Encyclopédie du paranormal - Sabbat

     Sabbat


Réunion des sorciers autour du Diable, comme décrit lors des procès pour sorcellerie du XVème au XVIIIème siècle


Si les récits qui nous sont parvenus sont tous différents dans les détailles, il y a cependant une trame directrice que l’on retrouve tout au long des chasses aux sorciers sur laquelle les accusés calquèrent leur propre version.

Quand ? Fréquence et date des réunions

La sorcière? (ou le sorcier) se rend au sabbat à certaines dates et à une certaine fréquence. Si certains auteurs ont bien avancé la nuit du jeudi comme moment préférentiel aux conventicules des sorcières, de nombreux témoignages contradictoires ont, par la suite, effacé cette certitude. Malgré l'absence d'unanimité sur un jour de la semaine, le dimanche est très rarement cité ; puisque pour la plupart des prévenus, le dimanche, jour du Seigneur, enlèverait tout son pouvoir au Diable?. Certains accusés avouent, du bout des lèvres, être allés deux fois, ou quatre fois, en tout, à ces réunions tandis que d’autres parlent de réunions hebdomadaires. En règle générale, le sabbat se tient la nuit, mais dans quelques rares cas, il a lieu en pleine journée. De même, si le cas de figure le plus rencontré est un sabbat qui dure jusqu’au petit matin, il y a des récits de sabbat durant une heure. Cependant, cette version tend à disparaître au profit du sabbat de toute une nuit lorsque les récits se mettent de plus en plus à se ressembler.

Où ? Lieux choisis

Dans la majorité des cas, le sabbat se déroule dans un endroit proche du lieu de vie des accusés. Toutefois, il existe des cas où il faut « traverser la mer », comme pour les accusés du pays basque qui disent se rendre jusqu’à Terre-Neuve. Le plus souvent, on fait mention de clairière dans la forêt ou de coin désert dans la lande, de collines ou de montagnes proches, et dans tous les cas, situées sur l’aire culturelle de l’accusé. Il y a aussi certains lieux, qui, parce qu’ils sont connus de tous les environs, seront systématiquement choisis, comme par exemple Carnac pour les sorciers bretons. Ce qui est sûr, c’est que la fête se déroule dans un lieu isolé où les promeneurs, surtout la nuit, sont exceptionnels.

Comment ? Les moyens pour s’y rendre

Tout d’abord, l’accusé, le plus souvent marié, prend soin de placer dans le lit conjugal un balais ou un outil quelconque de façon à cacher son absence. Ensuite, on trouve l’utilisation de « certaine poudre », ou de « certain onguent » - les accusés restent le plus souvent dans le vague en ce qui concerne la composition - dont la sorcière ou le sorcier s’enduira le corps (aisselles…) ou son moyen de transport, le fameux balai volant?. Parfois, la poudre seule, lancée en l’air, donne le pouvoir de se transporter jusqu’au lieu du sabbat. On rencontre beaucoup de récits où, après avoir utilisé son onguent, l’accusé prononce une formule : « par delà ronces et buissons », avant de s’envoler par le conduit de la cheminée. Dans ce cas, c’est nue que la personne arrive au sabbat, le conduit gardant les vêtements. Mais la voie des airs n’est pas le seul moyen. Dans nombres de récits, c’est à dos d’animal que le sorcier se rend au sabbat. On retrouve des boucs noirs, des cochons, mais aussi, même si c’est plus rare, des chats, des poules ou des crapauds. Parfois, c’est le Diable lui-même qui va chercher son serviteur, en le portant sur son dos.


Gravure issue d' Hexen Meysterei, Molitor Ulrich, Strasbourg, 1544.

Certains auteurs soutiennent que les sorcières se rendent le plus souvent au Sabbat "en âme". Ainsi, toute femme plongée dans un sommeil profond, et dont le maris ne parvient à réveiller qu'au chant du coq, est susceptible d'utiliser ce moyen de déplacement. La preuve en est faite si on retrouve le lendemain des animaux morts, victimes supposées des agissements de la nuit.

Jean Bodin (1530-1596) rapporte dans De la démonomanie des sorciers (Anvers, 1586) qu'à Bordeaux, en 1571, on fit des expérimentations sur les vols des sorcières. Un certain M. Belot, maitre des Requêtes, curieux de voir ça de ses propres yeux délivra une accusée et l'enjoignit de s'envoler au sabbat. La femme, après s'être dénudée, se graissa le corps avec un onguent et « tomba comme morte, sans aucun sentiment ». Cinq heures plus tard, la femme reprit conscience et raconta le voyage astrale? qu'elle venait de réaliser.

Des recherches pharmacologiques semblent confirmer la nature psychotrope et hallucinogène de certains onguents confectionnés par les accusés de sorcellerie. C'est en particulier le cas de l'onguent populeum dont on connait la composition depuis la renaissance : bourgeons de peuplier franc, jusquiame noire, morelle, belladonne et pavot noire. Son effet principal est de faire baisser la fièvre et d'endormir. Mais celui-ci occasionne également des rêves à dominante érotique. L'adjonction d'autres substances à cette base pouvait provoquer sans peine des sensations d'envol, de déplacements rapides et de chute dans le vide.


L’arrivée au sabbat

Un fait que l’on retrouve dans tous les récits, quelque soit le mode de transport, est que l’on arrive jamais le premier au sabbat : on retrouve toujours une assemblée déjà fort nombreuse. Au début des procès, lorsque le sabbat n’a pas encore atteint sa pire forme, ce nom est d’ailleurs peu employé. On parle de « la danse », ou du « jeu » et ce qui s’y passe ressemble sur beaucoup d’aspect à la fête du village. Ce sont d’ailleurs ses connaissances ainsi que les musiciens et les notables du village que l’on y retrouve. Au début, le Diable lui-même est peu présent et l’accusé ne fait rien de plus que ce qu’il ferait à la fête officielle : il discute, il mange, il danse et rentre chez lui.


Détail d'une gravure du Compendium Maleficarum. Guazzo Francesco-Maria, Milan, 1608


Le repas

Si au début le repas ressemble à ce qui se fait en cas de fête, cela change par la suite, au fur et à mesure de la transformation des récits. Il sera rarement décrit comme « fort bon » par la suite. Bien souvent, il est jugé « peu ragoutant » : on y mange des bêtes immondes fort mal accommodées. De plus, c’est une nourriture qui est « magique », dans ce sens que les accusés se plaignent le plus souvent de se retrouver le « ventre vide » à leur retour. Parfois, ce que sont véritablement les mets apparaissent durant le sabbat : de la boue ou des feuilles mortes. Plus les récits tendent vers l’horreur, plus les mets deviennent eux-mêmes horribles. On y trouve alors de la chair humaine, provenant de cadavres déterrés ou de nourrissons volés et tués, lorsque ça ne sont pas les enfants des sorcières. Il existe tout-de-même une constante très rarement démentie : le repas est servi sans sel ni pain, qui sont des symboles trop chrétiens pour le Diable. Dans les premiers récits, lorsque le Diable est encore absent, c’est une sorcière ou un sorcier qui préside l’assemblé et le service, s’il n’est pas effectué par des diablotins ou des crapauds, est l’œuvre des accusés eux-mêmes, pour peu que cela soit leur activité dans le monde réel.


Détail d'une gravure du Compendium Maleficarum. Guazzo Francesco-Maria, Milan, 1608


La danse

Une fois le repas pris, les musiciens se mettent à jouer. Au début, encore une fois, ce sont souvent les mêmes musiciens que l’on retrouve lors des fêtes de village. Plus tard, on trouve les musiciens du diable qui jouent alors des airs discordants. Les convives dansent, de manière parfaitement académique dans les premiers procès, puis de façon de plus en plus désordonnée, confuse, lubrique. C’est d’ailleurs lors de ces danses qu’apparaissent les premiers récits de débauche. On retrouve des couples qui s’isolent dans les buissons alentours ou, pour les plus prudes, des orgies du diable et de ses démons, parmi les danseurs. Vers la fin des chasses, la débauche et devenue générale et ce sont tous les participants qui s’y adonnent, entre eux ou avec les diablotins. Les témoignages arrachés sous la torture font souvent mention de relations incestueuses et zoophiles.


Détail d'une gravure du Compendium Maleficarum. Guazzo Francesco-Maria, Milan, 1608


La confession générale et publique

S’il est le plus souvent totalement absent des premiers récits de sabbat, au fil des procès, le Diable devient de plus en plus présent. Une fois qu’il est bien installé, présidant l’assemblée sur son trône, la plupart des accusés avouent lui rendre hommage. Il apparaît tantôt sous la forme d'un grand homme noir ou rouge flamboyant, tantôt comme un bouc barbu. Les convives, un par un, défilent alors devant lui. Dans certains cas, c’est à lui seul que les prévenus font état de leurs méfaits passés et de ceux qu’ils projettent. Car ils ont signé un pacte avec le diable? qui les enjoint à accomplir de nouveaux maléfices avant le prochain rendez-vous. Si un sorcier n'a pas remplis convenablement ses obligations, qu'il n'a pas perpétré suffisamment de maléfices, il est mit sur le côté et roué de coups par l'assemblée. Des mains du diable, les sorciers obtiennent alors la poudre diabolique? qui leur servira aussi bien à perpétrer leurs mauvais coups qu’à le rejoindre. Dans d'autres cas, c’est entre eux que les sorciers s’échangent leurs recettes.


Détail d'une gravure du Compendium Maleficarum. Guazzo Francesco-Maria, Milan, 1608


L'hommage au Diable et le coït diabolique

Ce que l’on finit par retrouver dans tous les récits, en revanche, c’est « l’hommage au Diable » : le sorcier ou la sorcière est tenu de baiser une partie de l’anatomie diabolique. Certains lui baisent la main, singeant de cette façon l’habitude chrétienne, mais, bien souvent, c’est « l’autre visage » du diable que le disciple est tenu d’embrasser. Cet autre visage se trouve sous sa queue. Dans bon nombre de comptes-rendus, il est décrit comme une « plus petite figure ». Ensuite, à partir du XVIIème siècle, on trouve bien souvent le « coït diabolique » : après que l’accusé ait rendu hommage à son maître, le Diable prend le sorcier ou la sorcière sur place, par devant s’il a affaire à une jolie sorcière, par derrière si la sorcière est laide, ou si c’est un sorcier.


Détail d'une gravure du Compendium Maleficarum. Guazzo Francesco-Maria, Milan, 1608

Presque unanimement, les sorcières qui décrivent le coït le qualifient de douloureux. On leur demande de rentrer dans les détails, de décrire le membre du Diable, et elles parlent, pour la plus part, de quelque chose de dur, gros, écailleux et très froid, qui ne leur donne aucun plaisir, bien au contraire. Dans certains cas, à l’inverse, le membre est décrit comme « chauffé au fer rouge », ce qui est tout aussi douloureux pour la sorcière. La semence du démon est elle aussi glaciale, ce qui explique, aux yeux des démonologues, son infertilité. En présence du diable, celle des sorciers ne provoquent pas de grossesse.

Quelques fois, les témoins font mention d'une messe noire? dite en l'honneur du Diable. Au départ, il s'agissait d'actes de reniement de la foi chrétienne : piétinement de la croix, profanation de l'hostie, etc. Mais, au fil du temps, ces éléments isolés se sont agglomérés en un stéréotype raffiné, devenant l'antithèse des célébrations chrétiennes.

La fin de la réunion

Lorsque tout le monde est passé, lorsque les promesses de maléfices futurs sont échangés et la poudre distribuée, souvent, le jour se lève. L’assemblée, alors, se sépare. Dans certains cas, il y a des récits du retour, par les mêmes voies qu’à l’aller, mais il arrive aussi que la personne se retrouve chez elle « le temps d’un battement de cil ». Dans tous les cas, sur le lieu même de la réunion, toute trace de sabbat a disparu. Le sorcier ou la sorcière enlève alors l’effigie qui prenait sa place dans le lit du conjoint endormi et se couche, l’air de rien.

Bien sûr, suivant les moments, les endroits et les personnes, les récits diffèrent sur le fond. Cependant, la forme, elle, se retrouvera d’un bout à l’autre de l’Europe durant la période que l’on a appelé « Chasse aux Sorcières? ».


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Traduction anglaise : Sabbat, Witches' Sabbath

Date : 15ème-18ème siècle

Pages associées : Dossier : Le Sabbat - entre satanisme et paganisme, Baguette magique?

Bibliographie :

  • « La Sorcière et l’Occident », de Guy Bechtel, Plon 1997
  • « La Sorcière au village », de Robert Muchembled, Gallimard 1991
  • « Druides et Chamanes », de Jean Markale, Pygmalion 2005
  • « Le sabbat des sorciers », de Bourneville et E., Teinturier, Bibliothèque diabolique, Paris, 1890
  • « De la démonomanie des sorciers », de Jean Bodin, chez Arnould Coninx, Anvers, 1586

Documentaire :

  • « Brûlées Vives », Jan Peter et Youri Winterberg pour Arte

Catégories : S ; Mythes folklore
Auteur : Hermine
Mise en ligne : 29/11/08
Dernière modification : le 10/07/12 à 17:58