Encyclopédie du paranormal - Stumpp Peter

     Stumpp, Peter


Paysan allemand du XVIème siècle accusé d'avoir été un loup-garou


Le cas de Peter Stumpp, parfois présenté de nos jours sous le nom de « loup-garou de Bedburg », est probablement l'une des plus célèbres affaires de loup-garou de l'Histoire.

L'affaire est décrite par plusieurs sources anciennes :

  • un pamphlet en anglais, publié à Londres en 1590, intitulée The Damnable Life and Death of Stubbe Peeter (« La vie damnée et la mort de Peeter Stubbe ») et écrit par un certain George Bores. Redécouvert en 1920 par l'occultiste Montague Summers, il s'agit du document le plus complet (mais pas le plus objectif, cf. parties suivantes) sur cette affaire puisqu'il retrace en 16 pages la vie de Stumpp et ses crimes ; il consigne également les noms de plusieurs témoins de l'affaire et de proches des victimes.
    Le pamphlet de Londres a existé dans une version hollandaise (publié à Antwerp en 1589) et danoise (Copenhague, 1591) ; ces trois traductions semblent toutes provenir d'un même document allemand unique (peut-être les actes du procès de Stumpp ?) dont l'existence est mentionnée par George Bores mais qui ne nous est malheureusement pas parvenu.
  • plusieurs chroniqueurs contemporains mentionnent l'affaire : Hermann Weinsberg, un conseiller municipal de Cologne, et Aernout Van Buchel, un antiquaire hollandais. L'ouvrage Gesta Pontificum Leodiensum du vicaire général de Liège, Jean Chapeauville (1616) y fait également allusion : le loup-garou n'est pas nommé mais la date de son exécution (1589) et le nombre de ses victimes (13) indiquent qu'il s'agit bien de Peter Stumpp.


Frontispice du pamphlet de Londres écrit par George Bores (1590)
(Source : British Library)

Le nom de Peter Stumpp est orthographié de façon variable selon les sources : Stube, Stub, Stübbe, Stumpf, Stüpp...


Récit de l'affaire


Les sources historiques présentant la vie de Peter Stumpp ont manifestement exagéré certains éléments, voire les ont inventés de toute pièce ou se sont basées sur des aveux obtenus sous la menace de la torture ; elles sont donc à considérer avec recul (voir partie suivante Analyse historique et culturelle).

Peter Stumpp serait né et aurait grandi dans les environs des villages de Epprath et Bedburg, au nord-ouest de Cologne en Allemagne.
Sa date de naissance précise (vraisemblablement aux environs de 1540) n'est pas connue avec certitude. De même, il est possible que Stumpp soit une déformation de l'allemand Stumpf (« moignon »), auquel cas il ne s'agirait pas de son véritable nom de famille mais d'un surnom donné à Peter après sa mort, en allusion à la perte de sa main ayant trahi sa nature de loup-garou (voir ci-dessous).

Peter Stumpp semble avoir été un paysan métayer, propriétaire de sa ferme, donc une personne relativement fortunée pour l'époque. Veuf, il aurait eu deux enfants (un jeune fils et une fille plus âgée nommée Beele) d'une premier mariage ; il aurait eu ensuite une relation avec une femme nommée Katherine Trompin (qui pourrait avoir été la marraine de Beele).

Peter Stumpp aurait manifesté très jeune un caractère vicieux et cruel ; il aurait commencé la magie noire à 12 ans et en aurait pratiqué diverses formes (nécromancie, sorcellerie, invocation d'esprits infernaux...).
Le Diable lui aurait fait don d'une ceinture ou d'une gaine ensorcelée, lui permettant lorsqu'il la ceignait autour de sa taille de se métamorphoser en un loup monstrueux, « aux grands yeux larges qui brillaient dans la nuit comme des brandons, avec une grande gueule large aux dents cruelles et terriblement aiguisées, un corps gigantesque et des pattes puissantes » (d'après George Bores, traduction Ar Soner).
Peter aurait ainsi répandu la terreur pendant des années dans la région de Cologne.


Gravure extraite du pamphlet de Londres, décrivant en image les exactions, l'arrestation et l'exécution de Peter Stumpp (1590)
(Source : British Library)

Pendant la journée, sous forme humaine, il repérait dans les villes les femmes et enfants qu'il massacrerait ou violerait sous sa forme de loup-garou une fois la nuit venue. En vingt cinq ans, il s'en serait ainsi pris à 14 enfants, dont son propre fils dont il aurait dévoré le cerveau ; 2 jeunes femmes enceintes qu'il aurait éventré pour dévorer leur foetus ; ainsi que 3 hommes et femmes adultes. Il s'attaquait également au bétail et aurait tué un nombre incalculable de moutons, agneaux et chèvres.

D'une force, d'une rapidité et d'une agilité prodigieuses, Peter n'aurait jamais manqué une de ses proies sauf en une seule occasion. S'attaquant soudainement à un groupe d'enfants qui jouaient dans une clairière en présence de vaches et de leurs veaux, il aurait voulu mordre une petite fille à la gorge mais les vêtements très serrés de la petite l'en aurait empêché ; alerté par les cris des enfants, le groupe de bovins se serait alors interposé avec une telle force qu'il aurait forcé le loup-garou à lâcher sa proie et l'aurait mis en fuite.

Peter aurait également commis des actes incestueux sur sa sœur et sa fille, qui aurait fini par tomber enceinte.
La lubricité animale de Peter ne pouvant être assouvie par aucune femme, le Diable lui aurait finalement fait don d'un esprit familier ayant pris la forme d'une femme d'une beauté fabuleuse ; cette succube lui aurait tenu compagnie pendant près de 7 ans.

Les habitants des villages auraient finalement dressés des chiens de chasses et des molosses qu'ils auraient envoyé à sa poursuite. Selon une version du récit, au cours de sa fuite, Peter se serait attaqué à un des chasseurs mais celui-ci aurait tranché une des patte du loup-garou d'un coup d'épée (cet élément est absent du pamhplet anglais mais présent dans l'iconographie d'époque et la tradition populaire).
Acculé par les chiens, Peter Stumpp n'aurait pas eu d'autre choix que de reprendre forme humaine et il aurait alors été appréhendé par les chasseurs ayant devinés sa vraie nature de loup-garou. Dans la version de l'histoire où sa patte a été tranchée, Peter aurait gardé cette infirmité une fois revenu à sa forme humaine et c'est ce détail qui l'aurait trahi auprès de ses poursuivants.

Gravure d'auteur et de date inconnus représentant l'arrestation et l'exécution de Peter Stumpp. On reconnaît, dans le sens anti-horaire : le loup-garou se faisant trancher sa patte d'un coup d'épée (1) ; Peter sous sa forme humaine se faisant torturer sur la roue : d'abord percé par les pinces (2), ses membres sont brisés (3) puis Peter est décapité (4) ; son corps brûlé avec ceux de sa fille et de son amante (5) tandis que la tête de Peter et la roue ayant servi à la torture sont placées au sommet d'un mât commémoratif (6).


Conduit devant les magistrats et attaché au chevalet de torture, Peter aurait volontairement raconté toute son histoire et confessé ses crimes avant que la torture n'ait commencé. La ceinture lui permettant de se transformer en loup, dont il se serait débarrassé dans un coin de campagne, ne fut jamais retrouvée à l'endroit indiqué par Stumpp.
Le 28 octobre 1589, Peter Stumpp fut condamné à mort et la sentence fut exécutée à Bedburg le 31 octobre : attaché à une large roue, sa chair fut décollée de ses os en dix endroits avec des pinces de métal chauffées à blanc, puis ses membres furent brisés avec le côté plat d'une hache ; enfin, il fut décapité et son corps brûlé jusqu'à ce qu'il n'en reste que des cendres.
Beele, la fille de Peter, et son amante Katherine furent considérées comme complices de certains de ses crimes et furent condamnées au bûcher le même jour. Leur mise à mort fut suivie par de nombreux témoins, y compris des membres de l'aristocratie allemande.

Suite à l'exécution, la roue sur laquelle avait été torturé Peter Stumpp fut érigée en haut d'un grand mât ; puis on plaça au dessus de cette roue une petite statue de bois en forme de loup, et au sommet la tête de Peter. Autour de la roue furent accrochés 16 bouts de bois d'environ 1 mètre de long représentant ses 16 plus jeunes victimes. Ceci, afin de servir comme avertissement pour le reste de la population et leur montrer la punition qui les attendait s'ils pratiquaient eux aussi la sorcellerie.


Analyse historique et culturelle


Si Peter Stumpp est parfois présenté à l'heure actuelle comme un authentique tueur en série historique, qui se serait effectivement attaqué à des dizaines d'enfants et de jeunes filles, les historiens dressent un portrait beaucoup plus nuancé de son cas.
La seule source détaillant l'histoire de Peter Stumpp est le livret anglais de George Bores... mais il est très marqué par l'intransigeance religieuse de son auteur, et exagère (voire invente) manifestement un certain nombre d'éléments afin d'accentuer le caractère diabolique et dépravé de Peter Stumpp. Il pourrait en outre se baser partiellement ou complètement sur des aveux obtenus sous la torture.

D'un point de vue historique, s'il existe des preuves substantielles indiquant que le procès et l'exécution de Peter Stumpp ont bien eu lieu, la réalité des crimes dont on l'a accusé est en revanche très incertaine.
Peter Stumpp pourrait n'avoir été qu'une victime indirecte de la Contre-Réforme. La région de Cologne connut en effet entre 1582 et 1588 une violente guerre opposant catholiques et protestants : Gebhard Truchsess von Waldburg, prince de l'électorat de Cologne, se convertit au protestantisme ; au lieu d'abdiquer comme l'aurait voulu la loi du Saint-Empire Romain Germanique, il conserva le pouvoir et mit en place une parité religieuse pour tous ses sujets. En conséquence, Gebhard fut excommunié et l'archevêque de Cologne ainsi que divers aristocrates allemands mobilisèrent leurs troupes pour reconquérir le territoire, ce qui fut entièrement achevé en 1589.
Le procès de Peter Stumpp pourrait avoir eu une motivation politique : Peter Stumpp aurait été un protestant influant, condamné à mort « pour l'exemple » par les autorités catholiques, afin de démontrer leur reprise en main du territoire et dissuader la population de se convertir à la nouvelle religion. L'accusation de lycanthropie n'aurait été qu'un prétexte, la croyance au loup-garou étant attestée de longue date dans la région de Cologne.
Cette hypothèse repose notamment sur la sévérité inhabituelle du châtiment réservé à Stumpp, ainsi que sur la présence de membres de la noblesse lors de son exécution.

De véritables attaques de loups ont également pu passer pour des manifestations du loup-garou : l'anecdote des enfants sauvés par l'intervention providentielle du troupeau de vaches semble ainsi authentique (George Bores cite en outre le noms de témoins pouvant attester de sa véracité) et aurait pu être le fait d'un vrai loup.

Gravure du XIXème siècle montrant le siège de la ville de Bedburg par les forces catholiques en 1584


Le cas de Peter Stumpp s'inscrit dans le cadre général des procès de loup-garous qui eurent lieu à la Renaissance, essentiellement dans les pays germaniques (Allemagne, Autriche, Danemark, Hollande), ainsi qu'en Suisse, dans l'Est de la France et dans les pays baltes (Estonie et Lettonie). Ces procès de loup-garous sont eux-même intrinsèquement liés à la grande vague de chasses aux sorcières s'étant déroulée à la même période.

L'affaire Stumpp connut un retentissement conséquent en Allemagne, et même bien au delà dans le reste du Nord de l'Europe, comme l'indique le fait que l'anglais Edward Fairfax y fasse encore allusion (plus de 30 ans plus tard !) dans son traité de démonologie de 1621. Il est probable que le cas de Peter Stumpp a contribué à alimenter l'intérêt populaire de l'époque pour les loup-garous, particulièrement chez les protestants pour lesquels sorcellerie et lycanthropie étaient les manifestations visibles de la dégénérescence spirituelle des catholiques.
En revanche, l'affaire passa relativement inaperçue en France, peut-être en raison de l'absence de traduction en français ou en latin des sources racontant l'histoire.

Dans l'Ouest de la Rhénanie, le mot Stüpp passa dans le langage courant et servait encore au début du XXème pour désigner un loup-garou ou un Aufhocker (une créature nocturne du folklore allemand, sautant sur les épaules des voyageurs pour les égorger ou les écraser de son poids).

La commune de Bedburg possède à l'heure actuelle une « balade du loup-garou » (Werwolf-Wanderweg), un chemin de marche de 10 kilomètres ponctué de 7 stations présentant des informations sur la vie et la mort de Peter Stumpp.


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Localisation : Bedburg, Rhénanie-du-Nord–Westphalie, Allemagne, Europe

Date : Peter Stumpp est vraisemblablement né aux environs de 1540, et fut exécuté le 31 octobre 1589.

Liens complémentaires :

L'intégralité du texte du pamphlet de George Bores de 1590

Bibliographie :

  • Werewolf stories, anthologie éditée par William de Blécourt (2015). Ed. Palgrave MacMillan.

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Catégories : S ; Personnes ; Mythes et folklore
Auteur : Ar Soner
Mise en ligne : 18/11/19
Dernière modification : le 31/12/19 à 14:52