Cousteau, Affaire |
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Légende urbaine? selon laquelle le commandant Cousteau aurait observé un monstre marin ou « quelque chose de trop important pour être révélé » lors d'une plongée
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Cette légende urbaine a connu de nombreuses variations au fil des années, mais certains éléments récurrents peuvent être dégagés : le commandant Cousteau aurait plongé dans le Goubet Al-Kharab, une anse située à l'extrémité du golfe de Tadjourah, à proximité de la ville de Djibouti. Il aurait aperçu quelque chose d'inhabituel sous l'eau et aurait choisi de n'en parler à personne par crainte des conséquences.

Carte de la région. « Ghoubet » et « Koubé » sont des orthographes alternatives de « Goubet »
Version de 2001
La version de l'évènement la plus populaire à l'heure actuelle provient d'un article publié dans Le Monde de l'inconnu n°290, en 2001 :

Le commandant Cousteau en combinaison de plongée en 1967
Image : National Geographic
Le reste du texte contient des spéculations au sujet de ce que Cousteau aurait aperçu sous l'eau : grand requin blanc, Mégalodon?, Mosasaure?, Kronosaure? (telle la créature de l'U-28) ou calmar géant. Bien que cette version ait été reproduite à l'identique sur des centaines de sites internet et que plusieurs internautes affirment avoir assisté à l'incident ou connaître quelqu'un qui en a confirmé la véracité, cette version des faits est complètement fausse.
En effet, de telles rumeurs circulaient déjà bien avant 1995, date supposée de la révélation par Stéphane Swirog. La date de l'incident varie d'ailleurs selon les sources : 1986 est l'année la plus souvent mentionnée, mais 1978, 1963, 1952 ainsi que le début des années 70 sont également cités.
L'évolution d'une telle légende est difficile à reconstituer de façon précise, mais ses mentions dans les médias français permettent de retracer partiellement son histoire.
Version de la fin des années 1990
Ainsi, à la fin de l'année 1997, un invité de l'émission D'un monde à l'autre prétendit entrer en contact avec le fantôme? du commandant Cousteau par ouija sur le plateau et lui prêta les propos suivants : « La vérité doit être dite », « J'affirme l'existence de la raie géante de Djibouti » et « Trop de mensonges habitent les médias ».
Le Journal spirite consacra un article à l'évènement en 1998 et présenta l'interview d'Alain Tournier, un militaire affirmant avoir été stationné à Djibouti à l'époque des faits.

Couverture du journal spirite d'avril 1998, contenant une interview d'un militaire « confirmant » l'affaire suite à la manifestation supposée du fantôme de Cousteau à la télévision
Une hypothèse apparemment populaire à l'époque voulait de toute évidence que le commandant Cousteau ait observé une raie géante dans les eaux du Goubet. Cette possibilité n'est toutefois pas mentionnée dans l'article du Monde Inconnu de 2001 et est donc généralement ignorée dans les spéculations actuelles au sujet de l'évènement, au profit de l'hypothèse d'un mégalodon?.
Version de la fin des années 1980
La rumeur avait déjà connu une vague de popularité une dizaine d'années plus tôt, puisque le cryptozoologue Jean-Jacques Barloy déclara lors de l'émission Sciences au naturel diffusée le 5 octobre 1987 sur France-Inter :

Vue aérienne du Goubet al-Kharab (orthographe variable), « Le gouffre des démons », et de ses « Îles du Diable »
La cérémonie en question n'a cependant semble-t-il jamais eu lieu : contactée à ce sujet, l'office du tourisme de Djibouti aurait déclaré ne jamais avoir entendu parler d'une telle pratique. Il semble toutefois que des légendes de la région veuillent que les eaux du Goubet soient hantées par des démons?, qui tireraient vers les profondeurs ceux qui s'y aventurent.
L'existence du monstre fut officiellement démentie quelques semaines plus tard par Yves Paccalet, membre de l'équipe Cousteau, dans le Calypso Log n°63 de novembre 1987.

Démenti de la légende par Yves Paccalet en 1987. À cette époque, elle voulait que l'incident ait eu lieu en 1952, époque du premier passage de l'équipe Cousteau dans la mer Rouge.
Il ne s'agit toutefois pas du premier démenti publié par l'équipe Cousteau.
Origine
La légende a en effet été démentie par le commandant Cousteau lui-même dès 1971, dans son ouvrage La vie et la mort des coraux. Il y décrit notamment sa découverte du Goubet en 1967 :


Les raies manta peuvent dépasser sept mètres de largeur et sont parfois surnommées « Diables des mers »
Image:Kaile Tsapis
La rumeur selon laquelle Cousteau aurait aperçu quelque chose de terrible en plongeant dans le Goubet circulait donc déjà à Djibouti avant que le commandant Cousteau ne s'y rende pour la première fois, près de vingt ans avant la date à laquelle l'incident aurait eu lieu selon la version la plus moderne de la légende et trente ans avant sa supposée révélation par Stéphane Swirog.
Il semble vraisemblable que cette légende locale ait été inspirée par le premier passage de Cousteau dans la mer Rouge en 1952, époque à laquelle il ne s'est pas rendu dans le Goubet. Elle est très probablement à l'origine de toutes les variantes connues à l'heure actuelle : périodiquement remise au goût du jour, transmise et enrichie de nouveaux détails (Cousteau aurait vu une raie manta géante, une cage à requin aurait été écrasée, Cousteau aurait filmé quelque chose puis aurait détruit la bande ou l'aurait mise en sûreté...), répétée par les militaires français dans la région, occasionnellement re-popularisée par une mention dans les médias. Il est même possible que ce soit ce premier démenti de Cousteau qui ait lancé l'idée qu'il a aperçu une raie géante dans le Goubet, puisqu'il y suggère que des raies sont peut-être à l'origine de la légende du « monstre du Goubet ».
Variantes géographiques
Une légende très similaire entoure un voyage que le commandant Cousteau aurait effectué vers le milieu des années 70 au lac Tahoe, à la frontière entre la Californie et le Nevada. De retour d'une plongée dans le lac, il aurait déclaré à des journalistes que « le monde n'est pas prêt pour ce qu'il y a dans le lac », puis aurait détruit un enregistrement vidéo réalisé sous l'eau. Une variante de cette légende veut qu'il ait exploré le fond du lac dans un petit sous-marin et y ait découvert des cadavres humains parfaitement conservés.
En réalité, le commandant Cousteau ne s'est jamais rendu au lac Tahoe. Cette rumeur a vraisemblablement été inventée suite au passage de son petit-fils Philippe Cousteau dans la région en 2002 ou par le limnologiste Charles Goldman, qui est effectivement descendu à trente mètres sous les eaux du lac à bord d'un petit submersible mais qui n'y a rien découvert de terrible.

Selon le folklore local, le lac Tahoe abriterait un monstre lacustre surnommé Tessie
Enfin, selon une dernière variante beaucoup moins répandue, c'est en plongeant dans le Triangle des Bermudes que Cousteau et son équipe auraient découvert quelque chose de trop terrible pour être révélé. Il est parfois dit qu'ils auraient entendu des cris humains provenant d'une profonde crevasse ou d'une grotte sous-marine, ce qui évoque la légende du trou vers l'enfer.
Autres variantes
Certains éléments sont également parfois ajoutés au récit pour le rendre plus intéressant :
- Les autorités Djiboutiennes auraient expulsé Cousteau du pays avant qu'il ne puisse confirmer l'existence d'un monstre marin.
- Cousteau aurait fait jurer à tout son équipage et à l'état-major français de ne pas révéler sa découverte.
- Cousteau aurait filmé la chose qu'il aurait aperçue sous l'eau mais aurait ensuite détruit le film ou l'aurait caché dans un coffre-fort avec une description de l'incident. Il aurait ensuite demandé à ses proches de n'ouvrir le coffre et de n'en révéler le contenu qu'après sa mort.
- Plusieurs internautes prétendent avoir été présents lors de l'incident ou avoir rencontré un militaire ou un membre de l'équipe Cousteau qui l'était. Les dates citées ne correspondent cependant pas à celles du passage de la Calypso dans la région.

La légende a la vie dure au sein des forces françaises stationnées à Djibouti, et a par exemple été mentionnée dans « A mouthful of rocks », récit autobiographique d'un britannique engagé dans la légion étrangère dans les années 1970
Image : Commando-air.fr
Conversion supposée à l'Islam
Une autre rumeur veut que le commandant Cousteau se soit converti à l'Islam. Si cette conversion supposée est occasionnellement attribuée à ce qu'il aurait aperçu sous l'eau à Djibouti, elle est le plus souvent expliquée de la façon suivante : Cousteau aurait découvert au cours d'un reportage dans la mer Rouge que l'eau douce des fleuves ne se mélange pas à l'eau salée des mers et océans, chose qui serait impossible scientifiquement mais serait mentionnée dans le Coran.
En réalité, les sourates concernées peuvent être interprétées de différentes façon et il est scientifiquement avéré que l'eau des fleuves et rivières se mélange bien à celle des mers et océans. De plus, la conversion du commandant a été démentie par la Fondation Cousteau dans un courrier du 2 novembre 1991, six ans avant son décès, et il a été enterré dans un cimetière catholique.

Démenti de la Fondation Cousteau. La rumeur avait également été démentie en 1987 par Paccalet en même temps que celle concernant la raie de Djibouti.
Le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié des Peuples (MRAP) a par ailleurs demandé le retrait de la légion d'honneur du Commandant Cousteau en 1999, dans un communiqué affirmant que « derrière cette image généreuse, le Commandant COUSTEAU cachait des convictions profondément racistes. Celles-ci se sont révélées non seulement à l'égard des juifs, dans cette lettre honteuse de 1941, mais aussi, bien des années après, à l’encontre des musulmans censés, selon lui "envahir la France" ».
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Autres noms : Mystère Cousteau, Monstre de Cousteau, Monstre de Djibouti, Raie géante de Djibouti, ...
Traduction anglaise : Cousteau Mystery, Cousteau's Monster, Djibouti Monster, Jacques Cousteau's Giant Manta Ray, ...
Localisation : Goubet al-Kharab/Golfe de Tadjourah (11° 31′ 34″ N, 42° 36′ 13″ E), Djibouti, Afrique (variantes orthographiques : Ghoubbet, Goubé, Koubé, Al-Kharab, Tadjoura)

Date : 6 mars 1967 au moins (première mention connue de la légende)
Articles connexes :
Sources et liens complémentaires :
- Djiboutiweb.net [fr]
- J.-Y. Cousteau et P. Diolé, La vie et la mort des coraux, 1971, Flammarion
- Commando-air.fr [fr]
- Anti-religion.net [fr]
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Auteur : Paul Binocle
Mise en ligne : 21/06/11
Dernière modification : le 10/07/12 à 16:39
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