supposée être majoritairement utilisée par les voleurs et les cambrioleurs.

Il a été proposé que l'expression « main de gloire » était une déformation du mot mandragore?. Cette plante — dont la racine présente une forme vaguement humaine — passait en effet depuis l'Antiquité pour posséder diverses propriétés magiques : guérison de la mélancolie, des convulsions, de l'infertilité... La mandragore? était supposée pousser sous les potences, et certaines sources (Herbarius de Pseudo-Apulée) affirmaient en outre qu'elle brillait dans le noir comme une petite lanterne, ce qui pourrait expliquer la confusion avec la main de gloire.


La main de gloire et sa chandelle, telle qu'elle est gravée dans l'édition de 1782 du Petit Albert

Des variantes simplifiées de la main de gloire existaient, comme par exemple les « chandelles de voleur » ou les « chandelles mystérieuses » : des chandelles faites d'un doigt humain entier ou réalisées avec de la graisse humaine.
Certains grimoires de sorcellerie du XVIIIème siècle comme le Grimoire du Pape Honorius ou le Grimorium Verum donne des recettes pour faire des mains de gloire, mais cette dernière se révèle être en fait un animal porte-bonheur similaire au matagot.


La croyance et l'utilisation des mains de gloire sont bien attestées entre le XVIème et le XVIIIème siècle (bien qu'elles puissent être plus anciennes) et essentiellement dans l'Ouest de l'Europe : Allemagne, France, îles britanniques, Pays-Bas et Suisse.
Le développement de cette pratique au cours de cette période n'est pas bien expliqué, mais il est possible que la diffusion des livres de sorcellerie populaire dans les campagnes via les colporteurs et marchands ambulants ait joué un rôle.

Il a été avancé que l'invention de la main de gloire dérivait de la coutume consistant à couper les mains ou les bras des voleurs, mais l'usage de cadavres de citoyens innocents est également attesté : au XVIIIème siècle, quatre hommes furent arrêtés à Castelyons en Irlande pour avoir déterré le corps d'une femme dont il voulait prélever la graisse. En outre, dans la tradition des pays germaniques, les mains de gloire étaient réalisées avec les mains des enfants mort-nés non-baptisés (dont les propriétés magiques étaient réputées plus puissantes pour cette raison).

La croyance à la main de gloire semble s'être éteinte au début des années 1800 mais le sujet inspira encore de nombreux poètes et écrivains de ce siècle, comme Gérard de Nerval (La main de gloire, histoire macaronique, 1832), Guy de Maupassant (La main d'écorché, 1875) ou Marcel Schwob (La main de gloire, 1893).


Fabrication de la main de gloire


Le processus de fabrication de la main de gloire obéissait à des règles strictes.
La main de gloire devait être réalisée avec la véritable main d'un cadavre humain, habituellement celui d'un criminel condamné à mort pour pendaison (ou d'un enfant mort-né ou d'un foetus dans la tradition germanique).
La main était directement récupérée sur le corps encore pendu au gibet, ou après profanation de sa sépulture. Certaines sources insistaient particulièrement sur le fait qu'il fallait prendre la main gauche, ou droite, ou celle « qui avait commis le délit » lorsqu'il s'agissait d'un criminel.

La main coupée était ensuite momifiée selon diverses recettes : salage au sel sec ou dans de la saumure ; séchage au soleil ; fumage...

La main de gloire était très souvent (mais pas systématiquement) associée à une chandelle réalisée avec de la graisse humaine — là encore, habituellement extraite du corps d'un criminel condamné à la pendaison. Certaines sources précisent que la mèche de la chandelle devrait être fabriquée avec les cheveux du mort.
La chandelle ainsi fabriquée était ensuite placée dans la main de gloire, qui lui servait de bougeoir. Cependant dans d'autres cas, la main de gloire n'était pas équipée d'une chandelle, et c'étaient les doigts de la main qui étaient alors directement allumés après avoir été trempés dans la graisse ou la cire.


Une main de gloire dont les doigts sont pourvus de mèches de façon à être directement allumés et utilisés comme chandelles
(Source inconnue, image fréquemment reprise sur Internet)

Si l'usage des chandelles faites de graisse peut sembler surprenante aujourd'hui, elle était tout à fait courante à l'époque : les très onéreuses bougies en cire étaient réservées au clergé ou à la noblesse, tandis que le peuple s'éclairait avec des chandelles de suif de boeuf ou de mouton, une pratique qui dura jusqu'à la fin du XIXème siècle.

Le Petit Albert, un livre de sorcellerie populaire qui connut un grand succès au XVIIIème siècle, décrit ainsi le processus de fabrication de la main de gloire et de sa chandelle :

« On prend la main droite ou la gauche d'un pendu exposé sur les grands chemins ; on l'enveloppe dans un morceau de drap mortuaire, dans lequel on la presse bien pour lui faire rendre le peu de sang qui pourrait être resté ; puis on la met dans un vase de terre avec du zimat [NdlA : vert de gris ?], du salpêtre, du sel et du poivre long, le tout bien pulvérisé. On la laisse durant quinze jours dans ce pot ; puis l'ayant tirée on l'expose au grand soleil de la canicule, jusqu'à ce qu'elle soit devenue bien sèche ; et si le soleil ne suffit pas, on la met dans un four chauffé avec de la fougère et de la verveine ; puis l'on compose une espèce de chandelle avec de la graisse de pendu, de la cire vierge et du sisame de Laponie, et l'on se sert de cette main de gloire comme d'un chandelier, pour y tenir cette chandelle allumée. »


(Edition de 1782 du Petit Albert ; arrangement par Ar Soner)


Propriétés


Si elle avait été fabriquée en suivant toutes les règles, la main de gloire était supposée être dotée de divers pouvoirs magiques, variables selon les traditions :

  • elle diffusait une lumière seulement vue par la personne qui la portait tandis que les autres restaient dans le noir ;
  • sa lumière « stupéfiait » — rendait immobiles et/ou inconscients — les personnes et êtres vivants qui y étaient exposés ;
  • sa flamme crépitait à l'approche d'un trésor ;
  • elle ouvrait et déverrouillait toutes les portes et les serrures ;
  • elle brûlait indéfiniment sans jamais se consumer ;
  • plus rarement, la main de gloire fonctionnait comme un porte-bonheur apportant succès et prospérité à son propriétaire ; elle était également réputée guérir certaines maladies et affections dermatologiques, comme les écrouelles (maladie tuberculeuse se manifestant par des plaies purulentes au niveau du cou), les verrues...

Compte-tenu de ses pouvoirs supposés, on comprend aisément que la main de gloire ait été un talisman particulièrement convoité par les voleurs et les cambrioleurs désireux de commettre leurs forfaits sans prendre de risque !
Pour cette raison, la main de gloire était fortement associée au monde des criminels dans la culture populaire ; la recette détaillée dans le Petit Albert passait ainsi pour avoir été recueillie auprès de voleurs soumis à la torture. Le poète français Savinien de Cyrano de Bergerac faisait également mention de cette croyance :

« Je [le sorcier Agrippa] fais trouver des mains de gloire aux misérables que je veux enrichir. Je fais brûler aux voleurs des chandelles de graisse de pendu, pour endormir les hôtes, pendant qu’ils exécutent leur vol. »


(Oeuvres, 1676 ; arrangement par Ar Soner)


La main de gloire de Danby, trouvée en 1935 dans le mur d'une ferme de Castleton dans le nord du Yorkshire, est la dernière authentique main de gloire qui nous soit parvenue

Plusieurs légendes du Nord de l'Angleterre précisent qu'une fois allumée, la main de gloire ne pouvait pas être éteinte, sauf au moyen de lait ou de sang humain.

Heureusement pour les honnêtes gens, il était possible de se prémunir des cambrioleurs et d'annuler les pouvoirs de la main de la gloire en utilisant d'autres rituels :

«... la main de gloire devenait sans effet et les voleurs ne pouvaient s'en servir si on frottait le seuil de la porte de la maison, ou les autres endroits par où ils peuvent entrer, avec un onguent composé de siel [NdlA : bile] de chat noir, de graisse de poule blanche et du sang de chouette, et qu'il fallait que cette confection fût faite dans le temps de la canicule. »


(Edition de 1782 du Petit Albert ; arrangement par Ar Soner)


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Traduction anglaise : Hand of glory

Localisation : la croyance était répandue dans tous l'Ouest de Europe.

Date : la croyance est attestée entre le XVIème et le XVIIIème siècle, mais pourrait être plus ancienne.

Liens complémentaires :

Recueil de contes européens mettant en scène des mains de gloire

Bibliographie :

  • At Day's Close: A History of Nighttime, de A. Roger Ekirch (2006). Ed. New Ed.

Articles connexes :


Auteur : Ar Soner
Mise en ligne : 23/10/18
Dernière modification : le 29/03/20 à 18:23