Encyclopédie du paranormal - Affaire Cousteau

     Cousteau, Affaire


Légende urbaine? selon laquelle le commandant Cousteau aurait observé un monstre marin ou « quelque chose de trop important pour être révélé » lors d'une plongée


Cette légende urbaine a connu de nombreuses variations au fil des années, mais certains éléments récurrents peuvent être dégagés : le commandant Cousteau aurait plongé dans le Goubet Al-Kharab, une anse située à l'extrémité du golfe de Tadjourah, à proximité de la ville de Djibouti. Il aurait aperçu quelque chose d'inhabituel sous l'eau et aurait choisi de n'en parler à personne par crainte des conséquences.

Carte de la région. « Ghoubet » et « Koubé » sont des orthographes alternatives de « Goubet »


Version de 2001

La version de l'évènement la plus populaire à l'heure actuelle provient d'un article publié dans Le Monde de l'inconnu n°290, en 2001 :

« L'affaire éclata le 26 juin 1995 : Stéphane Swirog livre l'information, rapportant brièvement une histoire relatée par l'un des de ses collègues militaires stationnés à Djibouti : il s'agissait d'une découverte effectuée par le commandant Cousteau dans une fosse marine au large de Djibouti, où se situent des îlots dans le golfe de Tadjoura et plus particulièrement dans la passe de El-Kharab. Selon le commandant, elle n'aurait pas été révélée car elle aurait entraîné des conséquences trop importantes sur les connaissances actuelles.
L'expérience aurait consisté à immerger une carcasse de chameau dans une cage destinée à l'observation des requins et la cage en serait ressortie broyée comme par quelque créature formidable. Aucune preuve ne confirme le sujet mais cette rumeur est très répandue en république de Djibouti. En 1996, un autre témoignage d'un militaire qui était en mission dans la région. Selon ce dernier, l'équipe Cousteau serait arrivée à Djibouti et aurait effectivement plongé une carcasse dans une cage, et celle-ci aurait été entièrement broyée lors de sa remontée.
Le commandant aurait plongé et vu quelque chose : il aurait déclaré que ce qu'il avait vu était trop important pour le dévoiler à l'humanité. (...) »

Le commandant Cousteau en combinaison de plongée en 1967
Image : National Geographic

Le reste du texte contient des spéculations au sujet de ce que Cousteau aurait aperçu sous l'eau : grand requin blanc, Mégalodon?, Mosasaure?, Kronosaure? (telle la créature de l'U-28) ou calmar géant. Bien que cette version ait été reproduite à l'identique sur des centaines de sites internet et que plusieurs internautes affirment avoir assisté à l'incident ou connaître quelqu'un qui en a confirmé la véracité, cette version des faits est complètement fausse.

En effet, de telles rumeurs circulaient déjà bien avant 1995, date supposée de la révélation par Stéphane Swirog. La date de l'incident varie d'ailleurs selon les sources : 1986 est l'année la plus souvent mentionnée, mais 1978, 1963, 1952 ainsi que le début des années 70 sont également cités.

L'évolution d'une telle légende est difficile à reconstituer de façon précise, mais ses mentions dans les médias français permettent de retracer partiellement son histoire.


Version de la fin des années 1990

Ainsi, à la fin de l'année 1997, un invité de l'émission D'un monde à l'autre prétendit entrer en contact avec le fantôme? du commandant Cousteau par ouija sur le plateau et lui prêta les propos suivants : « La vérité doit être dite », « J'affirme l'existence de la raie géante de Djibouti » et « Trop de mensonges habitent les médias ».

Le Journal spirite consacra un article à l'évènement en 1998 et présenta l'interview d'Alain Tournier, un militaire affirmant avoir été stationné à Djibouti à l'époque des faits.

Couverture du journal spirite d'avril 1998, contenant une interview d'un militaire « confirmant » l'affaire suite à la manifestation supposée du fantôme de Cousteau à la télévision

Une hypothèse apparemment populaire à l'époque voulait de toute évidence que le commandant Cousteau ait observé une raie géante dans les eaux du Goubet. Cette possibilité n'est toutefois pas mentionnée dans l'article du Monde Inconnu de 2001 et est donc généralement ignorée dans les spéculations actuelles au sujet de l'évènement, au profit de l'hypothèse d'un mégalodon?.


Version de la fin des années 1980

La rumeur avait déjà connu une vague de popularité une dizaine d'années plus tôt, puisque le cryptozoologue Jean-Jacques Barloy déclara lors de l'émission Sciences au naturel diffusée le 5 octobre 1987 sur France-Inter :

« Le monstre de Djibouti vivrait dans le Koubé, qui est une sorte de petite mer intérieure aux eaux noires et bordées de falaises verticales. Le monstre y serait entré autrefois et ne pourrait plus en ressortir (soit parce qu'il a grandi, soit parce que les courants l'empêchent de partir). Cette créature ressemblerait à une gigantesque raie. Tous les ans aurait lieu une cérémonie organisée par des habitants du lieu qui considéreraient la bête comme un dieu de la mer. Ils descendent dans les eaux noires du Koubé un chameau vivant, dans une cage, en guise d'offrande. Trente secondes après, ils remontent la cage mais celle-ci ainsi que le camélidé ont disparu. Il y a eu entre-temps quelques remous pour témoigner du drame ».

Vue aérienne du Goubet al-Kharab (orthographe variable), « Le gouffre des démons », et de ses « Îles du Diable »

La cérémonie en question n'a cependant semble-t-il jamais eu lieu : contactée à ce sujet, l'office du tourisme de Djibouti aurait déclaré ne jamais avoir entendu parler d'une telle pratique. Il semble toutefois que des légendes de la région veuillent que les eaux du Goubet soient hantées par des démons?, qui tireraient vers les profondeurs ceux qui s'y aventurent.

L'existence du monstre fut officiellement démentie quelques semaines plus tard par Yves Paccalet, membre de l'équipe Cousteau, dans le Calypso Log n°63 de novembre 1987.

Démenti de la légende par Yves Paccalet en 1987. À cette époque, elle voulait que l'incident ait eu lieu en 1952, époque du premier passage de l'équipe Cousteau dans la mer Rouge.

Il ne s'agit toutefois pas du premier démenti publié par l'équipe Cousteau.


Origine

La légende a en effet été démentie par le commandant Cousteau lui-même dès 1971, dans son ouvrage La vie et la mort des coraux. Il y décrit notamment sa découverte du Goubet en 1967 :

« (...) Le 6 mars [1967], nous sommes à Djibouti où embarquent le Dr. Léna et le photographe allemand Ludwig Stillner. Nous appareillons le même jour et, dès le début de l'après-midi, nous mouillons deux bouées sur le Banc Shab Arab.
(...) À Shab Arab, nous trouvons une eau extrêmement trouble, infilmable. Il n'y a pas grand espoir que la visibilité s'améliore puisque sur Shab Arab nous sommes en haute mer. Inutile donc d'insister. Nous allons voir le Goubet, le fameux Goubet. Avant de partir de Djibouti, ce matin, un de nos camarades a demandé quelques renseignements sur le Goubet à un plongeur local.
- Ah, lui a répondu le sportif du cru, c'est un endroit extraordinaire. Il n'y a pas de fond. C'est peuplé de monstres. Ils sont capables d'entraîner dans l'abîme des lignes attachées à des bidons de 200 litres. D'ailleurs en 1963, le Commandant Cousteau y est allé avec Frédéric Dumas et ses meilleurs plongeurs : ils y ont été terrorisés par ce qu'ils ont vu et ont préféré partir.
Nous avions hâte de faire connaissance avec ce lieu terrifiant qui nous fait une réputation si peu flatteuse. Le Goubet est une mer intérieure qui communique avec le large par une passe étroite où le courant de marée est très fort : il peut atteindre 7 noeuds.
La région est très belle, très sauvage : elle est dominée par des montagnes volcaniques dénudées, rouges, noires et jaunes. La Calypso pénètre dans cette masse que constitue le Goubet et nous mettons à l'eau notre soucoupe plongeante SP 350. Elle descend à 200 mètres sans rencontrer le moindre monstre. Les plongeurs se mettent à l'eau et ils ne trouvent rien de bien remarquable si ce n'est des oursins géants. Il y a assez peu de poissons. Il est probable que le monstre du Goubet qui a alimenté les légendes arabes et tout simplement à l'origine une raie manta qui aura été aperçue par quelque berger du haut des montagnes. Les raies mantas sont nombreuses dans les parages et il doit arriver qu'elles s'égarent dans le Goubet d'où elles ont du mal à sortir. »

Les raies manta peuvent dépasser sept mètres de largeur et sont parfois surnommées « Diables des mers »
Image:Kaile Tsapis

La rumeur selon laquelle Cousteau aurait aperçu quelque chose de terrible en plongeant dans le Goubet circulait donc déjà à Djibouti avant que le commandant Cousteau ne s'y rende pour la première fois, près de vingt ans avant la date à laquelle l'incident aurait eu lieu selon la version la plus moderne de la légende et trente ans avant sa supposée révélation par Stéphane Swirog.

Il semble vraisemblable que cette légende locale ait été inspirée par le premier passage de Cousteau dans la mer Rouge en 1952, époque à laquelle il ne s'est pas rendu dans le Goubet. Elle est très probablement à l'origine de toutes les variantes connues à l'heure actuelle : périodiquement remise au goût du jour, transmise et enrichie de nouveaux détails (Cousteau aurait vu une raie manta géante, une cage à requin aurait été écrasée, Cousteau aurait filmé quelque chose puis aurait détruit la bande ou l'aurait mise en sûreté...), répétée par les militaires français dans la région, occasionnellement re-popularisée par une mention dans les médias. Il est même possible que ce soit ce premier démenti de Cousteau qui ait lancé l'idée qu'il a aperçu une raie géante dans le Goubet, puisqu'il y suggère que des raies sont peut-être à l'origine de la légende du « monstre du Goubet ».


Variantes géographiques

Une légende très similaire entoure un voyage que le commandant Cousteau aurait effectué vers le milieu des années 70 au lac Tahoe, à la frontière entre la Californie et le Nevada. De retour d'une plongée dans le lac, il aurait déclaré à des journalistes que « le monde n'est pas prêt pour ce qu'il y a dans le lac », puis aurait détruit un enregistrement vidéo réalisé sous l'eau. Une variante de cette légende veut qu'il ait exploré le fond du lac dans un petit sous-marin et y ait découvert des cadavres humains parfaitement conservés.

En réalité, le commandant Cousteau ne s'est jamais rendu au lac Tahoe. Cette rumeur a vraisemblablement été inventée suite au passage de son petit-fils Philippe Cousteau dans la région en 2002 ou par le limnologiste Charles Goldman, qui est effectivement descendu à trente mètres sous les eaux du lac à bord d'un petit submersible mais qui n'y a rien découvert de terrible.

Selon le folklore local, le lac Tahoe abriterait un monstre lacustre surnommé Tessie

Enfin, selon une dernière variante beaucoup moins répandue, c'est en plongeant dans le Triangle des Bermudes que Cousteau et son équipe auraient découvert quelque chose de trop terrible pour être révélé. Il est parfois dit qu'ils auraient entendu des cris humains provenant d'une profonde crevasse ou d'une grotte sous-marine, ce qui évoque la légende du trou vers l'enfer.


Autres variantes

Certains éléments sont également parfois ajoutés au récit pour le rendre plus intéressant :

  • Les autorités Djiboutiennes auraient expulsé Cousteau du pays avant qu'il ne puisse confirmer l'existence d'un monstre marin.
  • Cousteau aurait fait jurer à tout son équipage et à l'état-major français de ne pas révéler sa découverte.
  • Cousteau aurait filmé la chose qu'il aurait aperçue sous l'eau mais aurait ensuite détruit le film ou l'aurait caché dans un coffre-fort avec une description de l'incident. Il aurait ensuite demandé à ses proches de n'ouvrir le coffre et de n'en révéler le contenu qu'après sa mort.
  • Plusieurs internautes prétendent avoir été présents lors de l'incident ou avoir rencontré un militaire ou un membre de l'équipe Cousteau qui l'était. Les dates citées ne correspondent cependant pas à celles du passage de la Calypso dans la région.

La légende a la vie dure au sein des forces françaises stationnées à Djibouti, et a par exemple été mentionnée dans « A mouthful of rocks », récit autobiographique d'un britannique engagé dans la légion étrangère dans les années 1970
Image : Commando-air.fr


Conversion supposée à l'Islam

Une autre rumeur veut que le commandant Cousteau se soit converti à l'Islam. Si cette conversion supposée est occasionnellement attribuée à ce qu'il aurait aperçu sous l'eau à Djibouti, elle est le plus souvent expliquée de la façon suivante : Cousteau aurait découvert au cours d'un reportage dans la mer Rouge que l'eau douce des fleuves ne se mélange pas à l'eau salée des mers et océans, chose qui serait impossible scientifiquement mais serait mentionnée dans le Coran.

En réalité, les sourates concernées peuvent être interprétées de différentes façon et il est scientifiquement avéré que l'eau des fleuves et rivières se mélange bien à celle des mers et océans. De plus, la conversion du commandant a été démentie par la Fondation Cousteau dans un courrier du 2 novembre 1991, six ans avant son décès, et il a été enterré dans un cimetière catholique.

Démenti de la Fondation Cousteau. La rumeur avait également été démentie en 1987 par Paccalet en même temps que celle concernant la raie de Djibouti.

Le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié des Peuples (MRAP) a par ailleurs demandé le retrait de la légion d'honneur du Commandant Cousteau en 1999, dans un communiqué affirmant que « derrière cette image généreuse, le Commandant COUSTEAU cachait des convictions profondément racistes. Celles-ci se sont révélées non seulement à l'égard des juifs, dans cette lettre honteuse de 1941, mais aussi, bien des années après, à l’encontre des musulmans censés, selon lui "envahir la France" ».


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Autres noms : Mystère Cousteau, Monstre de Cousteau, Monstre de Djibouti, Raie géante de Djibouti, ...

Traduction anglaise : Cousteau Mystery, Cousteau's Monster, Djibouti Monster, Jacques Cousteau's Giant Manta Ray, ...

Localisation : Goubet al-Kharab/Golfe de Tadjourah (11° 31′ 34″ N, 42° 36′ 13″ E), Djibouti, Afrique (variantes orthographiques : Ghoubbet, Goubé, Koubé, Al-Kharab, Tadjoura)

Date : 6 mars 1967 au moins (première mention connue de la légende)

Articles connexes :

Sources et liens complémentaires :

Sujet Affaire Cousteau, suivi des recherches qui ont mené à la rédaction de cet article
Djibouti : le pays des braves
  • J.-Y. Cousteau et P. Diolé, La vie et la mort des coraux, 1971, Flammarion
  • Commando-air.fr [fr]
Le Goubet-Al-Kharab à Djibouti par « Dalma 6 », exemple de version de la légende circulant parmi les militaires français stationnés à Djibout
« L'océanographie dans le Coran »

Auteur : Paul Binocle
Mise en ligne : 21/06/11
Dernière modification : le 10/07/12 à 16:39