Encyclopédie du paranormal - Disparition du lac Angikuni

     Angikuni, Disparition du lac


Village inuit supposé s'être vidé de ses habitants en une nuit


Le lac Angikuni (ou Anjikuni) est un grand lac de 51 000 ha, situé le long de la rivière Kazan dans la région du Kivalliq au Nunavut, au nord du Canada.

Le lac est devenu célèbre en raison de l'histoire de la disparition mystérieuse d'une village inuit entier sur ses rives. Cette histoire pourrait cependant n'être qu'un canular inventé de toute pièce par la presse locale dans les années 1930.


Le lac Angikuni pris en photographie en 2014
(Source : Nicolas Perrault)


Mythe du village inuit disparu


L'histoire circule sous de nombreuses versions présentant de petites variations.

Le début de l'histoire est en général identique dans la plupart des versions.

Au début du XXèmes siècle, une communauté inuit (variant d'une trentaine à près de 2000 personnes selon les sources) était installée sur les rives rocheuses du lac Angikuni.
En novembre 1930, le trappeur et vendeur de fourrure Joe Labelle était de passage à proximité du lac. Il connaissait bien le village inuit pour s'y être déjà arrêté en d'autres occasions et sachant que les indigènes réservaient toujours un accueil chaleureux aux voyageurs de passage, il décida d'y passer la nuit.
Il fut surpris en arrivant de trouver le campement entièrement vide : hommes, femmes, enfants et personnes âgées avaient tous disparus. Plus surprenant encore : fusils, vêtements et stocks de nourriture étaient encore présents dans les tentes, alors que jamais ces objets et denrées précieuses n'auraient été abandonnés par leur propriétaires. Labelle trouva également un ragoût encore en train de cuire sur son feu, ainsi qu'un ouvrage de couture dans lequel l'aiguille était toujours plantée, comme si les inuits avaient dû quitter en toute urgence le village. Aucune trace de lutte ou de combat ne pouvait être observée.
Le trappeur rebroussa chemin terrorisé et après avoir atteint le poste de télégraphe le plus proche, il signala la disparition à la Police Montée Royale Canadienne (Royal Canadian Mounted Police, RCMP).

La Police Montée arriva plusieurs heures après, et après avoir interrogé Labelle, partit mener une enquête sur place au lac Angikuni pour constater par elle-même la disparition des habitants du village.


Image circulant sur Internet pour représenter le village disparu du Lac Angikuni. L'image est en réalité la photographie d'un village iñupiaq de King Island dans l'Alaska, prise par Edward S. Curtis en 1927


La seconde partie de l'histoire est plus variable selon les sources.

Selon certaines versions, alors qu'elle était en route vers le lac Angikuni, la Police Montée rencontra un autre trappeur nommé Armand Laurent et ses deux fils, qui leur raconta qu'ils avaient observé d'étranges lumières changeant sans cesse de forme et de couleur au dessus du lac.
D'autres sources affirment que la Police Montée put elle-même observer des lumières bleues fantomatiques dans le ciel en arrivant au lac.

Sur place, la Police Montée constata que les tombes ancestrales du village avaient été profanées et vidées, bien que le sol ait été dur comme de la glace. Les pierres couvrant les tombes avaient été empilées, montrant que cette profanation avait bien été l'oeuvre d'êtres humains et non pas d'animaux charognards.
La Police aurait également trouvé des chiens de traîneau à un petite distance du village ; les chiens étaient manifestement morts de faim il y a un certain temps, leurs corps étant recouverts par près de 2 mètres de neige. Certaines sources précisent que les chiens avaient été attachés à un arbre, afin de les empêcher de chasser de la nourriture.

Dans tous les cas, l'enquête de la RCMP ne put élucider le mystère et expliquer pourquoi les indigènes avaient tous abandonnés le village en laissant derrière eux nourriture, armes et équipement.


Des officiers de la Police Montée canadienne dans un détachement du Yukon, pris en photo au début du XXème siècle


Un canular probable ?


La plus ancienne mention de l'histoire de la disparition du lac Angikuni se trouve dans l'édition du 27 novembre 1930 du quotidien The Danville Bee, de la plume du journaliste Emmett E. Kelleher. D'autres sources affirment que l'article aurait plutôt été publié dans le journal Le Pas, Manitoba, mais aucune édition ancienne n'a pu être retrouvée pour l'attester.
L'article ne raconte que la première partie de l'histoire, soit la constatation de la mystérieuse volatilisation des villageois par Joe Labelle. Le récit de Labelle est cependant assez réservé si on le compare aux versions plus tardives de l'histoire : le campement ne comptait que 25 personnes, et le trappeur a affirmé n'avoir trouvé sur place qu'un fusil abandonné et les cadavres de quelques chiens.
L'article était également accompagné d'une image montrant un campement amérindien... en réalité la photographie générique d'un village Cri prise en 1909, n'ayant donc rien à voir avec l'affaire du lac Angikuni.

L'article fut repris dans les jours qui suivirent par divers journaux, tel le Halifax Herald qui titrait le 29 novembre 1930 : Tribe Lost in Barrens of North — Village of Dead Found by Wandering Trapper, Joe Labelle (« Tribu perdue dans le lointain Nord — Village des morts trouvé par le trappeur errant, Joe Labelle »).


L'édition du Danville Bee du 27 novembre, dans laquelle figure l'article d'Emmett E. Kelleher à propos du lac Angikuni


Malgré ce fort écho médiatique, la disparition du lac Angikuni semble avoir été oubliée pendant presque une trentaine d'année.
L'affaire fut exhumée en 1959 par l'auteur et journaliste Frank Edwards qui la cita dans son livre Stranger than Science. Le récit d'Edwards est le premier à mentionner que la Police Montée canadienne se soit déplacée jusqu'au lac pour constater par elle-même la disparition des indigènes, et il extrapole le nombre d'habitants à 30.

En novembre 1976, le journaliste Dwight Whalens rédigea un article (intitulé Vanished Village Revisited) sur l'affaire pour le magazine Fate.
En avril 1977, Betty Hill de la très célèbre affaire de l'abduction du couple Hill écrivit une réponse au magazine ; elle affirmait avoir rencontré avec son mari un ancien officier de la Police Montée qui lui disait avoir enquêté pendant près de 9 ans sur la disparition du lac Angikuni et qui était convaincu que les villageois avaient été enlevés par des extraterrestres.

Suite à cela, l'affaire fut régulièrement citée dans des livres consacrés à l'ufologie ou aux abductions extraterrestres?, et elle s'enrichit de détails rendant l'histoire plus dramatique :

  • en 1984, dans leur livre The World’s Greatest UFO Mysteries, les ufologues Roger Boar et Nigel Blundell gonflèrent le nombre d'indigènes à près de 1200 habitants. Ils ajoutèrent également l'anecdote de la rencontre entre la police montée et le trappeur Armand Laurent, et des étranges lumières que ce dernier aurait pu apercevoir.
  • en 2001, un article sur le site Internet Rense.com augmenta encore la taille du village à 2000 habitants, et semble être le premier à mentionner que les cadavres de chiens de traineau aient été recouverts par plusieurs mètres de neige.
  • en 2006, le Canadian UFO Report de Chris Rutkowski et Geoff Dittman introduisit l'anecdote du pillage des tombes ancestrales du village.


Image circulant sur Internet pour représenter le village disparu du Lac Angikuni. L'image est en réalité la photographie d'un abri à nourriture yup'ik de la baie de Hooper en Alaska, prise par Edward S. Curtis en 1929


La RMCP a toujours affirmé que l'affaire de la disparition du lac Angikuni était un canular et qu'il n'en existait aucune trace dans les rapports de la Police Montée.
Une ancienne version du site Internet de la RMCP indiquait ainsi que l'histoire avait été intégralement inventée par Frank Edwards pour les besoins de son livre, et qu'aucun village aussi peuplé n'aurait pu exister dans une région aussi reculée.
Contacté en 1988 par les Sceptiques d'Australie, l'historien de la Police Montée S. W. Horral a répondu :

« Il y a de nombreuses années, des membres [de la Police Monté] alors à la retraite et qui avait servi dans la région au moment où ces évènements sont supposés s'être produits (1930) furent appelés à s'exprimer sur cette histoire. Ils ne purent pas la confirmer, ne se rappelaient de rien de similaire, et étaient étonnés qu'une histoire à dormir debout aussi ridicule puisse être crue. Nos fichers ont été consultés avec attention. Rien d'étrange n'a fait l'objet d'un rapport. Aucune personne nommée Joe Labelle n'a jamais été à la RMCP dans un état de panique à propos du lac Angikuni. La RMCP n'a jamais envoyée aucune équipe d'investigation. Les seuls traces que nous ayons de cette histoire sont des copies de lettres envoyées à des correspondants comme vous-même, les informant que cette histoire est une pure fiction. »
[Cité par Brian Dunning, traduction d'Ar Soner]

Cependant, outre le fait qu'il y a au moins un article de presse ancien de 1930 montrant que l'histoire n'a pas été totalement inventée par Frank Edwards, Dwight Whalens affirmait dans son article pour Fate qu'il existe bel et bien un rapport ancien de la Police Montée au sujet de l'affaire du lac Angikuni.
Ce rapport daterait du 17 janvier 1931 et serait dû à l'officier de police J. Nelson basé au détachement de Le Pas. L'officier aurait interrogé des commerçant locaux, qui lui auraient affirmé n'avoir jamais entendu parler de cette affaire de la part des trappeurs passant dans leurs magasins. Et si Joe Labelle était bien une personne réelle, il était peu probable qu'il ait eu l'occasion de passer au lac Angikuni car celui-ci était très éloigné de son secteur habituel dans le nord du Manitoba. Nelson concluait que l'ensemble de l'affaire était une fraude montée par le journaliste Emmett Kelleher.


Dans son podcast Skeptoïd, le sceptique Brian Dunning a pointé du doigt plusieurs incohérences présentes dans de nombreuses versions de l'histoire. Il est ainsi régulièrement fait mention de canoës sur le lac, alors que celui-ci aurait été complètement pris par la glace au mois de novembre. Il est également précisés que les artefacts (canoës, tentes) sont faits en peau de phoque, chose peu probable considérant la localisation loin à l'intérieur des terres du lac Angikuni ; les inuits de l'intérieur des terres utilisaient du cuir de caribou, une distinction qu'un trappeur comme Joe Labelle aurait dû savoir faire.


Hypothèses explicatives


S'il est communément admis de nos jours que l'histoire de la disparition du lac Angikuni est au moins partiellement un canular, de nombreuses personnes sont de l'avis qu'elle repose malgré tout sur un fond de vérité.
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la soudaine et mystérieuse disparition des habitants du village :

  • un enlèvement par les extraterrestres : l'hypothèse d'un enlèvement? de la population indigène par les extraterrestres est la plus souvent citée. Elle repose toutefois essentiellement sur une poignée d'éléments (observation de lumières par le trappeur Laurent Armand, puis par la Police Montée) dont l'authenticité est très douteuse car ils semblent avoir été inventés a posteriori (voir ci-dessus).
  • une malédiction surnaturelle : cette hypothèse est la plus ancienne, puisque Joe Labelle lui-même affirmait que la population avait été enlevée par « le mauvais esprit esquimo Tornrark ». Ce nom est vraisemblablement une variante de Torngarsuk, un puissant esprit de la mythologie inuit.


Image circulant sur les pages Internet consacrées à la disparition du lac Angikuni et supposée représenter le dieu Torngarsuk. L'image est en réalité la photographie d'un masque kwakiutl (culture amérindienne de la côte Ouest du Canada) prise par Edward S. Curtis en 1914 ; le masque représente un héros mythologique, sans lien avec Torngarsuk


  • une migration de la population : bien que sous l'influence de la colonisation occidentale, les populations Inuits aient petit à petit adopté un mode de vie sédentaire, dans les années 1930 de nombreuses communautés étaient encore fidèles à leurs traditions et pratiquaient toujours un forme de semi-nomadisme. Ces tribus effectuaient encore occasionnellement des migrations en réponse aux changements saisonniers ou pour s'adapter aux déplacements de leurs ressources alimentaires. Les campements étaient alors déplacés ou abandonnés sur place au besoin.
    L'abandon du village sur les rives du Lac Angikuni n'aurait donc rien de mystérieux, mais s'expliquerait simplement par un mouvement normal de population.
    Les partisans des hypothèses surnaturelles avancent toutefois que cette explication s'accommode difficilement avec le constat que les indigènes auraient laissé nourriture et armement derrière eux dans leur migration, alors que ces biens étaient particulièrement précieux — à plus forte raison pour un déplacement effectué en plein hiver.

D'autres hypothèses (disparition dans une autre dimension, attaque de vampires ou de wendigo...) ont également été proposées.


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Traduction anglaise : l'affaire est connue dans le monde anglophone sous le nom de vanishing village of Lake Angikuni ou vanished tribe of Lake Angikuni

Localisation : lac Angikuni ; Nunavut, Canada, Amérique du Nord.

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Catégories : A ; Canulars ; Évènements ; Ufologie
Auteur : Ar Soner
Mise en ligne : 15/01/16
Dernière modification : le 01/02/16 à 23:08