Encyclopédie du paranormal - Monoxyde de dihydrogène

     Monoxyde de dihydrogène


Canular décrivant une substance chimique aux propriétés dangereuses, correspondant en réalité à l'eau


Origine du canular


L’origine de cette histoire est la plus souvent attribuée à Eric Lechner, Lars Norpchen et Matthew Kaufman, trois américains qui l’ont inventée en 1990 alors qu’ils étaient colocataires durant leurs études au sein de l’Université de Californie à Santa Cruz. Le texte d’origine consistait en un simple appel à la vigilance concernant le danger posé par cette substance.
Il s’agit en fait d’une reprise d’un canular plus ancien dont l’origine n’est pas connue. Lechner, Norpchen et Kaufman sont en revanche les inventeurs du nom monoxyde de dihydrogène (dihydrogen monoxide en anglais), la forme précédente parlant de hydrogen hydroxide (« hydroxyde d’hydrogène »).
Il a été repris quelques années plus tard en 1994 par Craig Jackson, autre étudiant de la même université, qui a rédigé un site internet ironique appelant à l’interdiction du monoxyde de dihydrogène (« Coalition to Ban Dihydrogen Monoxide »).

Le canular a acquis une célébrité plus large lorsqu’en 1997 un collégien américain nommé Nathan Zohner (scolarisé dans l’Idaho) a fait un exposé pour une classe de sciences, expliquant les dangers de la substance. Il a également montré à cinquante de ses camarades une pétition demandant l’interdiction de la substance et a recueilli quarante-trois signatures.
Cette expérience et le résultat qui en est sorti ont valu à son auteur le premier prix à l’exposcience de la ville. Son nom a également servi à créer le terme « zohnerisme », désignant l’utilisation orientée de faits exacts d’un point de vue scientifique pour mener un public peu informé à tirer de fausses conclusions.

Le canular du monoxyde de dihydrogène a rencontré depuis 1997 un certain succès, recevant ponctuellement des allusions humoristiques. Par exemple, un parlementaire australien avait proposé en 1998, en guise de poisson d'avril, de lancer une campagne pour l'interdiction du monoxyde de dihydrogène. La même proposition fut faite au Canada pour le 1er avril 2010.

Néanmoins, le canular a occasionnellement continué à être pris au pied de la lettre.
Par exemple, en 2001 un membre de l’équipe de la parlementaire néo-zélandaise Sue Kedgley (écologiste) a répondu à une demande de soutien pour l’interdiction du monoxyde de dihydrogène, en affirmant qu'elle était tout à fait favorable à l’interdiction de cette substance.
En 2004 la ville américaine de Aliso Viejo (Californie) a songé à discuter l’interdiction d’utiliser de la mousse pendant des festivités publiques, à cause de la présence de monoxyde de dihydrogène dans la mousse (en réalité, le sujet avait été ajouté à l’ordre du jour du conseil municipal mais vite retiré).

Explication du nom


D'un point de vue chimique, le monoxyde de dihydrogène correspond à l’eau (H₂O : un atome d’oxygène pour deux atomes d’hydrogène). Ce nom est correct du point de vue des conventions d'attribution des noms en chimie, mais ne sert presque pas.
Le succès de la rumeur s’expliquerait en partie par ce nom, qui se rapproche de celui du monoxyde de carbone, une substance qui est véritablement toxique et reconnue comme telle par le grand public. Produit lors d'une combustion incomplète, par exemple dans le cas d'un poêle ou d'un système de chauffage défectueux, environ 5000 personnes France seraient victimes chaque année d'un intoxication domestique au monoxyde de carbone d'après le Ministère de la Santé.

Représentation schématique d'une molécule d'eau, avec un atome d'oxygène entouré de deux atomes d'hydrogène

Les propriétés attribuées au monoxyde de dihydrogène


Les différentes variantes du canular mentionnent de nombreuses propriétés très nocives liées au produit, dont voici quelques exemples :

  • l’inhalation provoque la mort par asphyxie ;
  • un contact prolongé avec sa forme solide cause de graves lésions ;
  • la forme gazeuse cause des brûlures ;
  • une ingestion excessive cause la mort ;
  • il contribue à l’érosion des sols ;
  • il est le principal composant des pluies acides ;
  • il fait rouiller les métaux.

Toutes ces affirmations sont authentiques : l’inhalation d’eau provoque bien la noyade, un contact prolongé avec de l’eau solide (« glace ») provoque des gelures, l’eau sous forme gazeuse (« vapeur d’eau ») cause des brûlures car elle est à 100°C, consommer trop d’eau (dans des quantités supérieures à plusieurs litres dans un intervalle réduit) a des conséquences très néfastes, l’eau est un agent d’érosion (pluie, marées et courants des fleuves)...

Interprétation du canular


Plusieurs interprétations sont possibles :

  • dénonciation de certains activistes environnementaux ou de certains hommes politiques qui instaurent un climat de peur irrationnelle dans la population en utilisant un vocabulaire pseudo-scientifique ;
  • dénonciation de l’usage excessif de jargon obscur par des scientifiques, rendant leurs propos incompréhensibles par l’essentiel du public ;
  • dénonciation de la crédulité et/ou de l’inculture scientifique du public.

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Traduction anglaise : Dihydrogen monoxide

Date : le canular aurait été repris et popularisé par Lechner, Norpchen et Kaufman au début des années 90.

Articles connexes :

Sources et liens complémentaires :

Le groupe Usenet de Lechner
Le site internet de Craig Johnson, tel qu'il est conservé sur l'Internet Archive

Catégories : M ; Canulars ; Sciences
Auteur : Psychopompos
Mise en ligne : 23/07/12
Dernière modification : le 28/07/12 à 15:32